L’AVENIR APPARTIENT AUX HOMMES COURAGEUX, A CEUX QUI LUTTENT, A CEUX QUI NE S’AVOUENT JAMAIS VAINCUS…

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Le 26 décembre dernier sans attendre la traduction nous avons publié cet important article qui retrace l’épopée des 1412 cubains venus combattre pour la liberté aux cotes des républicains espagnols.

Ci-après l’intégralité de l’article publié sur le site cubain "lapupilainsomne" et traduit par Pascale Hébert que nous voulons une nouvelle fois remercier.

Plus de deux cents personnes ont assisté aujourd’hui 21 décembre à Madrid à l’hommage rendu aux 1412 Cubains qui ont lutté pour la liberté pendant la Guerre Civile Espagnole.

Au cours de la cérémonie, on a inauguré une plaque en leur mémoire au cimetière madrilène de Fuencarral.

Voici les paroles qu’a prononcées l’ambassadeur de Cuba en Espagne, Eugenio Martínez :

Bonjour Mesdames, bonjour Messieurs. Aujourd’hui, alors qu’une année riche en évènements est en train de se terminer, je remercie pour leur présence nos amis et nos invités.

On a pu établir que pendant la Guerre Civile Espagnole des citoyens d’au moins 54 pays ont combattu dans le camp républicain.
Ils méritent tous qu’on se souvienne d’eux et à eux tous nous rendons un hommage permanent.

Aujourd’hui je vous demande d’accepter que je ne parle que des jeunes cubains qui, ici, en Espagne, comme disait Périclès, « ont prouvé leur courage avec des actes », ces jeunes qui n’ont pas hésité à se lancer dans la grande bataille de leur temps, en défendant la tradition internationaliste que Cuba a promue et représentée jusqu’aux limites de ce qui est humainement possible.

Il faudrait rappeler que 38 ans à peine avant le début de la Guerre Civile en Espagne, Cubains et Espagnols s’étaient affrontés sur le champ de bataille. Ce qui fait que la présence de volontaires cubains soit encore plus extraordinaire. Dans les motivations de ces jeunes-là, il a dû y avoir la présence à Cuba d’étrangers qui ont accompagné nos luttes.

L’Institut d’Histoire De Cuba a identifié 10 Espagnols qui ont atteint le grade de Général dans l’Armée de Libération cubaine et pendant les trois guerres, plus de 3000 Espagnols ont lutté dans les rangs des Mambis. Le Chef de l’Armée cubaine, Máximo Gómez, était Dominicain et son bras droit était un Espagnol, de même que le porte-drapeau du Conseil de Gouvernement de la République de Cuba en Armes. La dernière promotion signée par le Général Antonio Maceo, un jour avant sa mort, fut celle de Plácido Vázquez, déserteur de l’Armée Espagnole, qui avait servi sous les ordres directs du Général Arsenio Martinez Campo. L’état major de Maceo a eu parmi ses héros le Général de Division catalan José Miró Argenter.

Chers amis et chers invités :

Les publications les plus connues sur la Guerre Civile Espagnole ont très peu reconnu la présence latino-américaine.
Par exemple, c’est aujourd’hui dans ce cimetière la première fois que l’on pose une plaque pour honorer les Latino-américains.

Et en cet instant, je souhaite remercier pour leur implication, leur affection et leur dévouement plusieurs personnes qui ont assumé ce devoir envers l’Histoire de Cuba et de l’Espagne : le Forum pour la Mémoire Historique, la Fondation Domingo Malagón, l’Association « Playa Girón » de Cubains et Cubaines résidant dans la Communauté de Madrid et l’Association d’ Amitié Hispano-cubaine « Bartolomé de Las Casas », tout particulièrement Eusebio, Luis et son épouse Mary qui, après avoir rencontré le journaliste cubain Iroel Sánchez ont assumé comme une mission victorieuse la pose de cette plaque symbolique. Cela fait des jours qu’ils font des démarches pour que l’on se souvienne dignement des Cubains tout comme d’autres combattants. Je demande qu’on les applaudisse, contre la volonté d’Eusebio, dont on ne peut pas toujours tenir compte.

Combien de Cubains sont venus en Espagne lutter pour la République ?

Je sollicite votre bienveillance pour me permettre de faire un court récit.

