Miguel Díaz Canel, le changement de génération

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Nous publions ci-après un article "de Cartas desde Cuba" publié sur le site CUBANIA.

Lire également l’article d’Arturo Lopez-Levy publié sur le site Epoch Times : "Cuba une ère post-castro se dessine..."

« La nomination de Miguel Díaz Canel comme deuxième homme du pouvoir le place en tête comme candidat du Parti Communiste aux prochaines élections présidentielles ».

« Regarde, c’est le secrétaire du parti de la province », m’a dit un ami en me montrant un jeune homme d’environ 35 ans qui faisait la queue devant une pizzeria de Santa Clara. C’était difficile de le distinguer parce qu’il avait les cheveux longs et portait un short et un polo.

On m’a raconté qu’il se déplaçait en vélo et qu’il utilisait la voiture officielle seulement quand il sortait de la ville. On dit aussi que des cadres supérieurs du Parti Communiste ne voyant pas cette attitude d’un très bon œil, lui demandèrent de s’habiller et de se comporter comme un Premier Secrétaire.

Moi, j’étais là-bas pour couvrir un Festival National de Travestis qui devait avoir lieu au Mejunje (« le Mélange »), un centre culturel de Santa Clara où des spectacles de rock, de travestis, des journées du boléro, une discothèque gay, une galerie d’art et des concerts se partageaient l’espace.

C’étaient des années très difficiles pour cet unique sanctuaire de la communauté LGBT, une sorte d’oasis au milieu de l’aride hostilité homophobe. Je me souviens qu’un fonctionnaire s’était plaint parce que dans un reportage, j’avais mentionné le lien qui unit le Che à la ville de Santa Clara.

Silverio, l’homme qui a fondé et dirige le Mejunje, m’a expliqué que si le projet a survécu, c’est parce que, entre autres choses, Miguel Díaz Canel a supporté les pressions venues d’en haut. « C’est pour cette raison qu’au moment de lui offrir notre livre, nous lui avons écrit cette dédicace : Merci pour ta complicité ».

Ce qui est vrai, c’est qu’à La Havane, pendant que la police arrêtait les « hommes habillés en femme » pour scandale sur la voie publique, à Santa Clara les travestis se promenaient dans les rues, se rendaient à l’université et allaient même jusqu’à monter des spectacles sans que personne ne les en empêche.

Cette ouverture culturelle ouvrit la place à d’autres marginaux, de sorte qu’un mouvement puissant de « rockers » apparut et que les amoureux des tatouages choisirent cette ville pour organiser leur rencontre annuelle. A Santa Clara, la différence n’était plus stigmatisée.

Le samedi soir, le Parc Vidal est un exemple d’intégration sociale : sont assis sur les mêmes bancs, des paysans, des grands-pères amateurs de boléro, des rockers et des travestis, pendant que quelques policiers contemplent la scène, impassibles, depuis le coin de la rue.

Une personne qui travaille avec Díaz Canel raconte qu’on a envoyé ce dernier de Villa Clara vers la Province de Holguín pour tout réorganiser. La corruption était telle qu’elle semblait incontrôlable ; pourtant il y fit le ménage de façon radicale bien que discrète.

Suite à ses réussites à Holguín, Raúl Castro le fit venir à la Havane pour réformer l’enseignement supérieur, une usine à gaz, très abstraite et très peu connectée à l’économie du pays. Le défi était énorme, parce que cela impliquait de lutter contre des idées profondément ancrées dans la société.

Un professeur m’a raconté qu’en tant que Ministre de l’Education Supérieure, il s’est tout de suite rendu à l’Université de La Havane pour écouter les professeurs les plus anciens qui se plaignaient de ne jamais être entendus quant aux propositions qu’ils élaboraient.

Après cette première réunion, il demanda à ces mêmes professeurs de tout lui expliquer concernant l’Education Supérieure. C’est à partir de ce moment, vers 18h, que le ministre se présenta chaque jour à l’université comme n’importe quel autre élève.

Pour nous les journalistes, il nous compliqua la tâche parce que ce n’était pas un spécialiste des déclarations à la presse. Son style, c’est plutôt celui du profil bas médiatique, ce qui lui permet de se mouvoir plus librement ; mais qui nous oblige, nous journalistes, à travailler davantage.

Díaz Canel est né avec la Révolution et gravit pas à pas les marches du pouvoir en s’appuyant sur une gestion efficace de chaque tâche qui lui est dévolue. Loin de la capitale, il développe des qualités de leadership, de celui qui doit se débrouiller seul.

Sa nomination comme deuxième homme du pouvoir le place en tête comme candidat du Parti Communiste aux prochaines élections présidentielles.

Il incarne le changement de génération dans le leadership historique de la Révolution.