La belle histoire Hemingway et Cuba commença en 1928 par une blague prophétique

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Le 1er avril 1928 Ernest Hemingway débarquait pour la première fois à La Havane. A l’occasion du 90e anniversaire de cette visite "exceptionnelle" nous publions un article rédigeait depuis la capitale cubaine en juin 2014...

Par Michel Porcheron (La Havane 25 juin 2014)

Existe-t-il un autre très grand écrivain, prix Nobel, qui passa volontairement plus de 20 ans dans une (somptueuse) demeure hors de son pays natal ? Ernest Hemingway (1899-1961) certes n’eut qu’à traverser le détroit de Floride. La moitié du détroit. Key West, où il avait un domicile, de 1928 à 1939, est à peu près à égale distance de Miami et de La Havane…capitale d’une colonie de l’Empire américain. Il quittait donc les Etats Unis sans s’en éloigner vraiment. Ce Yankee pur jus le restera, tout en écrivant des romans à succès dont aucun n’a pour décor son propre pays. On s’interrogera longtemps sur les raisons de son départ de Cuba en juillet 1960 : les « évènements », sa santé perdue, l’ « amicale pression » de l’ambassadeur US, une décision de son épouse Mary Welsh… ? Ce dernier voyage vers Ketchum, avec 33 valises, fut bien sûr le plus triste de toute sa vie.
33 ans auparavant, alors qu’il n’avait pas encore foulé le sol cubain, il avait fait preuve d’un lyrisme sans aucun doute énigmatique et …sans aucun doute prophétique.

La belle histoire Hemingway et Cuba commença en 1928 par une blague prophétique

Michel Porcheron (La Havane 24 juin 2014)

Sur le premier et très bref séjour d’Ernest Hemingway, il y a 86 ans, à La Havane, ville qui allait tellement compter dans sa vie, pendant plus de vingt ans, on ne sait presque rien. On serait tenté de dire qu’il s’agit d’un non-évènement, qui n’aurait de sens que pour les inconditionnels d’éphémérides, qu’ils soient ceux qui les confectionnent ou ceux qui les collectionnent.

Avril 1928 : Ernest Hemingway arrive pour la première fois à Cuba. Que peut-on y ajouter ? Il a 28 ans, il arrive à bord d’un steamer l’Orita, venant du port français de La Rochelle, où il a embarqué avec sa deuxième épouse Pauline Pfeiffer.

Aux imprécisions ou discordances de ses biographes, quand ils ne passent pas sous silence ce qui n’est jamais qu’une escale avant de gagner les Etats Unis, s’ajoute une confusion dont l’origine est un écrit de …l’écrivain américain en personne, avant même son arrivée.

Comme aurait écrit Edmundo Desnoes: « Más adelante, volveremos sobre el tema » (Plus loin, nous reviendrons sur le sujet). Les vieux et fidèles lecteurs de Desnoes comprendront.

Pourrait-on alors se rabattre sur un écrit de E.H. lui-même durant ou après son bref séjour havanais ? La réponse c’est Gabriel García Márquez qui l’apporte: « De esas 48 horas de Hemingway en La Habana, no quedó ninguna huella en su obra”… (De ces 48 heures, il n’y eut aucune trace dans son œuvre).

                             Une escale technique

La mention du court passage d’Hemingway à La Havane figure légitimement plutôt dans les ouvrages d’auteurs cubains, qui cependant, eux non plus, ne font pas état de faits recoupés qui auraient permis de reconstruire quelque peu le premier séjour de l’Américain dans l’Ile.

Norberto Fuentes, dont le « Hemingway à Cuba » (1984, Editorial Letras cubanas, 712 pages, avec un prologue d’une dizaine de pages du prix Nobel colombien) est toujours considéré comme un ouvrage de référence, se contente d’écrire : « 1928, escale à La Havane en avril, à bord de l’Orita, premier séjour connu dans la capitale cubaine, avant d’aller à Cayo Hueso»

Gabo lui précise que l’Orita est un navire anglais et que la traversée a duré « deux semaines » et l’escale « 48 heures ». «Ni lui ni elle ne devaient avoir pour cette ville des Caraïbes un intérêt majeur »

Pour le journaliste Ciro Bianchi Ross, Hemingway et Pauline, arrivés « en avril » « allaient passer deux jours » à La Havane (p.13, Tras los pasos de Hemingway en La Habana, 2001, Ed.Prensa Latina).

