La France veut profiter de l’ouverture économique cubaine

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Cuba libéralise progressivement son économie sous Raul Castro et rompt petit à petit son isolement diplomatique.

De nombreux pays, dont la France, tentent de saisir ces nouvelles opportunités, en attendant, peut-être un jour, de voir les États-Unis franchir le pas.

Un article de Romain Brunet publié sur le site LKa Voix de la France, le magazine des français à l’étranger

Une opportunité pour la France ...

C’est un événement : Laurent Fabius doit se rendre en visite officielle à Cuba, samedi 12 avril, pour rencontrer son homologue cubain Bruno Rodriguez Parrilla. Il s’agira du premier déplacement d’un ministre français des affaires étrangères dans ce pays depuis plus de trente ans, preuve que les relations qu’entretient Cuba avec le reste du monde sont en train d’évoluer, notamment sur le plan économique.

Dans le cadre de ses nouvelles attributions qui ont vu le commerce extérieur être rattaché à son ministère, Laurent Fabius inaugurera sur l’île une antenne de l’agence Ubifrance dont le rôle sera d’appuyer les entreprises françaises dans leur approche du marché cubain. Plusieurs grosses sociétés de l’Hexagone, comme Accor, Bouygues, Pernod Ricard ou Total, sont déjà implantées sur l’île. Mais d’autres entreprises, plus petites, pourraient être intéressées par des investissements, surtout depuis que Cuba a accepté, début mars, la proposition européenne d’ouvrir des négociations en vue d’un nouvel accord politique bilatéral.

La coopération entre La Havane et les capitales de l’Union européenne était au point mort depuis l’arrestation de soixante-quinze opposants politiques en 2003. Et même si divers accords bilatéraux avaient été conclus avec Cuba en 2008 par certains pays, dont la France, cette nouvelle étape est un signal fort.

Une loi pour attirer les investisseurs étrangers

Suivant la même logique, le Parlement cubain a adopté une nouvelle loi, samedi 29 mars, prévoyant « une incitation accrue à l’investissement étranger ». En février, le président cubain Raul Castro avait parlé « d’impérieuse nécessité » d’attirer des investissements étrangers dans le but de « dynamiser le développement économique et social du pays ». Cette loi introduit donc des avantages fiscaux pour les entreprises étrangères qui seront notamment exemptées d’impôt sur les bénéfices pendant huit ans avant de devoir payer un impôt de 15 % du bénéfice net imposable. Ce taux d’imposition était jusqu’à présent de 30 %.

Les investissements ne pourront toutefois pas concerner les petits commerces privés qui se sont créés ces dernières années à Cuba, où 90 % de l’économie reste contrôlée par l’État. Seuls les investissements dans une entreprise d’État ou une coopérative bénéficieront donc de ces nouveaux avantages fiscaux. Mais tout de même, les récentes manœuvres de Raul Castro montrent qu’il souhaite rompre l’isolement diplomatique de son pays en libéralisant l’économie.

Le deuxième Sommet de la Communauté des États latino-américains et caribéens (Celac), qui s’est tenu les 28 et 29 janvier à La Havane, constitue un autre exemple éloquent de ce nouveau cap. Non seulement trente et un chefs d’État sur trente-trois pays membres étaient présents, mais certaines voix se sont fait particulièrement entendre. « L’intégration régionale est un projet stratégique », a ainsi affirmé la présidente brésilienne Dilma Rousseff, qui a aussi assuré que le Brésil voulait « être un partenaire de premier ordre de Cuba ».

Poignée de main remarquée entre Obama et Castro

« Pour la diplomatie cubaine, ce sommet a été l’opportunité de montrer une île en train de se réformer, avec une notable expansion du secteur privé, la liberté de voyager pour les Cubains et des ouvertures aux investissements étrangers », estime l’analyste cubano-américain Arturo Lopez-Levy, de l’Université de Denver, dans le journal Le Monde du 30 janvier. « C’est un avertissement pour Washington vis-à-vis du coût de sa politique d’isolement à l’égard de Cuba, coupée des réalités du continent : le seul à être isolé est le gouvernement des États-Unis », va-t-il même jusqu’à avancer.

Cet avis n’est cependant pas unique. « Nous allons certainement voir dans les prochains mois de nouvelles opportunités d’investissement à Cuba et tout le monde va se jeter sur elles à l’exception des États-Unis », déclare ainsi dans le USA Today du 29 mars Phil Peters, du Cuba Research Center. Et même à Washington certaines paroles se libèrent. « Bien sûr que c’est un pas en avant qui doit leur permettre de continuer à survivre, reconnaît dans les mêmes colonnes un représentant démocrate de la Floride, Joe Garcia. Mais c’est un pas dans la direction que nous souhaitons tous, c’est-à-dire une libéralisation plus poussée de l’économie cubaine. Donc il faut s’en réjouir. »

Certes, il ne s’agit pas de la pensée dominante au sein du Congrès américain, bien au contraire. Mais la poignée de main remarquée entre Barack Obama et Raul Castro, lors des obsèques de Nelson Mandela, le 15 décembre dernier, pourrait être le signe d’un début d’évolution.

Mais en attendant que les États-Unis se décident à revoir leur politique d’embargo instaurée sous John Kennedy au début des années 1960, c’est bien Laurent Fabius et la France qui tenteront de tirer profit de l’ouverture économique cubaine.