Une douzaine de tableaux de grande valeur volés à La Havane réapparaissent à Miami…

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Fin mars, le reste de 70 œuvres volées est toujours disparu dans la nature

Avec la recherche « vol à La Havane », en français vous tombez à tous les coups sur les meilleurs plans pour vous rendre dans la capitale cubaine. Avec « vol au musée », défilent les musées de l’Ile. « Vol tableaux musée havane » ne donne rien non plus. C’est que vous cherchiez quelque chose en particulier, à partir d’une info de trois lignes dans un grand quotidien français du matin. En espagnol « vol », dans le sens « cambriolage », « pillage », « razzia » c’est « robo ». Nous reprenons nos recherches en espagnol et avec le mot « robo ». Nous y voilà.

« 70- C’est le nombre de peintures des XIXe et XXe siècles disparues des réserves du Musée national de La Havane. Cuba ne livre aucune indication sur les circonstances embarrassantes de ce vol, le plus important de son histoire. L’Unesco a mis en ligne les photos des œuvres dérobées, dont certaines ont déjà réapparu en Floride ». (Libération, 25/03/2014)

Voici, comme un début de mauvais polar, ce qu’on a pu recueillir par-ci par –là, sur des sites en espagnol, autant de bribes d’une affaire connue depuis environ un mois et sur laquelle les enquêteurs, des deux côtés du Détroit, respectent le silence le plus complet, procédé bien connue pour ne pas entraver les épineuses investigations en cours.

C’est que le butin est de taille. Des experts hors de Cuba ont avancé le chiffre de plus d’un million de dollars. Info ou intox ?
Le quidam est sollicité. A toutes fins utiles, la liste des tableaux volés est sur le net et le Musée, à La Havane, a mis à sa disposition une adresse électronique et deux n° de téléphone.

Une douzaine de tableaux de valeur, volés à Cuba …en vente en Floride.

Ce n’est que la partie visible du plus gros cambriolage au Musée National

Par Michel Porcheron

Un jour de février à moins que ce soit avant ou bien avant même, a eu lieu dans un des entrepôts du Musée National des Beaux Arts de la Havane (MNBA), le vol le plus important de l’histoire de ce Musée, situé entre le Malecón et la Vieille Havane.

Environ 70 œuvres ont été emportées (officiellement) ou plus, selon les sources. La liste détaillée des 70 peut être lue depuis le 1er mars sur le site unesco.org. Tout y est, par auteur, titre de l’œuvre, support, technique, dimensions, niveau de valeur, images…On verra que ces tableaux volés ont des dimensions variées, entre 24,15 x 19 et 126 x 90 cm.

http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/FIELD/Havana/pdf/Obras_faltantes_MNBA.pdf

A Cuba, le Conseil National du Patrimoine culturel (CNPC), dans un communiqué publié le 28 février, signalait que la date exacte du vol ne pouvait être établie, compte tenu que l’entrée du local où étaient entreposées les œuvres n’a pas été fracturée et que les malfaiteurs ont extrait les œuvres de leurs cadres qu’ils ont remis soigneusement à leur place, ce qui n’a pas permis de découvrir le vol rapidement.

[Selon de premières déductions primaires, ce vol, qui suppose un niveau certain de préparation et d’organisation, à Cuba et aux Etats Unis, s’est effectué sans violence, sans scrupules et sans armes. L’opération, réussie, a été menée également sans rencontrer d’obstacles, comme dans du beurre, on dit certains, si on peut reprendre une expression commune et un peu facile, par des cambrioleurs sur lesquels on ignore tout, leur nombre, leur nationalité, leur degré de professionnalisme]

Selon le CNPC, la majeure partie des œuvres volées (dans son texte en espagnol, le Conseil utilise les termes « faltantes, sustraidas »), appartient à l’époque Arte Cubano, (fin XIX/début XX e) avec un grand nombre de tableaux de Leopoldo Romañach (1862-1951), en réalité 23.

Le communiqué précise que la liste complète des œuvres, avec fiches techniques et photos, est à la disposition des autorités compétentes à Cuba et hors de Cuba, dans le but d’alerter musées, galeries, ventes aux enchères et autres établissements.

Le Conseil fait appel à tous ceux qui détiendraient n’importe quel type d’information, susceptible de faire avancer l’enquête. Une adresse électronique est à leur disposition, registro@cubarte.cult.cu, ainsi que deux n° de téléphone, (537)832-0058 / 535 2853610.

Un butin hénaurme

Un mois environ après la date de l’annonce de la réalité du vol, aucune estimation globale des œuvres n’a été communiquée. Certains experts privés hors de Cuba avancent le chiffre hénaurme de 1,5 million de dollars. Info ou intox ?

Outre les 23 œuvres de Romañach, six tableaux d’Armando García Menocal (1863-1942), deux de Víctor Manuel García (1897-1972), également deux de René Portocarrero (1912-85) et « Carnaval Infantil » d’Eduardo Abela (1891-1965), figurent, entre autres, dans le butin.