Enrique Cirules, auteur de plusieurs livres sur Hemingway, parle lui d’une « brève escale».Faute d’informations, il laisse aller sa plume écrivant : « Cette arrivée en avril 1928 fut, sans doute (sin dudas) réellement significative pour découvrir le site d’une ville qui… ».Suivent sept lignes d’une visite qu’il imagine. Dans sa Chronologie (p. 138), il affirme : « Le 1er avril, à 22H50, sous un ciel nuageux et brumeux…On présume que le séjour à La Havane de l’écrivain fut seulement de quelques heures, qu’il employa à parcourir pour la première fois les lieux bruyants proches du port » (Hemingway en Cuba, 1999,Ed. Libertarias, Madrid).  « Más adelante, volveremos sobre el tema ». D’autres auteurs parlent d’une nuit passée dans un hôtel à La Havane, afin que Pauline puise se repose. Cet hôtel pourrait être El Ambos Mundos, proche du port et qui deviendra un lieu hemingwayen mythique.   

Dans un livre publié à Cuba en 2006, Osmar Mariño Rodríguez (« Un campeón en La Habana », Ed.Deportes) note seulement qu’Hemingway est alors « un voyageur de passage » (viajero de paso).

L’auteur cubain qui apporte le plus de « détails »pourrait être Claudio Izquierdo Funci (Hemingway Poor Old Papa, 1995, Ed.MEC-Grafic, Turin Italie, 184 pages, en anglais).

Dans un de ses courts textes qui accompagnent ce livre de quelque 220 photographies d’archives, dont la majorité vient du Musée Hemingway Finca-Vigía de Cuba, il assure – il est le seul à citer une source- que l’Orita arrivé à La Havane le 1er avril 1928, à 22H50, quitta le port cubain le lendemain 2 avril à 5H29 du matin, comme le dit « la main courante » du registre de la capitainerie de La Havane. (Havana’s Harbour Captain’s Office Book).

Izquierdo ajoute: « He just spent there a fews hours, but it was enough for him to fall in love with Cuba » (il n’y séjourna que quelques heures, mais elles furent suffisantes pour qu’il tombe amoureux de Cuba…)

Ainsi cet auteur affirme ce que jamais Hemingway n’a dit ni laissé entendre. Izquierdo doit avoir d’autres sources qu’il ne cite pas, quand il affirme avec une dose romantique (!) : « Au petit matin, il partit dans la Vieille Havane, enveloppée de la légère brume du port, faire une longue promenade, son regard charmé… » Et dans un dernier souffle : « He recived the epic rose of Havana’s hospitality and that sweet scent of rum and saltpeter, flavoring a percutioned beauty. He decided to turn back and he did it ».L’amoureux de la moindre poésie anglaise comprendra (p. 23).

                                           Par hasard

Dans son fulgurant et iconoclaste « El Ultimo verano » (1967, p.37-58, in Punto de Vista, Instituto del Libro)  Edmundo Desnoes règle la question en 12 mots: « Hemingway arriva à Cuba un peu par hasard et beaucoup par coïncidence » (…un poco por casualidad y mucho por coincidencia), rappelant qu’en se mariant à Paris avec Pauline Pfeiffer, il « avait changé de vie : il rentra aux Etats Unis et s’installa dans sa ville la plus méridionale ». (Key West)

S’ils avaient décidé de rentrer au pays, c’est que Pauline était enceinte et voulait accoucher aux Etats Unis. Ils s’étaient mariés dix mois auparavant à Paris où il était arrivé pour la première fois en 1921. Le premier départ qui se présentait fut celui du steamer partant de La Rochelle, avec une escale à La Havane. Tout est là, prosaïque, élémentaire, il n’y a rien à raconter sur le premier et bref séjour d’Hemingway à La Havane, pour la bonne raison qu’il n’y a rien à raconter. Il ne s’y passa rien  de notable, durant ces heures à attendre le départ du ferry (ou de l’Orita) vers Key West.