J’ai téléphoné à La Havane à la Licenciada María Sánchez Dotres et à son mari, l’écrivain Enrique Cirules. María, une héroïne, non seulement parce qu’elle a démontré le courage des Cubains dans cette bataille mais aussi parce qu’elle a été une combattante de l’Armée Rebelle qui a renversé la sanguinaire dictature de Batista, a intégré, dans la Sierra Maestra en décembre 1957, la colonne N° 4 commandée par le Che ; et elle est la fondatrice du III ème Front Oriental María Muňoz Monroy, aux portes de Santiago, sous le commandement de Juan Almeida Bosque et, en tant que telle, elle a participé à la marche jusqu’à la Région Occidentale, comme membre du III ème Front.

María, actuellement convalescente à la suite d’une opération, m’a encouragé à raviver le souvenir de la jeunesse cubaine parce qu’elle-même s’est appliquée à revendiquer chacun des Cubains qui ont lutté ici. Elle a consacré ses forces à retrouver chacun des combattants cubains anonymes et grâce à ce dévouement, elle a offert à Cuba la connaissance d’un morceau merveilleux d’une Histoire dont nous ne pouvons pas permettre qu’elle se perde avec le temps.

María m’explique qu’il y trois enquêtes cubaines qui ont été consacrées à ce sujet. La première est celle de Ramón Nicolau, qui fut l’organisateur, le chef, de la commission de recrutement qui, depuis La Havane, envoyait les courageux en Espagne. Cette enquête a été publiée en 1981, dans l’excellent livre « CUBA ET LA DEFENSE DE LA REPUBLIQUE ESPAGNOLE, 1936-1939 » où Nicolau est parvenu à identifier 735 combattants cubains. Et la seconde, celle du professeur Alberto Bello et du journaliste Juan Pérez Díaz, qu’ils ont publiée en 1989, où ils présentent une liste de 710 combattants cubains qui ont lutté pour la République.

Mais la Licenciada María Sánchez Dotres et son époux, le célèbre écrivain Enrique Cirules, ont approfondi et fouillé jusqu’à un point où personne n’était parvenu. Ils ont consulté pendant des mois les archives du KOMINTERN à Moscou et grâce à cela, ils ont réussi à identifier 1 412 Cubains qui ont traversé l’Atlantique pour mener la bataille pour la démocratie et pour la dignité. Il y en a 50 autres dont María et Cirules savent qu’ils sont venus mais ils ne peuvent pas le confirmer avant d’avoir retrouvé les documents : la rigueur de l’Histoire unie à la rigueur du combat.

Ce chiffre fait que la présence cubaine peut représenter proportionnellement le plus fort contingent dans le conflit armé, par rapport à la population du pays.

María m’a dit que les 1 412 combattants identifiés sont arrivés en Espagne par quatre voies ou en quatre groupes différents :

  • Un groupe était constitué de ceux qui sont partis directement de La Havane, par l’intermédiaire de la commission de recrutement que dirigeait Ramón Nicolau, qui a envoyé vers ce pays, de manière clandestine, environ 850 hommes.
  • Le deuxième groupe comprenait 355 Cubains qui se sont enrôlés dans la XVème Brigade Internationale « Abraham Lincoln » et qui sont venus des Etats-Unis, ce qui représente un tiers de cette Brigade qui a sa plaque ici, dédiée aux Canadiens, Anglais et Nord-américains.
    Malheureusement, les historiens de la XVème Brigade « Abraham Lincoln » ne mentionnent pas la présence dans ses rangs des Cubains ni des Latino-américains et ils ne disent pas que les Argentins constituaient un groupe de 650 combattants, dont 60 apparaissent dans les archives des Cubains, de même que 40 Brésiliens, et également des Mexicains, des Centre-américains et un Panaméen.
  • Le troisième groupe a été formé avec ceux qui se trouvaient déjà en Espagne depuis le premier jour ; ils avaient participé aux côtés des révolutionnaires espagnols à l’assaut de la Caserne de la Montaňa de Madrid. Ce groupe était formé d’exilés résidant à Madrid, d’étudiants cubains de cette ville et d’autres qui, tout simplement, étaient en Espagne avec leurs parents espagnols. Dans ce groupe, sont inclus les Cubains qui étaient à Barcelone et qui ont participé aux combats de rue dans la ville et même une délégation de sportifs cubains qui participaient aux Olympiades parallèles que la République avait organisées pour contrecarrer les Olympiades de Berlin. Parmi eux, se trouvait Isidro Díaz Gener, le boxeur cubain que vous pouvez voir évoqué ici.
    Et enfin, il y a eu un quatrième groupe de Cubains qui sont entrés en Espagne en provenance de La République Dominicaine, du Venezuela, d’Amérique Centrale, du Mexique et d’autres pays européens, dont la France, y compris un Cubain qui avait déserté de la Légion Etrangère en Afrique pour s’unir aux révolutionnaires espagnols.

