Echos des havanes (suite)

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Le dernier Montecristo N°3 de Marc Blondel s’est éteint.

Marc Blondel dans CubaCoop ? Eh oui mais pour une bonne cause. Planétaire non, toute personnelle, une passion, qu’il partageait, en toute discrétion, avec une multitude d’amateurs, d’aficionados. L’heure n’est plus à ressortir les arguments qui séparaient les uns des autres. Une fois hors de sa centrale, un objet, un petit trésor emblématique ne le quittait jamais : un ou plusieurs havanes, plutôt un Montecristo N° 3. Il n’était pas un fumeur de cigare, il était un grand amateur de havanes devant l’Eternel, pratiquement son seul luxe, comme il le disait. Le monde du havane (comme celui de la tauromachie) est naturellement œcuménique. Jetez un œil sur la liste, entre autres, des membres du Club des Parlementaires amateurs de havanes, créé en 1994 !

Juste avant de quitter son poste de patron syndical, en 2004, Marc Blondel avait accordé un entretien à la revue L’Amateur de cigare.

(petit) Portrait de …Marc Blondel en grand amateur de havanes.

Par Michel Porcheron

Marc Blondel n’était pas de notre bord, on ne partageait pas sa tasse de thé, mais un peu quand même, dans ses heures de loisirs, hors syndicalisme et joutes qui vont avec. Aficionado a los toros, il descendait de Paris pour aller voir le plus grand nombre possible de corridas dans le Sud. Il ne s’aventurait pas en Espagne, son emploi du temps ne lui permettant pas de s’éloigner du siège de son organisation qu’il dirigea de 1989 à 2004.

Il n’aimait que la corrida. Le monde autour ne l’intéressait pas, ni l’avant ni l’après. Le « mundillo », les « tertulias » n’étaient pas pour lui. Mais il était un vrai connaisseur de la tauromachie.

Quand vous ne le croisiez pas à Nîmes, à Vic-Fezensac, …, il avait ses habitudes à La Cagouille, dans le XIV e arrondissement, tout près de l’Avenue du Maine, où se trouve le siège de F.O. Comme une cantine. C’est que son goût de la bonne chère authentique le conduisait dans de bons endroits. Aux tables de négociations, aux tables rondes, il ajoutait dans sa vie la table tout simplement. Avec ou sans bretelles. Avec ou sans écharpe rouge.

Mais toujours – au temps où c’était possible- avec son cigare. Un havane. Très vraisemblablement son seul lien avec la Cuba de Fidel Castro. Un havane sorti en temps voulu de son humidor. Pas forcément un barreau de chaise. Trop ostentatoire ? Plutôt une valeur sûre, de bon aloi, un corona bien construit, de taille modeste (142 mm x 16, 67 mm), autrement dit le Montecristo n°3, un cigare presque pour tous. Avec sa minutieuse application à allumer ses havanes – un rituel- il était un vrai amateur (« conocedor »). Le Montecristo n°3 perd un de ses plus fidèles adeptes.

En janvier 2004, à la veille de passer le relais, il avait accordé un entretien à Jean-Claude Perrier membre du comité éditorial de L’Amateur de cigares (n° 39/ printemps 2004). Marc Blondel vient de décéder, à 75 ans, des suites d’une septicémie.

ADC : Le cigare, c'est bon pour votre image ?

Marc Blondel : Je me balade avec mon cigare, l'après-midi et le soir. Je ne me cache pas. Mais j'ai reçu des tas de lettres, qui me demandaient : « Pourquoi vous fumez ces cigares de riches ? »

Pour quelques-uns, fumer le cigare, c'est une image d'Épinal : seuls les patrons fument le cigare. Un syndicaliste qui fume le cigare, c'est de la pro­voc ! Alors, j'assume, le cigare est un loisir de riche, c'est vrai. Mais moi, c'est pratiquement mon seul loisir, et mon seul luxe. Je peux me le permettre depuis que je n'ai plus d'enfants à charge à la maison. Je précise que ce n'est pas FO qui me paye mes cigares ! (rires)

ADC: Êtes-vous un épicurien ?

M.B. : Relativement. J'aime la cuisine bour­geoise, celle qui se mitonne, les vins en très petite quantité. Et, compte tenu de mes ori­gines, je bois une bière tous les midis, à l'apé­ritif. Je vais dans des restaurants simples, mais où on mange autre chose qu'un steak grillé.

«  Je veux un cigare à ma gueule, qui me permette de respirer normalement. »

ADC: Gourmet?

M.B. : Assez. Le dimanche, chez moi, c'est moi qui fais la cuisine.

ADC: Vos spécialités?

M.B. : Les pigeons au miel ou le lapin aux pru­neaux...

ADC: Quand fumez-vous le cigare?

M.B. : Je ne fume qu'après déjeuner, vers 14 heures, puis plusieurs cigares dans l'après-midi, et aussi le soir après dîner. Je suis un fumeur contemplatif, qui a besoin de calme. Si on fume le cigare comme un sapeur, c'est une catastrophe.

ADC: Quels cigares appréciez-vous?

M.B. : Les havanes uniquement. J'ai essayé des honduras : non merci! Mon cigare, en général, c'est toujours le même : le Montecristo N°3. Mais depuis six mois, je trouve qu'on a des pro­blèmes de qualité : mes cigares sont parfois trop durs, trop teintés. Alors, en ce moment, je suis à la recherche d'un autre cigare. Peut-être un robusto. Je veux un cigare à ma gueule, qui me permet de respirer normalement. Et j'essaie d'en apprécier tous les parfums. La saveur d'un cigare est fonction de votre état d'esprit du moment, c'est une alchimie.

ADC : C'est vous-même qui l’achetez ?

M.B. : Non, ce sont mes chauffeurs qui me les fournissent.

ADC: « Vos » chauffeurs?

M.B. : Oui, j'ai un chauffeur personnel, en permanence, qui me conduit partout où je dois aller. Ils sont deux, qui se relaient. Ce sont eux qui m'achètent mes cigares, et je les engueule quand ils ne me plaisent pas!

ADC : Dans votre famille, il y a d'autres fumeurs de cigares?

M.B. : Non. Si mon petit-fils qui a quatorze ans fumait le cigare, il prendrait ma main sur le nez.

ADC: Vous préférez qu'il fume du shit?

M.B. : Si j'apprenais qu'il fume du shit, il prendrait mon pied au cul.

ADC: Plutôt énergique pour un contemplatif...

M.B. : Non, c'est vrai, je suis un contemplatif Dans la vie, l'important, c'est la jouissance de choses, des plaisirs simples, comme le cigare, la corrida. Pas le casino.

ADC: Toro y puro, ça va plutôt bien ensemble.

M.B. : Tout à fait. À la corrida, je ne vais pas dans les gradins, mais en bas, avec les vrais aficionados. Je ne crie pas, je n'applaudis pas. Je regarde. Je fume mon Montecristo N°3. [On frappe à la porte. Entre une femme, énergigue : «Marc, ton prochain rendez-vous est déjà arrivé. Et puis, qu'est-ce que c'est que ça?... Tu fumes le cigare le matin, maintenant? » La porte se referme. On prend congé. ]

ADC: Dites donc, elle n'a pas l'air commode, votre secrétaire...

M.B. : Non, hein? D'autant plus que c'est aussi ma femme!

Il a chez lui une (simple) boîte à cigares. « Que ma femme m’a offerte »

Voir : http://www.humanite.fr/fil-rouge/deces-de-marc-blondel-reaction-de-pierre-laurent