Clap de fin à Cuba de « Papa », film sur Hemingway de Bob Yari

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Un film très attendu sur Hemingway : « Papa » de Bob Yari
Par Michel Porcheron

Le film-biopic de Bob Yari « Papa » (titre définitif ?) dont le tournage vient de se terminer à Cuba, relatant les 14 dernières années de la vie de Ernest Hemingway, sera particulièrement attendu. Elles couvrent l’époque où, avec Mary Welsh, sa 4e et dernière épouse, l’écrivain américain élut comme domicile la Finca Vigia, sa terre d’asile à Cuba. Son unique domicile pendant plus de 20 ans.
Le tournage dans tous les lieux que fréquenta dans l’Ile Papa, comme il aimait lui même se surnommer, est une des garanties de l’authenticité de ce film biographique. Sera-t-elle suffisante ? Cuba a ouvert pour Bob Yari toutes les portes de ces lieux mythiques. Le Trésor américain a autorisé exceptionnellement le tournage à Cuba.
Ceux qui suivent de près l’actualité cinématographique sur E.H ont à l’esprit le demi-succès, pour ne pas dire l’échec de « Hemingway & Gellhorn », récent téléfilm de Philip Kaufman, avec le Britannique Clive Owen dans le rôle de Hem et l’Australienne Nicole Kidman dans celui de Martha Gellhorn, sa troisième épouse.
Hemingway n’a pas eu de chance avec Hollywood, de son vivant ou plus tard. Il n’a jamais aimé le moindre film tiré de ses œuvres, malgré pour certains le succès commercial. (mp)

Clap de fin à Cuba de « Papa », film sur Hemingway de Bob Yari

Par Michel Porcheron (La Havane, 26 mai 2014)

Faut-il le considérer comme le premier film hollywoodien tourné à Cuba depuis le début de la Révolution en janvier 1959 ? C’est ce que soulignent les producteurs de « Papa », long métrage de Bob Yari (Collision, L'illusionniste) sur Ernest Hemingway (1899-1961). « Papa », c’est ainsi que l’écrivain se plaisait à se surnommer…   

Le tournage, commencé en mars dernier et qui vient de se terminer dans la capitale cubaine, relate plus particulièrement les 14 dernières années (1947-1961) de la vie du Prix Nobel de littérature 1954, selon Hollywood Reporter. Depuis 1939, il a élu domicile à Cuba, à San Francisco de Paula, à une quinzaine de km au sud de La Havane, où il a acheté « La Finca Vigia ».       

Le film, réalisé et produit par Bob Yari, avec la coopération du Canada, Cuba et des Etats Unis et le soutien de l’ICAIC (Institut cubain d’Art et d’Industrie cinématographiques) est principalement centré sur les années d'amitié, dans la Cuba des turbulentes et mouvementées années 50, entre l'auteur de Pour qui sonne le glas, et Le Vieil Homme et la mer, incarné par Adrian Sparks  (un habitué du personnage puisqu'il le joue sur les planches depuis 2005), et un jeune journaliste, appelé Ed Myers dans le film, joué par Giovanni Ribisi (Avatar, Il faut sauver le soldat Ryan). Joely Richardson est Mary Welsh, quatrième et dernière épouse de l’Américain, qui s'est donné la mort chez lui, à Ketchum, dans l’Idaho en juillet 1961.

Le scénario est tiré d’écrits autobiographiques  du journaliste Denne Bart Petitclerc (1929-2006), également scénariste, notamment pour le film tiré d’une œuvre de Hemingway, Island in the Stream.    

Selon le site français actualitte.com, le jeune journaliste Denne Bart Petitclerc travaillait, dans les années 50, pour le Miami Herald, et avait écrit une lettre à Hemingway, pour lui dire toute son admiration. La lettre ne fut jamais envoyée, et sa petite amie de l'époque la rangea soigneusement, avant de  l’adresser à l’écrivain. Et un beau jour, le journaliste reçoit un coup de fil. « Belle lettre, gamin. Vous aimez pêcher ? » Il crut tout d'abord à une farce de l'un de ses amis, avant de comprendre qu'il s'agissait réellement d'Ernest Hemingway. Leur amitié durera jusqu'à la disparition de l'écrivain. 

 Un tournage « historique »…  

L’embargo économique et commercial décrété par les Etats Unis contre Cuba et toujours en vigueur depuis plus d’un demi-siècle, aurait logiquement empêché ce tournage dans tous les lieux que fréquenta Hemingway dans l’Ile. Mais c'est en s'appuyant sur un classement non pas dans la fiction, mais dans la catégorie documentaire que les équipes de Bob Yari sont parvenues à contourner les contraintes. Après tout, le film repose sur une histoire vraie…

Bob Yari, le réalisateur d’origine iranienne a reçu en effet une autorisation spéciale du Trésor américain, qui ont exempté le film « Papa » de (presque) toutes les restrictions imposées par l'embargo. Selon Hollywood Reporter,  « Il est improbable qu’un blockbuster hollywoodien obtienne la même autorisation dans le futur». Les films hollywoodiens dont l'intrigue se déroule à Cuba sont généralement tournés en République dominicaine. 