Chers amis :

L’Histoire ne peut se dissoudre. L’Histoire a été ce qu’elle a été. Nous ne pouvons pas omettre ce qui s’est passé, si certains ont manqué de courage pour l’expliquer. On peut ignorer, mais pas effacer ni changer ce qui est arrivé.
Les jeunes qui ont combattu ici croyaient que le combat pour la liberté valait plus que leur vie. Il n’y a pas de plus grande noblesse ni de plus grande humanité que ce geste. Ils valent pour ce qu’ils ont fait, pas pour ce qu’ils possédaient. Ils ont pris l’avenir entre leurs mains avec une étonnante maturité étant donné leur jeunesse. C’étaient des hommes de 25 à 27 ans. Très peu avaient dépassé 30 ans.

Plus de 100 Cubains ont donné leur vie en combattant pour la République.

Et j’évoque maintenant Pablo de la Torriente Brau ; c’est à cause de lui que sur la plaque est inscrite la date du 19 décembre : le jour de sa mort.

Pablo était à New-York parce qu’il avait dû quitter Cuba à cause de la situation politique. Quand il a appris que la guerre avait éclaté, il a décidé de partir en Espagne. Il a écrit à sa famille : « Je m’en vais en Espagne, vers la révolution, pour voir un peuple en lutte, pour connaître des héros… ». Il ignorait qu’il en deviendrait un.

Il réunit difficilement l’argent nécessaire pour acheter son billet et en même temps pour obtenir d’être le correspondant de deux magazines nord-américains. Pablo, l’un des jeunes les plus brillants de sa génération a fini par devenir le Commissaire Politique de la 10ème Brigade Mixte, composée de paysans. Mais ses responsabilités ne l’ont pas empêché de tenir un fusil et de combattre jusqu’à la mort.

Voici les faits : Il est tombé en défendant Madrid, sept jours après avoir fêté ses 35 ans, quatre mois après avoir débarqué en Espagne.

Il est mort dans ce que l’on a appelé « la Bataille de la Route de La Coruňa » ou « La Bataille du Brouillard », à 40 kilomètres de l’endroit où nous sommes.

Vicente González, vice-président de l’Association des Amis des Brigades Internationales, raconte qu’un front de 4 kilomètres devait être défendu par 160 hommes et que Pablo a été chargé de diriger deux des quatre compagnies du Bataillon. La bataille, étant donné la supériorité de l’adversaire, a obligé les Républicains à se replier et Pablo est tombé lors de cette escarmouche. Quatre camarades ont pénétré dans l’arrière-garde ennemie et ils ont récupéré son cadavre.

Vicente González dit que Pablo a reçu des honneurs bien supérieurs à son rang. Pablo était l’homme auquel, depuis leur tranchée, les Espagnols demandaient de prendre la parole. On raconte que Pablo a non seulement harangué ses camarades, il a aussi demandé à ceux de la tranchée d’en face d’abandonner leur perfide tentative de renverser la République.

Parmi les nombreux poèmes écrits à sa mémoire, se distingue celui que son ami et camarade de régiment, le grand poète Miguel Hernández a lu pour lui dire adieu, lui qui, comme vous le savez, est mort dans une cellule avant d’avoir 31 ans, condamné pour ses idées. Je me permets de vous lire seulement quatre strophes de ce beau poème.

Elégie Seconde

(A Pablo de la Torriente, Commissaire Politique)

  • « Je resterai en Espagne, camarade, »
  • M’as-tu dit avec une expression amoureuse .
  • Et, à la fin, privé de ton grand corps tonitruant de guerrier,
  • Sur l’herbe d’Espagne tu es resté,
  • Pablo de la Torriente.
  • Tu es resté en Espagne
  • Et dans mon âme, mort :
  • Jamais le soleil ne se posera sur ton front.
  • La montagne héritera de ta stature
  • Et le taureau beuglant de ton courage.
  • Passez devant le Cubain généreux,
  • Hommes de sa Brigade
  • Au fusil furieux,
  • Aux bottes coléreuses et à la main crispée.
  • Face à Pablo les jours s’abstiennent
  • Et ne s’écoulent plus.
  • Ne craigniez pas que s’éteigne son sang sans objet
  • Parce qu’il est de ces, morts qui croissent et s’agrandissent
  • Même si le temps dévaste leur squelette de géant.

