CUBA USA : Quelque chose est en train de changer

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Un article de Leonardo PADURA, traduit par Mireille Tixe Cobian.

Après l’excellent article d’Ignacio RAMONET, que vous avez trouvé récemment sur notre site, nous publions aujourd’hui celui de l’écrivain cubain prestigieux, qui lui aussi a perçu la profondeur des changements en train de s’opérer. Nous en souhaitons vivement l’aboutissement rapide c’est à dire la fin du blocus imposé par le gouvernement américain.

Se libérer d’une politique économique condamnée à l’ONU par la majorité des pays du monde...

Ce n’est pas par hasard que, une semaine avant la publication de Hard choices, les Mémoires de Hillary Clinton, quelques extraits de son livre où elle évoque précisément la politique d’embargo des Etas Unis envers Cuba aient filtrés dans la presse.

Concernant ce thème brûlant qui a pesé sur la vie cubaine durant ces 52 dernières années, Clinton affirme dans son livre que lorsqu’elle était à la tête du Secrétariat d’Etat, elle avait exhorté le président Obama à lever ou alléger l’embargo, parce qu’il ne servait à rien et ne permettait le changement dans l’île communiste.

Les opinions de l’ex secrétaire d’Etat arrivent sur la scène publique deux semaines à peine après qu’un groupe de 44 personnalités du monde politique, social et économique ait envoyé une lettre au président lui demandant la même chose : une plus grande flexibilité des relations avec l’île, la possibilité de voyager pour tous les nord- américains (et pas seulement les américano-cubains, les religieux et les projets culturels)et en viennent à réclamer des discussions sérieuses avec les autorités du pays voisin sur plusieurs thèmes d’intérêt mutuel ainsi que la sécurité nationale.

Bien que le message reconnaisse que , comme il s’agit d’une loi , le Congrès ne peut pas faire grand-chose pour la flexibilisation de l’embargo, c’est donc le président Obama qui tient dans ses mains la possibilité de faire avancer un rapprochement avec Cuba, à un moment où l’opinion publique étatsunienne est favorable à de meilleures relations avec le peuple cubain.

Selon une enquête récente dans les medias, 53% des nord- américains sont contre l’embargo, un pourcentage qui augmente parmi les citoyens d’origine latine et encore plus important dans la communauté des descendants de cubains où il atteint 73%. Ces chiffres reflètent qu’un changement de perception important s’est produit, même en Floride où aujourd’hui, la majorité des cubains nord-américains reconnaissent que la politique du blocus est obsolète parce qu’elle ne fonctionne pas et affecte même leurs intérêts personnels et commerciaux – plus encore avec la nouvelle loi d’investissement étranger, adoptée à Cuba et dont ils ne peuvent bénéficier- précisément a cause de la Loi de l’embargo.

Presque en même temps que cette importante lettre était rendue publique par les medias, arrivait à Cuba Thomas Donahue, président exécutif de la Chambre de commerce des Etats-Unis à la tête d’une délégation d’entrepreneurs qui étaient intéressés par les nouvelles réformes économiques mises en œuvre à Cuba.
Reçu par le président Raul Castro lui-même, après avoir visité des projets économiques comme celui du port de Mariel, Donahue a déclaré qu’il était temps d’ouvrir un nouveau chapitre dans les relations entre les deux pays, « le moment pour commencer est arrivé ». Et cette opinion, quand elle est exprimée par quelqu’un comme Thomas Donahue, n’est pas vain.

Puis, au début du mois, une importante délégation de journalistes et spécialistes invités par la revue La Nation est arrivée à Cuba, réalisant le premier échange éducatif avec ce pays et, comme prévu, le groupe a tenu des réunions avec des cubains de différents secteurs sociaux y compris des travailleurs indépendants.
Peu de temps avant, la plus importante délégation cubaine dans l’histoire de ces rencontres, avait assisté au congrès de LASA.

Cette avalanche de déclarations, révélations et intérêts exprimés, ne peut être le fruit du hasard. Au bout de 52 ans de blocus économique et financier envers Cuba (qui empêche ou complique tant de choses, depuis les voyages des américano-cubains jusqu’au fait insolite qu’un joueur de baseball établi à Cuba puisse jouer ou non dans la Ligue mexicaine de baseball), il semble qu’enfin la logique et la raison commencent à s’imposer aux Etats Unis dans la manière de mener les relations avec Cuba, même si derrière cela , il y ait des motivations à caractère économique et politique très concrets.

Comme on le sait, l’embargo ou blocus nord-américain à Cuba est le résultat direct de la guerre froide et de la crise des missiles au début des années soixante. Mais son existence a perduré à travers le dans la décade de 1990, dans l’espoir de favoriser la débâcle cubaine après la disparition de l’Union Soviétique, et s’est aggravée grâce à l’approbation de la Loi Helms Burton qui a ratifié cette politique à caractère extraterritorial. Mais depuis le monde a changé. Cuba aussi.

Si ces nouveaux signaux mènent à une flexibilisation du blocus, ou même à une levée du blocus, Cuba obtiendrait une importante victoire politique et les citoyens cubains seraient soulagés de ce qui est devenu un différend interminable.

Quoi qu’il en soit, pour l’île et ses projets économiques, ce serait très important de se libérer d’une politique économique (condamnée à l’ONU par la majorité des pays du monde) qui a écrasé de tout son poids le pays et ses habitants durant 52 ans, une politique que maintenant, même les Nord-Américains considèrent comme un échec.