...et chahuté  

L'équipe a raconté qu'elle a dû s'adapter aux conditions locales, composant notamment avec de strictes contraintes administratives, les conditions météo imprévisibles, et la connexion Internet parfois défaillante.  « Ca a été très chaotique. Chaque jour il y avait un nouveau drame. C’était dingue. Mais vous savez quoi ? Ca a été une de mes meilleures expériences. C’était fantastique », a déclaré Joely Richardson.

Le tournage a aussi été marqué par la poursuite intentée par Sharon Stone contre le réalisateur Bob Yari. L'actrice l'accuse de l'avoir écartée de la distribution (elle devait initialement jouer le rôle de Mary Welsh) et lui réclame les 500 000 dollars du contrat initial. Selon elle, l'équipe de production l'aurait incitée à ne pas déclarer la vraie raison de son séjour à Cuba pour pouvoir obtenir son permis de séjour, ce qu'elle aurait refusé de faire. Dans un article publié dans le Daily News, le producteur parle plutôt d'un désistement de dernière minute de l'actrice pour des questions d'argent.

« Hemingway fut probablement l’Américain le plus important à faire de Cuba sa maison, et je pense que les gens de Cuba, depuis ce jour, l'ont chéri et aimé. Il n’est pas surprenant que le premier film hollywoodien tourné à Cuba ait pour thème Hemingway. J'espère que ce film sera une pierre supplémentaire, pour combler ce fossé entre les deux cultures et les deux peuples qui ont pris chacun leur voie », a expliqué Bob Yari à l’agence AP.

« Vous savez j’avais huit ans quand l’embargo a été décrété. Donc j’ai grandi avec cette image très sombre d’un pays. Alors être là, aujourd’hui, pour réaliser à quel point c’est un bel endroit, quelle opportunité pour un Américain ! Je pensais pouvoir faire ce film en deux ans, mais au final il m’en aura fallu six. Il y avait de ma part un certain acharnement pour tourner à Cuba car tout ce qui a été écrit dans le scénario s’était déroulé là-bas, avec la Finca Vigia, la demeure où vécut Hemingway, où se trouve son bateau El Pilar, avec tous les lieux qu’il fréquentait, du Castillo del Morro à Cojimar, d’où il partait pour pêcher. Reconstituer tout cela ailleurs n’avait vraiment rien pour me séduire », a commenté le réalisateur dans The Guardian.

Il est à remarquer, fait observer actualitte.com, que la protection de l'héritage d'Hemingway a été au fil des ans, l'une des rares occasions d’une étroite collaboration cubano-américaine, à travers des  institutions aux Etats Unis et leurs homologues à Cuba ». Cette même attitude au sujet de la personnalité de l'écrivain américain pourrait être une des raisons pour lesquelles le film a pu être autorisé.

Au début de l’année 2014, quelque 2000 documents datés des années 40 et 50, archivés dans la Finca Vigia, la résidence cubaine de Hem’ ont été fournis par Cuba au John F. Kennedy Presidential Library and Museum. Ils avaient été auparavant numérisés.

Parmi les trésors à dénicher, le télégramme de 1954 venant du Comité du Prix Nobel annonçant, depuis la Suède que la récompense revenait à Ernest Hemingway. 

« Nous sommes heureux de mettre à la disposition des chercheurs ces documents  qui fournissent un aperçu unique de la vie quotidienne d'Ernest Hemingway à Cuba », a expliqué Tom Putnam, directeur de la bibliothèque Kennedy. « Pour une figure littéraire souvent décrite comme plus grande que la vie, ce trésor de documents personnels permet d'humaniser l'homme et de comprendre l'écrivain. »

Cette livraison, a rappelé le site actualitte.com, a été la deuxième tranche de documents fournis par Cuba aux USA. Une première salve, en 2008, avait été fournie, avec près de 3000 documents mis à disposition du même établissement. Pour les chercheurs, c'est une véritable plongée dans la vie personnelle du romancier, sur une période qui n'est pas toujours bien connue. Et comme ces documents sont également ouverts au public, ce dernier pourra approfondir sa connaissance de l'homme. 

Le partage de cette collection résulte de la collaboration entre l'US Finca Vigia Foundation et le Conseil cubain du Patrimoine national. De son côté, la bibliothèque JFK possède près de 90 % des manuscrits originaux d'Hemingway.

On peut consulter le dossier de presse. (144 Mo) (mp)