Et dans l’excellent « Hemingway » du journaliste et écrivain cubain Lisandro Otero  (1963, Cuadernos de la Casa de las Americas), sur ce mois d’avril 28, il ne dit rien, commentant cependant que « commencent ce que ses biographes appellent »la période Key West », une étape d’ordre domestique et de stérilité intellectuelle».

Dans les ouvrages d’auteurs non cubains, cette escale cubaine est à peine évoquée. Gérard de Cortanze (p.15 de son « Hemingway à Cuba », Folio, 1997) écrit que la traversée de l’Orita aura duré « dix huit jours ». Avec Key West pour destination. Un ferry assurait la liaison entre La Havane et Key West, à 130 km à l’est de la capitale cubaine. « Hemingway eut envie de découvrir « ce pays de rêve » tant de fois vanté par son cher John Dos Passos ».

Début 28, « Hemingway a la nostalgie de l’Amérique. Ce mal du pays tombe à pic: Pauline est enceinte et doit mettre au monde son enfant sur le sol natal » écrit Anthony Burgess, dans « Ce sacré Hemingway » (p.52, 1978, Fayard)

Selon Leicester, frère d’Hemingway (My Brother, Ernest Hemingway, 1961-1962) le couple avait choisi Key West « pour le grand soleil et le grand repos »qu’offrait cette grosse bourgade, alors que « le climat hivernal de l’Arkansas était contre-indiqué pour les affections de la gorge » (p. 133).

« Key West » n’est qu’une « grossière translittération (de la langue) américaine de « Cayo Hueso », comme l’appelaient ses habitants, dans leur majorité d’origine cubaine ou espagnole (selon le professeur américain Edward F.Stanton).

                 Ce 28 mars 1928, le bateau tanguait. Hem aussi ?

Comme indiqué plus haut, Hem qui ne commenta jamais sa courte escale à La Havane, eut l’occasion de l’évoquer au moins à deux reprises connues mais avant l’arrivée de l’Orita au port de La Havane.  

Dans une lettre du 12 février 1928, adressée de Paris, au directeur littéraire Maxwell Perkins, il ne fait que la mentionner : « Nous partons à la fin du mois pour la Floride via Vigo, les Canaries, La Havane, Key West (…). Viendrez-vous en Floride en avril ou en mai ? »

On ignore le motif du report de son voyage, qui sera effectif un mois plus tard. Comme dit plus haut (« Más adelante,volveremos sobre el tema”), Hemingway a créé comme une confusion qui n’a jamais été curieusement élucidée. Une énigme qui saute aux yeux du lecteur le moins attentif, dans le seul écrit- en l’occurrence une lettre(1) datée « en mer, vers le 28 mars 1928 »- de l’écrivain américain sur sa…future escale à Cuba. C’est le grand biographe Carlos Baker (2) qui connaissant bien l’imprécision parfois de l’écrivain quand il adresse un courrier, a tenté de dater cette lettre, qui figure dans « Hemingway, Lettres choisies, 1917-1961 » (Gallimard, 1986, 1047 pages).

86 ans après, on ne sait toujours pas, malgré mille lectures et plus, ce qu’il avait à l’esprit en écrivant probablement son écrit le plus court (de trois lignes) et le plus lyrique sur Cuba, en introduction de 25 autres lignes …où le lecteur ne s’y retrouve pas tellement ce qu’il écrit est disons nébuleux.

Venons-en à cette lettre écrite vraisemblablement à la main. Elle commence ainsi : « Nous en sommes à cinq ou six jours de notre voyage direction Cuba ».

Le couple Ernest-Pauline serait-il alors parti de France « vers le » 22 mars ? Si la traversée est connue pour durer entre 15 et 18 jours, il serait arrivé à La Havane, toujours selon sa lettre, entre le 6 et le 9 avril…Elémentaire ? Pas du tout. Une simple déduction sherlock-holmesque.

                                                       Hem lyrique

Et à qui est adressée cette lettre, demanderez-vous, à juste titre ? A sa « Chère Miss Pfeiffer ou puis-je vous appeler « Mrs Hemingway ? »…qui se trouve à ses côtés, à bord du même steamer le RMS Orita…

Dès la première ligne, le doute (pour le lecteur) s’installe et ne le quittera pas jusqu’à la dernière ligne.