Pablo fut enterré initialement le 23 décembre 1936 au cimetière de Chamartín de la Rosa, ici, à Madrid, dans l’attente d’être rapatrié à Cuba, mais aujourd’hui, il repose dans une fosse commune à Barcelone.

Aujourd’hui, mes camarades et moi, nous nous engageons à faire notre possible pour obtenir le transfert de ses restes à Cuba, conscients des innombrables obstacles ; mais à l’instar de Pablo, nous ne nous avouerons jamais vaincus.

Chers amis, chers invités, chers camarades, l’internationalisme est la valeur secrète de l’humanité que Cuba a pratiquée inlassablement, sans interruption, sans calculs économiques ni politiques.

Le leader de la Révolution Cubaine, Fidel Castro l’a résumé dans sa phrase « Etre internationalistes, c’est solder notre propre dette avec l’humanité » où il synthétise l’éternel dévouement pour les autres, la croisade ininterrompue pour aider ses semblables, l’oubli des égoïsmes, valeurs sans lesquelles nous ne serions rien.

Et cette phrase de Fidel n’est pas un simple effet rhétorique, mais la vérité des faits.

En combattant pour la liberté de l’Afrique, 381 000 soldats et officiers ont accompli des missions militaires aux côtés des soldats et officiers africains sur ce Continent et plus de 200 000 ont accompli des missions dans le domaine de la santé, de l’éducation et de l’ingénierie civile, entre autres…

2 600 Cubains sont tombés lors de combats en Afrique. Ici, avec moi, il y a plusieurs camarades de l’Ambassade qui ont fait partie de ces contingents de Cubains. […]

Ils sont un exemple des centaines de milliers de mes compatriotes.
Il nous incombe, à nous qui avons survécu, d’accepter le risque de donner nos vie pour les honorer.

En combattant dans le monde, en accomplissant des missions médicales ou éducatives, les centaines de milliers de Cubains qui ont pratiqué l’internationalisme, ont différé leurs souhaits de mener une vie agréable pour affronter le danger. Les centaines de milliers de Cubains qui ont offert leur temps et leur vie pour d’autres peuples ou nations, l’ont fait conscients que le risque était énorme et ils ont choisi de le courir : jamais le séduisant plaisir de la tranquillité, de la vie facile, n’a empêché un Cubain d’aider d’autres peuples. Nous ne sommes rien sans la qualité de l’oubli de l’égoïsme.

Quand on a assassiné deux professeurs cubains en mission au Nicaragua, 10 000 se sont offert pour les suivre.

Quand ils étaient en minorité dans le combat, quand le commandement ou les forces étaient défaillantes, ils n’ont pas renoncé et ne se sont pas enfuis, ils ont résisté et ils ont vaincu. Ils ont eu confiance en la victoire lorsque le combat était inégal ou incertain.
En fin de compte, ceux qui sont tombés l’ont fait au seuil de la consécration, pas de la peur, dans la sublime condition humaine qui doit nous inspirer.
Lorsque le patient agonise, le médecin cubain ne s’avoue jamais vaincu, il se bat comme nous le faisons pour nos propres enfants.

Je m’en remets encore une fois aux Grecs : « La tombe des grands hommes est la terre entière, ce n’est pas seulement une inscription sur leur pierre tombale qui nous parle d’eux ; sur le sol étranger aussi survit leur souvenir, gravé non sur un monument mais, sans mots, dans l’esprit de chaque homme »
.
Je demande qu’on se souvienne aussi des Cubains qui sont venus défendre la liberté en Espagne dans l’esprit de chaque homme et de chaque femme.
Parce que la solidarité est un choix, on ne nait pas avec. On la promeut avec les valeurs que la Révolution de Fidel et de Raúl a multipliées, avec l’optimisme de vaincre parce que l’on a raison, avec le courage de donner sa vie pour un idéal parce que nous sommes conscients que L’AVENIR APPARTIENT AUX HOMMES COURAGEUX, à ceux qui luttent, à ceux qui ne s’avouent jamais vaincus.

Chers amis et chers invités : au nom du noble et vaillant peuple cubain, avec la passion et l’honneur qui caractérisent nos compatriotes, avec l’engagement de ne pas trahir la tradition cubaine de l’internationalisme, de ne pas renoncer au devoir sacré avec l’humanité, je demande aujourd’hui que nous rendions hommage aux jeunes cubains qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour la liberté de l’Espagne !

VIVE L’INTERNATIONALISME !

VIVE L’AMITIE ENTRE LES PEUPLES ESPAGNOL ET CUBAIN !

VIVE LA REVOLUTION CUBAINE !

VIVE CUBA LIBRE !

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