Garcia Marquez deux ans sur le pavé parisien

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Qui peut dire ce que cherchait Gabriel Garcia Marquez lorsqu’il partit pour Paris en décembre 1955 ? s’interroge, sans pouvoir apporter de réponse, Gerald Martin dans sa biographie « Gabriel Garcia Marquez, Une vie » (Grasset, 2009), dans les deux premières lignes du chapitre 10 « Faim à Paris : la bohème ». A peine pourrait-on dire qu’il n’avait pas conçu son voyage en Europe comme un séjour de formation. Il y vécut, « comme s’il avait pris la ferme détermination de ne pas se laisser impressionner, on pourrait deviner là comme une volonté de ne pas trahir son identité latino-américaine » (Dagmar Ploetz).

Entre décembre 1955 et décembre 1957, Garcia Marquez séjourna, survécut à Paris, touchant très souvent le bout de la misère.

                        Gabriel Garcia Marquez

Jacques Gilard, figure majeure de l’américanisme

Par Michel Porcheron

Quand en 1981 ont été publiés à Barcelone les quatre volumes de la « Obra periodistica » (œuvre journalistique) de Gabriel Garcia Marquez, c’est au chercheur français Jacques Gilard (1944-2008) qu’il a été fait appel pour superviser l’édition, la compilation des articles (1948-1957) du Colombien et signer les prologues (1).

La lecture de ces prologues (soit quelque 150 pages) est indispensable pour la connaissance des travaux journalistiques du futur prix Nobel (1982), publiés par la maison catalane Bruguera.  Les francophones monolingues en sont toujours privés, la « Obra periodistica » (qui compte environ …3200 pages) n’ayant jamais été traduite dans la langue de Molière.

Outre les traducteurs de Garcia Marquez (Claude Durand, Claude Couffon, Daniel Verdier, Jean-Claude Masson, Annie Morvan), Jacques Gilard- qui n’emploie jamais dans ses textes « Gabo » ou GM ou GGM- est l’homme-clé dans l’étude du monde de Garcia Marquez.

Il est de plus le traducteur d’un livre qu’il faut (re)lire aujourd’hui, « L’odeur de  Goyave, Conversations avec Plinio Apuleyo Mendoza » (chez Belfond, 1982 et 1996, « El Olor de la Guayaba, 1982, Bruguera, Barcelone). Dans sa longue bibliographie, Gerald Martin, l’auteur de « Gabriel Garcia Marquez, Une Vie » (Grasset, 2009), cet ouvrage est le seul cité comme référence en français.

On retrouve le nom de Jacques Gilard dans un numéro spécial de la revue trimestrielle Silex (n° 11, janvier 1982), où il présente et traduit « Quatre textes de jeunesse » (inédits en français) de GGM, publiés en Colombie (El Universal, El Heraldo et El Espectador ) entre 1948 et 1954.

Il signe également « Pistes temporelles de Garcia Marquez» (p. 37-44). Dans son introduction, il rappelle que l’œuvre de Garcia Marquez, « telle qu’elle est connue du public en France, à travers les traductions, ne commence qu’en 1962 année de la parution en volume des contes de Les Funérailles de la Grande Mémé ». Tout en faisant, ajoute-t-il, une « exception pour le roman Pas de lettre pour le colonel, publié en 1958 et traduit au début des années 60, mais le livre passa totalement inaperçu et reste introuvable aujourd’hui » (J. Gilard écrit cela au tout début des années 80, le livre Pas de lettre …(traduit par Daniel Verdier, sera réédité ultérieurement chez Grasset, l’édition la plus connue étant celle de 2004)

A l’époque où Jacques Gilard écrit, en France l’œuvre de GGM se réduit à deux romans (Cent ans de solitude, L’Automne du patriarche) et deux livres de contes (Les Funérailles… et L’Incroyable et triste histoire de la candide Erendira et de sa grand-mère diabolique)   

D’autre part, le Magazine Littéraire a publié dans son n° 178 de novembre 1981, un Dossier  de 22 pages sur Garcia Marquez, comportant notamment une étude de Jacques Gilard, «  Un immense  discours sur la mort » (p.15-19). Ce dossier  fut établi à l’occasion de la publication en France de Chronique d’une mort annoncée, « formidable évènement ».                   

Jacques Gilard, figure majeure de l’américanisme, est décédé le 1er novembre 2008, à l’âge de 65 ans. Il a fait sa carrière à l’université de Toulouse-Le Mirail et il était un spécialiste de la Colombie. Il s’est tout particulièrement consacré à l’étude du Groupe de Barranquilla (artistes, écrivains, journalistes) au début des années quatre-vingt et, comme on l’a vu, à l’étude de l’œuvre de Gabriel García Márquez.

Il a dirigé, pendant une vingtaine d’années, la revue Caravelle.

D’une vaste culture et d’une immense curiosité, il s’intéressait aussi bien au journalisme qu’à la littérature et, plus largement, aux productions culturelles de l’Amérique latine dans leur rapport à la réalité sociale. Son intérêt se portait en particulier sur la ville, les nationalismes, la culture populaire (cancioneros, pliegos de cordel, décimas), la musique…

Jacques Gilard a été, dans les années quatre-vingt-dix, à l’université de Toulouse-Le Mirail, directeur de l’Institut Pluridisciplinaire pour les Études sur l’Amérique Latine à Toulouse (IPEALT) et directeur des publications de ce même institut.

Il avait aussi travaillé à l’établissement et à la diffusion des œuvres de la romancière Marbel Moreno. Il s’était aussi tourné, ces dernières années, vers la micro-histoire en se consacrant à celle du village de Laumac (Haute-Garonne).

La Société des Hispanistes Français a rendu hommage à « ce très grand américaniste ». (L’hommage que lui a rendu Fabio Rodríguez Amaya peut être consulté sur le site de l’IPEALT, au-dessous de la mention « In memoriam »)

(1)- La « Obra periodistica » a fait l’objet d’autres éditions, comme celles des Editions colombiennes Oveja Negra », en six volumes, entre 1983 et 1984, puis celles de Mondadori, Espagne, à partir de 1991, donc plus accessibles, avec deux volumes supplémentaires « Notas de prensa, 1980-1984» et « Por la libre, 1974-1995.

Par ailleurs, « Oveja Negra » a publié les premières éditions de trois livres de GGM, « Cronica de una muerte anunciada » (Chronique d’une mort annoncée) en 1981, « El general en su laberinto » en 1989 et «  Doce cuentos peregrinos » en 1992.

(mp)