Les petits Mozarts de La Havane

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Un long (4 pages) et très intéressant article d’Eric DAHAN envoyé spécial à La Havane par le quotidien LIBERATION

Dans la capitale cubaine qui s’ouvre au monde, l’altiste Gérard Caussé et le violoniste Renaud Capuçon ont initié de jeunes musiciens à l’interprétation du compositeur autrichien. Sous l’égide de l’Union européenne et du Mozarteum de Salzbourg.

Le soleil s’est levé sur la Plaza Vieja et, du ballet des parents emmenant leurs enfants à l’école à celui des ouvriers rejoignant leur chantier, rien ne semble avoir changé à La Havane depuis vingt ans.

C’est pourtant une illusion, car la vieille ville, qui semblait alors à l’abandon, a retrouvé ses couleurs, tandis qu’ont fleuri boutiques et restaurants. En remontant la rue San Ignacio, on croise même un métis arborant une crête de cheveux mauve, inimaginable autrefois. A l’angle des rues Aguiar et Obrapia, une plaque autrement plus discrète signale l’entrée du Lyceum Mozartiano. Cet établissement, avec son escalier étroit, ses bureaux et petites salles de classe, ne paie pas de mine, mais dans quarante-huit heures d’éminents solistes français, le violoniste Renaud Capuçon, 38 ans, et son aîné de vingt-huit ans, l’altiste Gérard Caussé, viendront y donner des cours d’interprétation. Les premières mesures du Tombeau de Couperin de Ravel s’échappent du studio d’un pianiste, confirmant que Cuba regorge de jeunes talents musicaux et ne saurait se réduire aux clichés sur l’île de la rumba, du son et du boléro, entretenus notamment par le film à succès Buenavista Social Club.

UN BUSTE OFFERT PAR L’AUTRICHE

En plus d’offrir des studios aux étudiants en piano d’Ulises Hernández, professeur à l’ISA (Institute Superior de Arte de La Havane), le Lyceum Mozartiano accueille les séances de travail du premier orchestre de jeunes de Cuba, composé d’étudiants de l’ISA et créé le 27 janvier 2009, jour anniversaire de la naissance de Mozart.

L’histoire de ce singulier établissement a commencé deux ans auparavant, lorsque la région de Salzbourg a offert à La Havane un buste de Mozart sculpté par Anton Thuswaldner. C’est en venant le remettre à Eusebio Leal Spengler, directeur du programme de restauration de la ville et de son centre historique, que Johannes Honsig-Erlenburg, président du Mozarteum, fut sollicité par Hernández.

Connu des mélomanes du monde entier, le Mozarteum, qui accueille récitals et concerts de musique de chambre durant le festival de Salzbourg, est avant tout une école de musique fondée en 1841 où se forment aujourd’hui 1 600 étudiants. C’est également une fondation internationale qui fut créée en 1870 afin de découvrir de nouveaux talents et, depuis 1931, un institut central pour la recherche mozartienne.

Lors de leur rencontre, Ulises Hernández évoqua avec le président du Mozarteum les carences du système éducatif cubain, et notamment l’absence de formation à la pratique orchestrale au sein de l’ISA, pourtant le plus important établissement d’enseignement du pays, avec près de 1 400 étudiants. Il proposa d’organiser des échanges de professeurs entre leurs institutions. Eusebio Leal Spengler mit ensuite à leur disposition l’oratorio San Felipe Neri et le bâtiment adjacent afin d’accueillir l’orchestre.

Avec l’arrivée, en mars 2012, de Matthias Schulz à la direction administrative et artistique du Mozarteum, le projet a pris une nouvelle dimension. L’Union européenne s’est engagée à hauteur de 75% du budget, ce qui correspond à 530 000 euros. Grâce à cet apport, une médiathèque a été créée, rendant possible l’accès des musiciens aux partitions et enregistrements, Internet étant réservé à une élite. Des fonds ont été alloués à la formation en gestion du personnel administratif de l’orchestre, afin qu’il puisse organiser des concerts. Et des bourses sont désormais octroyées à quatre étudiants par an, pour se perfectionner l’été au Mozarteum de Salzbourg.

L’enjeu de cette collaboration, selon Schulz, est double. Il s’agit d’aider les jeunes musiciens cubains à rattraper leur retard dans l’interprétation des œuvres de Mozart, celle-ci ayant beaucoup évolué ces trente dernières années suite aux travaux des chercheurs et musicologues européens, mais également de redynamiser la vie d’une capitale coupée du monde. Si l’orchestre national de Cuba s’y produit toujours une fois par semaine, la musique classique a souffert de l’effondrement du bloc soviétique et de ses conséquences économiques. Dans ce contexte, le festival Mozart, qui marquera en octobre 2015 le cinquième anniversaire de cet orchestre, fera sans peine figure d’événement.

Nous vous invitons à lire la suite de ce passionnant reportage ...

http://next.liberation.fr/musique/2014/04/04/les-petits-mozart-de-la-havane_993222