Et les trois lignes de Hem d’un lyrisme effréné sur Cuba ? Les voici :

« …notre voyage direction Cuba qui promet de s’étendre indéfiniment dans l’avenir. Je me suis souvent demandé ce que je devrais faire du restant de ma vie et maintenant je le sais- j’essaierai d’arriver à Cuba »… (Traduit de l’anglais par Michel Arnaud, comme l’ensemble de ses « Lettres choisies »).

Amis hemingwayens de l’exégèse, de la glose et de l’herméneutique réunies, à vos claviers ! D’autant plus qu’au milieu de quelques banalités et de cogitations amphigouriques, dont Papa est coutumier dans ses lettres, d’autres notations accentuent cet embrouillamini qui fait de cette lettre un méli-mélo, un bric-à-brac incompréhensible.

Sont-ce les brumes que dégagent le steamer, les vapeurs dont serait atteint Papa et qui lui montent au cerveau, la brume de la traversée ou peut-être encore les vapeurs exceptionnellement enivrantes d’un diner exceptionnellement arrosé ? Et qui tangue le plus, l’ami Ernest ou « ce foutu bateau qu’on ne peut empêcher de tanguer ? »  Mystère(s).

Carlos Baker le confirme en note : « A bord du RMS Orita ».

Or qu’écrit Hem, se plaignant du manque de confort du steamer ?: « …ce bateau (celui qui tangue, nda) est le Royal Mail Steam Packet (…) qui a des petites cellules(…) J’ai lu la documentation concernant les agréments des autres paquebots, l’Orcoman, l’Orita, l’Oroya, etc…et ils ont tous des gymnases, et des lits à deux personnes et des nurseries(…) Dépêchons nous d’arriver à La Havane et à Key West et de ne plus prendre les paquebots de cette ligne ».

Il demande à Pauline, destinataire de la lettre, de lui pardonner « cette lettre vaseuse je t’en écrirai une belle un de ces jours » et termine par : « La fin est faible mais Papa l’est aussi.

Affectueusement, Papa »

Voici le texte intégral de cette lettre : 

                 ERNEST HEMINGWAY

     LETTRES CHOISIES

         1917-1961

Présentées et annotées par Carlos Baker / Traduites de l'anglais par Michel Arnaud

                           GALLIMARD

 

Titre original: ERNEST HEMINGWAY - SELECTED LETTERS 1917-1961 — Edited BY CARLOS BAKER

© The Ernest Hemingway Foundation, Inc.1981
© Carlos Baker, 1981.
© Éditions Gallimard, 1986, pour la traduction française.

 

Page 332

À PAULINE HEMINGWAY, en mer 1, vers le 28 mars 1928

Chère Miss Pfeiffer ou puis-je vous appeler « Mrs. Heming­way » ?

Nous en sommes à cinq ou six jours de notre voyage direction Cuba qui promet de s'étendre indéfiniment dans l'avenir. Je me suis souvent demandé ce que je devrais faire du restant de ma vie et maintenant je le sais – j'essaierai d'arriver à Cuba.

Il est certainement bigrement difficile d'essayer d'écrire. Toi tu es si belle et si talentueuse et tu n'as jamais mal à la gorge et tu ne dis jamais « Peut-être Mr. Hemingway mon mari ne peut-il pas jouer assez bien pour mériter votre intérêt. »

Mais on ne peut pas empêcher ce foutu bateau de tanguer. Seule Mothersills le pourrait et cela pas longtemps.

J'ai lu la documentation concernant les agréments des autres paquebots – l'Orcoman, l'Orita, l'Oroya etc…et ils ont tous des gymnases et des lits et des lits à deux personnes et des nurseries pour les enfants qui en résulteront mais notre bateau a des petites cellules à 250 dollars pièce et on aurait tout aussi bien pu payer 250 dollars à un bon ordre monastique (si ledit ordre pouvait se contenter de si peu).

J'ai découvert ce qui donne cet air furtif à notre ami indien – il a le cou si court qu'il doit tourner les épaules quand il regarde autour de lui. Toi d'autre part tu n'as aucun défaut mais ce bateau est le Royal Mail Steam Packet et je n'ai pas de [un mot illisible] à part ce quelque chose qui s'est pris à cette plume (peut-être l’un de tes cils) et qui maintenant a disparu et que peut faire un gars.

