L’odyssée de Puig, de Cuba aux Los Angeles Dodgers

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Un article particulièrement édifiant, et révoltant, sur la situation du sport professionnel, qui dans le cas présent,ressemble plutôt à une mauvaise série télévisée où il est questions de mafia, de traite d’êtres humains... de trafics en tous genres... plutot que de la beauté du sport ! Et les Etats Unis et d’autres, nous parlent de droits de l’homme. On croit rêver, en fait on fait les pires cauchemars.

RG

Yasiel Puig

Son histoire pourrait ressembler à celles de milliers d'exilés anonymes qui ont fui Cuba pour rejoindre la prospère Amérique. Sauf que le périple de Yasiel Puig, 23 ans, star montante de la Ligue américaine de baseball (MLB), est unique. Kidnappé, menacé par le cartel qui l'a aidé à fuir le régime castriste, poursuivi en justice aux États-Unis pour avoir collaboré avec les autorités cubaines après une première tentative avortée, la nouvelle pépite des Los Angeles Dodgers, et son contrat de 42 millions de dollars sur sept ans, est aujourd'hui rattrapée par son passé.

Le Los Angeles Magazine et ESPN ont consacré le mois dernier deux superbes enquêtes sur le récit de son départ de Cuba en 2012. Un récit qui éclaire l'histoire du baseball à Cuba - véritable sport national - mais également sur la relation conflictuelle et schizophrénique qu'entretient l'île avec son voisin américain. Lassé de devoir survivre avec 17 dollars par mois, le salaire unique dans la Ligue cubaine, Yasiel Puig tente à quatre reprises de quitter Cuba, entre 2011 et 2012, avant d'être arrêté par les autorités cubaines ou par les gardes côtes américains. Depuis le début des années 1990, une soixantaine de Cubains ont fui leur pays pour tenter leur chance en MLB. Puig n'est donc pas un cas isolé.

EXFILTRE PUIS KIDNAPPE PAR UN CARTEL MEXICAIN

Car s'il veut signer un juteux contrat avec une franchise MLB, Puig doit passer par le Mexique. C'est la particularité du système américain et de l'embargo toujours en vigueur. Tandis que les joueurs étrangers peuvent signer librement un contrat avec les 30 équipes de la Ligue, celles-ci ne sont pas autorisées à négocier avec des Cubains s'ils habitent toujours l'île des Caraïbes. S'ils passent directement de Cuba aux États-Unis, ils ne peuvent obtenir le statut de free agent, ce qui les prive, potentiellement, de plusieurs dizaines de millions de dollars. Les joueurs cubains cherchent donc le plus souvent à établir leur lieu de résidence dans un pays tiers, généralement le Mexique.

En juin 2012, Puig réussi finalement à quitter les côtes cubaines à bord d'un speedboat en compagnie de sa petite amie, du boxeur et ami d'enfance Yunior Despaigne, et d'un prêtre santeria, la religion locale. Ils atterrissent sur l’île Mujeres (l'île des femmes), un ancien village de pêcheurs, près de Cancún. Puig et ses compagnons pensent avoir fait le plus dur. Mais leurs passeurs font partie du redoutable cartel de la drogue, Los Zetas, et décident de faire monter les enchères. Ils réclament désormais 400 000 dollars à Raul Pacheco qui, depuis Miami, avait offert 250 000 dollars aux passeurs pour organiser la fuite de Puig, en échange d'une "taxe" de 20 % sur son futur contrat.

Vague escroc au casier judiciaire déjà bien fourni, patron d'une entreprise de climatiseurs basée à Miami, Raul Pacheco refuse de céder et monte une opération quasi-militaire pour 'libérer' Puig et ses amis, reclus depuis un mois dans un motel bon marché, en retrait des chemins touristiques de cette île paradisiaque, « le genre d'endroit où vous vous rendez avec une prostituée » décrira plus tard Despaigne aux enquêteurs. Pacheco réussit finalement à exfiltrer la petite troupe vers Mexico. Enfin libre, Puig contacte des franchises MLB qui l'avaient placé sur leurs tablettes après ses prestations à l'étranger avec les sélections de jeunes de Cuba. Les Dodgers emportent finalement le morceau.

"ILS ONT MENACE YASIEL DE LUI TRANCHER LES DOIGTS"

Après une période d'acclimatation dans l'Arizona Rookie League, Puig fait ses débuts en MLB en juin 2013. Les Dodgers sont alors moribonds, mais sous les coups de canon de leur star comparée (un peu hâtivement) à Babe Ruth, ils atteignent les demi-finales des World Series. Yasiel Puig, auteur de 19 home-runs, termine deuxième au classement du meilleur rookie (débutant) de la saison.

Une performance d'autant plus admirable que Yasiel Puig est aujourd'hui menacé de mort par le cartel mexicain qui l'a fait sortir de Cuba et qui exige des compensations financières. "Ils m'ont menacé, ils ont menacé de mettre le feu à la maison de la mère de Yasiel, et ils ont directement menacé Yasiel de lui trancher les doigts pour qu'il ne puisse plus jouer au baseball", détaille Yunior Despaigne. Muet sur le sujet, Yasiel Puig a toutefois confié à l'auteur de l'enquête qu'il ne dormait plus "que sur une seule oreille".

PUIG AURAIT COLLABORE AVEC LES AUTORITÉS CUBAINES

L'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais elle a pris l'année dernière une tournure inattendue après le dépôt d'une plainte à l'encontre de Yasiel Puig auprès d'un tribunal fédéral de Miami. La jeune victime est-elle aussi bourreau ? Un homme d'affaires cubain, Miguel Angel Corbacho Daudinot, accuse en effet Yasiel Puig de l'avoir dénoncé aux autorités cubaines, après une première tentative d'exil avortée, en échange d'un abandon des poursuites le concernant et de la possibilité d'intégrer l'équipe nationale cubaine de baseball.

Puig aurait donc livré son bienfaiteur de l'époque, qui purge actuellement une peine de sept ans de prison à Cuba. La famille de Daudinot réclame près de 12 millions de dollars à Yasiel Puig, invoquant la loi de protection des victimes de tortures (le Torture Victim Protection Act adopté en 1991). Yunior Despaigne, ancien compagnon d'infortune de Puig, l'un des témoins clés de cette affaire, soutient la version de Daudinot.

 

Nouvelle coqueluche de Los Angeles, Yasiel Puig jouit du soutien de son club et des ses coéquipiers, en dépit de sa vie nocturne échevelée et de ses nombreux écarts de conduite. Pour reprendre l'expression consacrée, son histoire est digne d'un scénario hollywoodien. Ça tombe bien, Brett Ratner (producteur de X-Men, Rush Hour et de Dragon Rouge) vient d'acquérir les droits de l'enquête du Los Angeles Magazine pour porter son périple à l'écran.

La MLB réfléchit de son côté à faire évoluer sa législation concernant le recrutement de joueurs cubains, jugée inique et hypocrite. Un agent sportif a récemment été condamné à cinq ans de prison pour trafic d'êtres humains. Et Cuba a adopté fin 2013 une loi permettant aux joueurs cubains de signer librement dans une ligue étrangère, une loi dont les contours ne sont pas encore bien définis. L’odyssée de Puig n'a pas encore livré son épilogue.

http://sportsus.blog.lemonde.fr/2014/05/26/lodyssee-de-puig-de-cuba-aux-los-angeles-dodgers

Posté par Maxime Goldbaum, "Le Monde.fr"

 

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