On peut voyager en Chine mais pas à Cuba !

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Par Arturo López Levy, conférencier à l’école Josef Korbel d’études internationales de l’université de Denver.

Et traduit par Chantal Costerousse.

Washington doit éliminer les incohérences flagrantes entre les valeurs qu’elle prêche et les pratiques de ses politiques.

Lorsque les fonctionnaires élus établissent des normes différentes pour soi, pendant qu’ils limitent les droits constitutionnels du reste des étatsuniens, la crédibilité du système politique souffre et le capital des institutions démocratiques s’érodent.

Le cas du voyage en Chine des assistants du sénateur Marco Rubio et de la parlementaire Ileana Ros-Lehtinen, patronné par le parti-état communiste, est un exemple douloureux.

Durant des dizaines d’années, les législateurs cubano-américains se sont opposés aux voyages à Cuba et admonesté férocement tout collègue ou leurs assistants qui ont recherché des informations ou tenter de dialoguer avec le gouvernement. Rubio et Ros-Lethinen ont fait du sujet de ne pas voyager dans les pays communistes une preuve d’intégrité politique et de fidélité aux droits humains.

Rubio a déclaré au sénat que chaque dollar qui se dépense lors d’un voyage dans un pays communiste finance directement la répression. Chaque dollar, exceptés les frais pour ses assistants à la Grande Muraille et Tiananmen pendant qu’ils écoutaient les mérites du président Mao.

Lorsque l’hypocrisie est exposée, la direction politique devient encore plus nécessaire. C’est le moment où les leaders et l’opinion publique doivent prendre parti et dire clairement quels sont leurs principes.

L’intégrité marque la principale différence entre ceux qui croient que les voyageurs étatsuniens sont (comme Hillary Clinton le précise) les précurseurs en faveur d’une société ouverte, à Cuba et en Chine et ceux qui voyagent à Pékin, pendant qu’ils prêchent leurs politiques anti-Castro en restreignant le droit de voyager aux étatsuniens.

La Maison Blanche devrait diriger. Chaque fois que le sénateur Rubio et la parlementaire Ros-Lethinen interrogent férocement la morale des décisions d’Obama pour développer les voyages de peuple à peuple, l’administration Obama réagit timidement ou ne réagit pas.

Les fonctionnaires d’Obama paraissent oublier le propre discours du président sur l’importance de communiquer avec la société civile cubaine et l’actualisation d’une politique conçue « avant qu’il naisse ».

De nombreux cubano-américains qui ont voté deux fois pour Obama sont déçus parce que le président donne beaucoup aux politiciens pro-embargo et écoutent très peu ceux qui défendent ses promesses de dialogue et de communication avec Cuba.

Après sa réélection en 2012, gagnant une majorité cubano-américaine, la secrétaire d’état Hillary Clinton a conseillé au président Obama « de poser un autre regard sur l’embargo. Il n’atteint pas ses objectifs et freine l’élargissement de notre agenda en Amérique Latine ».

Après la réforme migratoire cubaine sous Raúl Castro, il est plus facile pour un cubain qui vit sous un régime communiste, de voyager aux Etats Unis que pour un citoyen américain qui vit en démocratie, de voyager à Cuba.

Ceci est une grave contradiction qui donne à ceux qui plaident pour un Cuba démocratique avec de bonnes relations avec les Etats Unis, un sérieux désavantage politique.

Le président Obama fit un amendement en 2011, lorsqu’il autorisa les visas pour les voyages religieux, éducatifs, humanitaires et de quelques autres finalités non touristiques pour aller à Cuba.

Mais pourquoi n’élimine-t-il pas ces procédés bureaucratiques gênants pour ces voyages légaux et n’adopte-t-il pas un visa général pour n’importe quel voyage à finalité non touristique ?

L’inaction de l’administration Obama devant l’actuel processus de réformes à Cuba sépare encore plus Washington des autres pays démocratiques.

L’Europe est en train de négocier un large accord de coopération économique et un dialogue politique avec Cuba.

A Cartagène, en Colombie en 2012, lors du sommet des Amériques, l’Amérique Latine s’est exprimée clairement : tous les pays de l’hémisphère, exceptés le Canada et les Etats Unis, ont réaffirmé leur désir d’incorporer Cuba au prochain sommet prévu au Panama au printemps 2015.

L’anxiété des alliés des Etats Unis en Amérique Latine grandit à chaque jour qui les rapproche du sommet des Amériques en 2015.

Le Brésil et de nombreux états latino-américains et caribéens ont déclaré leur intention de boycotter le sommet de 2015 si Cuba n’est pas invité.

L’invitation de Cuba n’a pas pour objet de voir Raúl Castro sur la photo des présidents, mais de transmettre une désapprobation générale de la politique d’isolement de l’île, aidant ainsi la Maison Blanche à changer d’avis.

Washington doit éliminer les incohérences flagrantes entre les valeurs qu’elle prêche et les pratiques de ses politiques.

Tous les étatsuniens devraient jouir de l’égalité devant la Loi et dans l’exercice de son droit constitutionnel à voyager.

Le sénateur Rubio et la parlementaire Ros-Lehtinen ne doivent pas être si intransigeants contre les voyages à Cuba après que leurs employés aient visité Pékin et la grande muraille gratuitement à l’invitation du parti-état chinois. Leurs électeurs cubano-américains sont en train de démentir leurs prises de position au rythme de presque 400.000 visites à Cuba chaque année. Il n’est pas cohérent avec le mode de vie étatsunien, qu’un groupe profite d’un droit que ses représentants refusent au reste de la population.
Cet incident désastreux pourrait prendre un bon tournant si le président Obama défendait la liberté de voyager comme un droit humain.

Quelques-uns diront que la Maison Blanche ne peut pas défier le congrès au moyen de politiques qui attentent à la Loi Helms Burton. Mais si les Etats Unis veulent que d’autres pays s’unissent aux efforts pour promouvoir les droits humains et l’ouverture politique dans l’Ile, ils doivent donner l’exemple en pratiquant la liberté qu’ils prêchent.

La liberté de voyage comme un droit humain est fondamental dans la politique des Etats Unis aussi bien pour aller à Cuba qu’en Chine.