De toute manière je t'aime et si tu me pardonnes cette lettre vaseuse je t'en écrirai une belle un de ces jours. Seulement dépêchons-nous d'arriver à La Havane et à Key West et puis de ne plus bouger et de ne plus prendre les paquebots de cette ligne. La fin est faible mais Papa l'est aussi.

Affectueusement,

                                                                                                                              Papa

1-    A bord du RMS Orita, parti de la Rochelle direction La Havane.

                               

Hemingway et Cuba : un cheminement « lent et difficile »

Contrairement à ce qu’écrit  Claudio Izquierdo (le fall in love dHemingway), la relation d’Hemingway avec Cuba «  ne fut pas une affaire d’amour  dès le premier instant, mais un processus lent et difficile » (G. García Márquez, p. 13)

Les inconditionnels  d’éphémérides auront déjà noté qu’en 2014 se célèbre le 75 e anniversaire de  l’installation d’Ernest Hemingway à La Finca Vigía.

C’est Martha Gellhorn, sa troisième épouse, qui découvrit une demeure de style espagnol quelque peu délabrée, la Finca Vigia en 1939, sur les hauteurs de San Francisco de Paula, à 15 km environ au sud de la capitale. E.H l’achète l’année suivante. La Finca Vigia, son refuge cubain retapé, sera le domicile que Hemingway occupa le plus longtemps durant toute sa vie, jusqu’à son départ de Cuba, le 25 juillet 1960. Certes de manière discontinue, comme sa vie l’indique.  

Mais entre 1928 et 1939, il faudra bien des allers retours d’initiation, soit, avant de décider de vivre à La Havane, une dizaine de voyages ou séjours,  entrepris par le domicilié à Key West, selon « un pointage » fait par Gladys Rodriguez, spécialiste cubaine de E.H. 

Le deuxième voyage à La Havane se situe en mars 1929. Hemingway, Pauline et leurs fils Jack et  Patrick, venant de Key West où l’écrivain a acheté une maison la Spanish House en décembre 1928, séjournent à La Havane du 16 mars au 5 avril, avant de se rendre à Paris. 

Le 22 janvier 1930, venant de France, à bord de La Bourdonnais, ils font une brève escale à La Havane, direction Key West.  

E.H le 4 mai 1931, part de La Havane pour l’Espagne, où la République vient d’être proclamée,  et la France, à bord du  Volendam.

Le 21 avril 1932, à l’occasion d’une sortie de pêche à bord de l’Anita, prévue pour durer dix jours, Hemingway passe en réalité deux mois à La Havane, logé à l’hôtel Ambos Mundos, rue Obispo. L’embarcation appartient à Joe Russell, propriétaire du bar Sloppy Joe´s, de Key West. 

Hem effectue son cinquième voyage à La Havane début avril 1933. Il descend à l’Ambos Mundos. Sur son agenda, 65 jours de pêche en haute mer sue le bateau de Joe Russell.

Retour à La Havane le 4 août 1933 d’où les Hemingway partent pour l’Espagne.

Le 18 juillet 1934, il effectue son premier voyage Key West-La Havane à bord de son  Pilar qu’il a acquis en janvier. Un yacht de 38 pieds de long, en cèdre et en chêne blanc, spécialement construit pour lui. Le 21 il célèbre à Cuba son 35 e anniversaire. Il rentre à Key West le 26 octobre. A partir du 24 avril 1936 il passe prés d’un mois à pêcher dans les eaux cubaines. Même programme à partir du 29 janvier 1938. 

Son dixième  voyage a lieu en février 1939, il arrive à La Havane à bord du P&O ferry. Il est logé au Sevilla Biltmore, où il demeure cinq semaines avant de rentrer à Key West. Retour au Sevilla début avril mais avec Martha Gellhorn, qui va devenir sa troisième épouse, celle qui découvrit la Finca Vigia.  

