L’histoire et ses empreintes

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La lutte clandestine dans les villes, qui a été particulièrement intense à La Havane et à Santiago, continue à être, pour beaucoup, enveloppée dans la brume de l´oubli ou de l´ignorance. Tout d´abord parce que c´était la forme la plus risquée et difficile d’un combat révolutionnaire qui se livrait sur un terrain où le déséquilibre des forces était le plus prononcé et complètement défavorable pour les forces révolutionnaires.

Paroles de Ricardo Alarcón de Quesada lors de la présentation du livre « La lección del Maestro, » de Carmen Castro Porta et d’autres combattantes du Front Civique des Femmes Martianas, le 17 mai 2013

Batista avait concentré sa puissance militaire dans les villes. Là, il y avait une présence menaçante de tous les appareils répressifs, des véritables gangs d´assassins et de tortionnaires, comptant en plus sur un vaste réseau d´informateurs et de collaborateurs.

Dans les grandes villes se trouvaient également la bureaucratie gouvernementale et les machineries politiciennes à son service, ainsi que les principales sociétés qui contrôlaient la vie économique du pays. Dans la capitale, en plus, le jeu, la prostitution et d’autres maux pesaient gravement, rapportant autant que les grandes entreprises pour les hiérarques du régime et leurs forces de police. Les chômeurs déambulaient dans les rues, la mendicité était abondante ainsi que les enfants abandonnés.

C´était, comme le dit Carlos Lamarca, « comme si on devait combattre dans une grande souricière ». On comprendra que dans ces conditions il était extrêmement difficile de préserver des documents, d’élaborer des analyses et de garder les données nécessaires pour ensuite raconter l´histoire. Il y a des exceptions notables comme la lettre de Fidel à Carmen Castro Porta qui a pu être sauvée grâce à l´ingéniosité de Maruja Iglesias et l´aide d’autres.

Ceux qui ont participé à la lutte révolutionnaire devaient se livrer corps et âme, après la victoire, à défendre le pouvoir conquis si durement et construire une nouvelle Cuba, juste et libre, et nous le savons tous, qui a été un demi-siècle de lutte incessante lors duquel il n’y a pas assez de temps pour la réflexion et l´écriture. Il s´agit d´un mérite supplémentaire de l´ouvrage que nous présentons aujourd´hui.

Dans les aimables paroles que m’a dédié la chère compañera Rosita Mier Lopez, elle dit : « ce livre recueille les empreintes d’une admirable histoire ».

Le livre, en effet, contient des textes et des photos de l´époque, ainsi que des précieuses témoignages et des entrevues de plusieurs combattants du Front Civique des Femmes Martianas qui, individuellement et parfois en chœur, ont offert une véritable approche de la situation dans la République après le coup d´Etat du 10 mars et de l´engagement afin de délimiter les camps, de soustraire les faussaires et les opportunistes et d’appuyer ceux qui s’opposaient de plein fouet à la tyrannie et promouvaient l´unité entre eux.

Les descriptions des rencontres d’Aida Pelayo et d’autres dirigeants avec divers personnages de l´époque, ont une valeur spéciale. Le résultat est un volume vraiment utile, sa lecture permettra de comprendre une période cruciale de l´histoire nationale à ceux qui ne l’on pas vécu, de la part d´un groupe d´héroïnes qui se sont toujours exprimées avec honnêteté, volonté révolutionnaire et esprit unitaire.

Les femmes, organisées principalement par le Front Civique, constituaient une véritable force d´importance se soulignant dans la résistance et dans les nombreuses batailles qui conduiraient au renversement de la dictature. Peu a été dit sur le rôle décisif qu’elles ont eu, sur les risques qu’elles ont affronté, sur les sacrifices qu’elles ont dû assumer. Le Front, comme nous le savons, réunit des combattantes des années 1930, comme Aida et Carmen, qui sont restées fidèles à leurs idéaux d´hier, et des femmes de la génération du Centenaire, parmi lesquels beaucoup étaient très jeunes, même mineurs, des jeunes filles.

L´héroïsme de toutes possède une plus grande importance si l´on considère la subordination à laquelle étaient soumises les femmes dans une société patriarcale et machiste. Lors de ces années de discrimination, de préjugés et de « chaperons » de nombreuses adolescentes se sont levées et sont descendues dans la rue pour protester, elles étaient des conspiratrices vaillantes et tenaces, elles ont empoigné les armes et elles ont supporté les tortures et la mort. Aucune n’a jamais faibli, aucune n’a trahi, aucune n´a plié ni s’est soumise devant les pires supplices.

Les paroles seront toujours incapables de décrire l´exploit, passer sous silence mais multiple et répété, qu’est l´histoire de ces femmes. Ici sont à peine rassemblés des empreintes, mais des empreintes indélébiles.

Hors de Cuba, beaucoup de ceux qui étudient la Révolution cubaine se demandent, étonnée, comment expliquer la résistance obstinée de cette île, sa capacité pour prévaloir devant la haine et l´agression que la plus arrogante puissance de la planète a lancé contre elle, la plus longue guerre de l´histoire.

Ils pourront rencontrer la réponse ici. Dans notre histoire douloureuse, difficile, mais admirable. L´histoire que toutes et tous revivrions.