On a déjà des ingrédients pour écrire le premier chapitre d’un roman noir et pourquoi pas un jour le scénario d’un film aussi noir.

Alors que les autorités cubaines enquêtent dans la plus grande discrétion et célérité, car cette affaire ne peut rester longtemps irrésolu, quelques unes des œuvres volées ont fait déjà leur réapparition …en Floride, si l’on en croit ce que publient certains sites de la région de Miami.

Un premier scénario : le vol à La Havane aurait été découvert à …Miami

On y parle d’un homme, un galeriste célèbre, Ramón Cernuda, collectionneur connu d’art cubain, propriétaire d’une des plus grandes collections privées de peintures cubaines du XX e siècle.

Depuis un mois, il tient « la vedette » à Miami et sur le net. Que dit-il ? Il ne s’agit pas d’attribuer un intérêt définitif ou non à ses déclarations, il est question de les reproduire. Il est aussi le seul à s’exprimer sur cette affaire.

Un jour de février, Ramón Cernuda appelle la direction du Musée National des Beaux Arts de La Havane, pour savoir si une peinture qu’il avait acquise deux semaines auparavant dans une galerie de Miami, y avait été déclarée volée. C’est la vice présidente du Musée, Luz Merino, qui prend l’appel. Elle dit à Cernuda qu’à sa connaissance, aucun vol n’a été enregistré (reportado) mais qu’elle allait vérifier. Trois heures plus tard, elle confirme à Cernuda la réalité du vol.

L’œuvre acquise par Cernuda vers la mi-février, était Carnaval infantil, (huile, 30 x 20, vers 1950) du grand Eduardo Abela. Il déboursa 15.000 dollars, un prix de braderie. Mais le galeriste fait une vérification, dans un des livres qu’il possède, édité en Espagne, il lit que cette oeuvre appartient au MNBA de La Havane.

Une fois informé que ce tableau a été volé à La Havane, il se rend à nouveau à la galerie de Miami, où il avait acheté son Abela. On lui montra alors dix Romañach…Nouvel appel au Musée, à La Havane. Ces Romañach font partie des œuvres volées ou manquantes, soustraites ou escamotées.

Ces tableaux manifestement ont été extraits de leurs cadres par ce qui peut être une lame de rasoir. Ce qui laisse penser que les malfaiteurs n’ont pas pris le temps de décrocher avec soin les clous des châssis.

Cernuda, à la tête de Cernuda Arte de Coral Gables depuis près de 15 ans, est aussi connu pour travailler avec des agents fédéraux US sur la contrebande de tableaux volés : il y a deux ans, un groupe de voleurs de tableaux qui tentait de lui vendre une douzaine d’œuvres d’artistes cubains (René Portocarrero, Mariano Rodríguez, Antonio Gatorno et Amelia Peláez) avait été arrêté et détenu.

Une piste aux Etats Unis

Selon Cernuda, le nombre de tableaux volés pourrait atteindre la centaine. Dans l’immédiat, le "Carnaval infantil" de Eduardo Abela, passé entre les mains du FBI devait être restitué au MNBA de La Havane.

« D’ores et déjà, il y a un grand jury évaluant la possible culpabilité de quelqu’un ici, aux Etats Unis », a indiqué laconiquement Cernuda.

Sur le destin du reste de la collection, plusieurs dizaines d’œuvres, rien n’était connu ou communiqué fin mars.

L‘heure est aux spéculations sur ce vol, qui a du marquer les esprits des Havanais, car le MNBA, connu dans le mode entier, est très logiquement la pierre angulaire du patrimoine cubain.

Jusqu’au 7 mars, 80 commentaires (en espagnol) ont été publiés sur cubadebate.cu

http://www.cubadebate.cu/noticias/2014/03/01/solicitan-ayuda-para-recuperar-obras-robadas-de-bellas-artes/#.UzMPqI1OWcw

On ne sait qu’une chose des semaines plus tard, que le vol a eu lieu et qu’une dizaine de tableaux seront remis (ou ont déjà été remis) au MNBA.

Les mystères restent entiers

Pour le reste, quand il a eu lieu, combien de temps a-t-il fallu aux truands, monte-en l’air, ou ravisseurs, pour s’emparer de près de cent œuvres, où ont-elles stockées par la suite et surtout comment elles ont pu sortir de Cuba (par mer, par air…) les mystères sont entiers.

Le vol connu fin février n’est pas le premier vol massif dans ce Musée. Mais c’est la première fois que les autorités de l’Ile ont pris l’initiative de publier des informations sur toutes les œuvres volées.

En 1995, une quarantaine de peintures avaient été dérobées. Les autorités indiquèrent qu’un réseau de contrebande d’art avait été démantelé, composé de cinq personnes, dont un ressortissant italien et dirigé par l’ « administrateur  du Musée », Arquímides Matienzo.

(mp, avec sources en espagnol, jusqu’au 15/03/2014)