Ernest et Martha vont y vivre à partir du 17 mai 1939. Et le 24 décembre Hemingway déménage toutes ses affaires de la maison de Key West. Leur idylle s’achèvera officiellement en 1945. Mary Welsh, que Hem avait connue en mars 1944 à Londres s’installe à La Finca exactement le 2  mai 1945. Quatrième épouse de E.H. elle fut la maîtresse de maison de la Finca pendant plus de 15 ans.

42 ans après sa brève rencontre avec Cuba et alors qu’il venait de travailler à l’écriture de Paris est une fête, Hemingway « commit la plus grande  erreur de sa vie : il quitta La Havane pour s’installer dans une maison aux allures de camp retranché à Ketchum, Idaho »  (p.91, Jerome Charyn, Hemingway, Portrait de l’artiste en guerrier blessé, Gallimard, Paris, 1999).

Courte bibliographie (en français et en espagnol) sur le thème direct « Hemingway à Cuba » :

- Hemingway à Cuba, de Gérard de Cortanze, Ed. du Chêne-Hachette Livre 1997 et Folio Gallimard 2002. Sous la direction de cet auteur, Le Magazine littéraire a publié en juin 1999 un Dossier Hemingway de 50 pages indispensable. De Cortanze y signe notamment « Passions cubaines »

- Hemingway en Cuba, de Norberto Fuentes, Ed. Letras cubanas, 1984, qui est toujours le grand livre cubain sur la vie de l’Américain dans l’Ile. Depuis on n’a pas fait mieux.

- Cuba y Hemingway en el Gran Rio Azul, de Mary Cruz, UNEAC, La Havane, 1981

- Hemingway en Cuba, de Enrique Cirules, Ed.Libertarias, Madrid, 1999

- Hemingway en Cuba, de Yuri Paporov, Ed. Siglo XXI, Mexico, 1993.

Tout rappel de la bibliographie cubaine comporte un trésor, une pièce unique et un regret :

Lunes de Revolucion, supplément littéraire de la revue Revolucion, a publié le 14 août 1961, dans son n° 118, un « Homenaje a E.H » avec des textes de Malcolm Cowley, George Plimpton, Lisandro Otero, Edmundo Desnoes, Guillermo Cabrera Infante, Gertrude Stein, Lolo Soldeville, Archibald MacLeish, ainsi que quatre pages de «  Ideas y Creencias de Hemingway », complétées par la publication de deux contes présentées comme inédits en espagnol, « La Mariposa y el tanque » et « La educacion revolucionaria ».

La pièce unique est le texte déjà cité : « El ultimo verano » de Edmundo Desnoes (1930) publié pour la première fois dans le supplément culturel de la revue mexicaine, Siempre, le 14 novembre 1966, à l’occasion du 5 e anniversaire de la mort de Ernest Hemingway. Texte brillant, à contre-courant d’une littérature facile et complaisante sur Hemingway, et qu’on ne se lasse pas de relire. En 1961, son premier roman, No Hay problema, est de la même écriture et veine iconoclastes  et en 1965, il publie Memorias del subdesarrollo, son œuvre majeure, d’où sera tiré le scénario du film éponyme (1968) de Tomas Gutiérrez Alea, considéré encore aujourd’hui comme le chef d’œuvre du cinéma cubain.          

Le regret vint de l’absence dans l’édition cubaine, hors ouvrages divers sur la vie pittoresque de E.H à Cuba, d’un ouvrage critique sur son œuvre, prenant la suite du livre de référence qu’est celui de Mary Cruz de 1981.           

NOTES

(1)- Lettre archivée  PUL (Princeton University Library), New Jersey.

(2)- Dans une introduction magistrale  et dans ses notes et remerciements  (version française  p.13-31), Carlos Baker  propose une analyse au scalpel de l’Hemingway épistolier (il n’a jamais prétendu l’être, malgré ses quelque 7000 lettres connues)  qui n’a rien à voir avec l’Hemingway écrivain.

Si le langage du second fut toujours châtié, soigné, précis,  exigeant, dans ses lettres « il pouvait être relâché, je-m-en-fichiste, impudemment prolixe »,  écrire des lettres était pour lui une des formes de jeu, il écrivait à toute vitesse, ayant toujours mélangé reportage et invention, il gardait cette  habitude « dans le feu de la composition épistolaire ».(mp)

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