Pete Seeger La conscience américaine d’un working-class hero

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Légende du folk américain Pete 
Seeger est mort 
à New York à l’âge de 94 ans. Sa musique puisait sa poésie 
et sa conscience 
du côté de l’histoire de la classe ouvrière des États-Unis ;

Un article de Victor Hache, publié par le quotidien l’Humanité.

Voir également l’article publié sur le site du journal Libération, accompagné de plusieurs vidéos : http://next.liberation.fr/musique/2014/01/28/pete-seeger-pionnier-de-la-musique-folk-est-mort_975993 .

«  Légende vivante de la musique et la conscience de l’Amérique  ».

Il portait haut la chanson humaniste, dont il se servait comme d’un drapeau contre tous les sectarismes. Pete Seeger est mort lundi à New York. Il avait quatre-vingt-quatorze ans. Icône de la musique populaire aux États-Unis, légende du folk américain, il était à l’origine de la protest song, puisant son inspiration du côté de la classe ouvrière américaine.

Humble, refusant les honneurs et le star-système, il n’aimait rien tant que faire partager sa musique au plus grand nombre. Il chanta jusque très tard, se produisant aussi bien dans les clubs que devant des foules immenses.

Lors de son 90e anniversaire, au cours d’un concert au Madison Square Garden de New York, Bruce Springsteen lui rendit hommage. Le Boss le présenta comme une «  légende vivante de la musique et la conscience de l’Amérique  ». De fait, le folk singer fut un sacré témoin de l’histoire de son pays. Il a su toucher la conscience des Américains et son style influença de nombreux artistes, tels Bruce Springsteen, Bob Dylan ou Joan Baez.

Né à New York le 3 mai 1919, il fut éduqué à la musique très jeune par ses parents, musicologues. Il n’était pas rare de le voir accompagner son père, jouant du ukulélé ou du banjo. Très vite, il s’intéresse au folk et à la chanson traditionnelle. Forcément, sa route croisa un jour celle d’un autre géant, Woody Guthrie, qui deviendra son ami. Ensemble, ils écriront notamment If I Had a Hammer ou encore Where Have All the Flowers Gone. Des classiques aux États-Unis qui furent repris plus tard dans le monde entier par des chanteurs comme Claude François (Si j’avais un marteau) ou Graeme Allwright (Petites boîtes).

Avec Woody Guthrie, ils fondent le groupe Almanac Singer et interprètent des chansons militantes lors de rassemblements syndicaux ou pacifistes contre la guerre du Vietnam, à l’image de Waist Deep in the Big Muddy, censurée à sa création en 1967. Seeger s’engagea dans la lutte pour les droits civiques des Noirs américains et composa son hymne We Shall Overcome, souvent repris par Joan Baez. Ses chansons étaient son porte-voix, sa seule arme, avec laquelle il tenta de rapprocher les gens. Une philosophie humaniste qui rencontra un large écho dans la communauté noire américaine et lui valut l’amitié du leader Martin Luther King.

Il fut à l’origine de l’éclosion du mouvement folk. Un renouveau de ce genre tombé en désuétude qu’il favorisa, créant en 1959 le festival de Newport où se révélèrent des artistes tels que Bob Dylan ou Joan Baez. Pete Seeger reste une référence non seulement pour ses compatriotes mais aussi pour les générations de chanteurs émus par le caractère sensible et visionnaire de son œuvre. Songwritter progressiste aux paroles subversives, il dérangeait les pouvoirs conservateurs. Membre du Parti communiste américain dans les années 1940-1950, il fut lui-même victime de la chasse aux sorcières à l’époque du maccarthysme. Son refus de témoigner lui vaudra plusieurs condamnations à la peine de prison pour outrage au Congrès, heureusement annulées en appel et non exécutées.

Il épousa les causes qui lui semblaient justes, sur fond de luttes émancipatrices. À New York en 1966, il popularisa la chanson Jose Marti Guantanamera, qui ira droit au cœur des Cubains. Il s’engagea aussi dans la lutte pour l’environnement en créant l’association Hudson River Sloop Clearwater, dénonçant les rejets de pesticides dans les rivières américaines. Autant de combats pour un monde meilleur qui forcent le respect. Lors de l’investiture de Barack Obama le 18 janvier 2009, Springsteen l’invita à chanter This Land Is your Land qu’il avait composé avec Woody Guthrie. «  Ce pays est le vôtre  », un hymne qui n’a pas fini de parcourir le monde.