Les relations entre l’Eglise catholique et le gouvernement cubain se refroidissent-elles ?

Partager cet article facebook linkedin email

Article de Fernando Ravsberg,

Les dirigeants de l’Eglise Catholique Cubaine veulent limiter clairement les relations avec le gouvernement de Raoul Castro. Ce dimanche ils demandent que soient réalisés des changements politiques en accompagnement des réformes économiques engagées depuis 2008.

Des relations contrastées...

Voilà 20 ans, la lettre pastorale, « L’amour peut tout faire », provoqua une énorme discorde entre Fidel Castro et le clergé catholique.

La négociation lors de la venue du Pape Jean Paul II à Cuba en 1998 permit de clarifier les positions.

Mais lors de l’arrivée à la présidence de Raoul Castro en 2008, lors des discussions sur la libération des prisonniers politiques et de droit communs, la méfiance s’accrut.

Bien que cette alliance ait permis, à tous, de gagner un espace politique, ce n’est rien comparé à l’opposition non négligeable qu’affronte le Président Raoul Castro au sein du leadership communiste ainsi que le Cardinal Jaime Ortega avec les évêques,

Demandes nuancées

La lettre pastorale exprima que « Les espoirs d’un futur meilleur inclus aussi un nouvel ordre politique », arguant que « nous pensons qu’il est indispensable que dans notre réalité cubaine il faut une actualisation ou une mise au point de la législation nationale au niveau politique ».

Le demande d’ouverture fut nuancée, ce lundi, par le porte- parole de la Conférence Episcopale, qui mentionna « qu’ il
serait utopique d’envisager des élections à court terme, mais au moins, que puissent s’exprimer des avis non affiliés à une ligne ou stricte orientation officielle.

En quelques mots, tout en réclamant une ouverture politique ils précisèrent qu’ils ne demandaient pas des élections pluripartistes mais une amplification du dialogue « élargi à des groupes et personnes ayant des idées différents et que ces dernières doivent être prises en compte »
.
Les relations bilatérales pourraient se refroidir également du côté du gouvernement cubain, vu que l’attrait vers d’autres religions est manifeste, avec la présence du Vice - président , Miguel Diaz Cane, actif dans la Santeria, religion afro-cubaine majoritaire sur l’île.

L’Eglise Catholique prend ses distances vis-à-vis du gouvernement cubain.

La trêve

Depuis 1959, les relations Eglise-Etat sont tendues, le clergé appuya ouvertement les ennemis de Castro jusqu’à collaborer en envoyant aux EUU 14 000 enfants sans leurs parents. De son côté le gouvernement cubain expulsa environ cent prêtres étrangers et il marginalisa les religieuses.

Le Cardinal Ortega et le Président Castro ont l’air d’avoir trouvé un accord bénéficiant aux institutions religieuses. L’Eglise Catholique se porta garante au niveau international du gouvernement cubain et ce dernier donna satisfaction à de nombreuses requêtes venant des religieux.
La première personnalité reçue par Raoul Castro lorsqu’ il fut investi Président fut un envoyé du Pape Jean- Paul II. Monseigneur Bertoni devint la première personnalité visitant Cuba sans rencontrer en préambule la dissidence.

Le Cardinal Jaime Ortega, chef de l’Eglise Cubaine, s’éloigna des dissidents d’origine catholiques, ainsi que du leader du Mouvement Chrétien de Libération, Oswaldo Paya, qui accusa le prélat de vouloir créer un parti en marge de la dissidence existante.

Cependant, Ortega n’obtint jamais une entière obéissance de ses évêques et ce, même durant le procès devant clarifier la mort de Paya, la famille du dissident fut amenée aux conférences avec la presse étrangère dans des véhicules fournis par des membres du clergé

Départ du Cardinal Ortega ?

Des rumeurs dans les milieux catholiques annoncent que le Cardinal Ortega devrait se retirer compte tenu de son âge et que les ultras devraient pouvoir revoir la position actuelle de l’Eglise Cubaine, entrainant ainsi une ère de heurts avec le gouvernement.

De plus, il est clair que Raoul Castro a peu à leur offrir, du fait qu’il facilita l’accès aux prisons et hôpitaux, et il autorisa le retour des religieuses et des prêtres étrangers au pays, une mesure clé pour une église qui n’a jamais été capable de s’occuper des cubains

Aujourd’hui, le clergé réclame de nouveaux droits comme l’accès à l’éducation et aux moyens de communications, mais il est peu probable qu’à, court terme, il leur soit autorisé d’ouvrir des collèges catholiques privés ou de créer des radios, des canaux de TV et des journaux contrôlés par l’Eglise.

De toutes façons, ces sujets ne se traitent pas exclusivement à Cuba, Rome doit donner son avis. Le faible nombre de fidèles fait que l’église cubaine est dépendante du Vatican et la discipline au sein du clergé ressemble à celle du Parti Communiste.

Sur Fernando Ravsberg
Né en Uruguay, correspond de BBC Monde à Cuba et professeur de post grade d’ « Information internationale et des pays du Sud » à l’Université Complutense de Madrid. Il fut journaliste de télé monde des EEUU, Radio Nationale de Suisse et TV Aztèque de Mexico. Auteur de 3 livres : Le casse -tête cubain, Reportages de Guerre et Portraits.