« América Latina en la geopolítica imperial », un livre d’Atilio Borón

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Un article du blog "lapupilainsomne" traduit par Janice Argaillot.

L’implantation de modèles démocratiques en Amérique Latine n’est plus une utopie.

Cependant, et même au milieu de ce tourbillon de transformations, les problématiques qui menèrent à l’échec du Congrès amphictyonique convoqué par Bolívar en 1826 sont toujours des menaces pour le continent : le manque de vision politique, les oligarchies au pouvoir, l’impact des intérêts du capital étranger.

Les analyses sur le sujet du politologue et sociologue argentin Atilio Borón sont fondamentales, de par leur apport à la pensée latino-américaine et leur approche de la genèse et de l’impact des principaux problèmes globaux.

Son livre « América Latina en la geopolítica imperial » a été présenté à La Havane, livre dans lequel il dissèque l’impérialisme nord-américain et sa projection sur le sous-continent.

Selon l’auteur, « l’une des principales thèses que les lecteurs trouveront dans ce livre est précisément celle qui soutient que les États-Unis sont confrontés au lent mais irréversible affaiblissement de leur pouvoir global. Ce phénomène, nié par la plupart des apologistes impériaux et leurs publicistes colonisés à la périphérie, ne passe en revanche pas inaperçu chez leurs intellectuels les plus lucides, ces derniers sachant bien qu’il ne sert à rien de se voiler la face et que les déclarations patriotardes ne suffisent pas à inverser un processus de décadence qui obéit à des facteurs structuraux et internationaux très puissants .

Voici plus précisément quelques-uns des thèmes développés dans l’œuvre :

I. La thèse présentée par Michel Hardt et Antonio Negri sur l’inexistence de l’impérialisme dans l’essai « Empire » est absurde : sans impérialisme, il n’y a pas d’empire.

II. Depuis le 19e siècle jusqu’à nos jours, le système capitaliste est passé de la polyarchie à la diarchie, jusqu’à parvenir au triomphe de l’impérialisme états-unien après la chute du socialisme lors de la dernière décennie du siècle passé. Aujourd’hui, nous sommes témoins du passage d’une projection du pouvoir depuis l’état-nation vers les organisations internationales – FMI, Banque Mondiale, Union Européenne.

III. Durant les années 80 du siècle dernier, Zbigniew Brzezinski –un des penseurs capitalistes les plus lucides– jugeait que « l’Union Soviétique [était] un problème transitoire pour les États-Unis, mais que l’Amérique Latine constituait un défi permanent, enraciné dans d’inaltérables raisons géographiques ».

IV. La crise actuelle du capitalisme –Atilio Borón alimente son analyse de la thèse de Samir Amin– est systémique. C’est pourquoi sa résolution doit naître d’une nouvelle organisation post-capitaliste, phénomène qui confère une grande importance au socialisme du XXIe siècle comme projet alternatif.
V. Le mouvement de la crise capitaliste depuis les périphéries jusqu’aux centres du pouvoir, conditionne l’application de politiques intégrationnistes dans la région. Il existe des exemples assez éloquents, comme l’affiliation à la CELAC de gouvernements de diverses orientations politiques dans la région.

VI. Le contrôle des ressources naturelles en Amérique Latine est essentiel pour l’impérialisme états-unien –pétrole, eau, biodiversité. Comme l’a souligné Collin Powell : « la région est un gigantesque marché pour les entreprises états-uniennes ».

VII. Contrôler militairement l’Amérique Latine s’avère décisif pour les États-Unis, comme le met en évidence le Document Santa Fe VI. L’analyse qui est faite dans l’œuvre de la pensée d’Halford Mckinder –Anglais– et Alfred T. Mahan –États-Unien– est intéressante. Mckinder soutient la théorie de Hertland ou du Noyau central, tandis que Mahan était convaincu du fait que « la projection globale de la puissance militaire de n’importe quel pays se mesure à la qualité et quantité de ses forces navales – la pratique historique l’a démontré ». Il fut le principal théoricien et exécuteur de la Doctrine Monroe, ainsi que le promoteur de la construction du Canal de Panama dont il voyait l’importance géostratégique.

VIII. Le schéma de contrôle militaire dessiné par le Pentagone pour l’Amérique Latine en 2000, Forward Operation Location (FOL), s’appuie sur des centres de mobilité stratégique, des guerres éclair, avec des bases et troupes aéroportées à déploiement rapide. Les accords de sécurité passés entre les États-Unis et plusieurs pays du continent comme la Colombie, le Costa Rica, le Panama, le Guyana, le Suriname et la Guyane Française, a fait grimper à 75 le nombre de bases militaires des États-Unis, de l’OTAN ou de pays membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord dans la région, lesquelles sont dirigées depuis la Maison Blanche ou le Pentagone.

IX. Il est temps que les peuples du continent abandonnent massivement des structures comme l’Organisation des États Américains (OEA) et le Traité Interaméricain d’Assistance Réciproque (TIAR). Il suffit de rappeler une partie du TIAR : « une attaque armée de quelque État contre n’importe quel État américain, sera considérée comme une attaque contre tous les États, et en conséquence chacune des parties contractantes s’engage à aider à faire face à l’attaque en vertu de l’exercice du droit imminent de légitime défense ». Quand les États-Unis se sont vus, durant la Guerre des Malouines, devant l’alternative de choisir entre le Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et le Traité Interaméricain d’Assistance Réciproque (TIAR), ils ont choisi de soutenir le Royaume Uni et de s’opposer de manière flagrante à l’Argentine.

X. Le pillage des ressources naturelles en Amérique Latine a été légitimé par l’application du néolibéralisme et des politiques d’ajustement promues par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International. Comme le souligne le biologiste états-unien Barry Commoner, les pays du sud doivent adhérer à un modèle « d’écosocialisme » qui s’oppose à « l’impérialisme écologique ». Le thème est largement analysé dans le chapitre 6 de l’œuvre à partir de l’opposition entre « pachamamismo et extractivismo ».

L’œuvre « América Latina en la geopolítica imperial » de l’Argentin Atilio Borón, réaffirme que l’Amérique Latine constitue un espace vital pour les États-Unis. C’est pourquoi la stratégie de la Maison Blanche envers le continent, dessinée dès la réunion de Chapultepec – Mexique, 1945 – n’a pas varié :

- Alignement de l’Amérique Latine sur les États-Unis.
- Endiguement et/ou destruction des processus de changements continentaux qui menaceraient l’hégémonie états-unienne.
- Création des conditions pour développer les entreprises transnationales états-uniennes.

Pour citer l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano : « depuis l’arrivée des espagnols… on a décrété que la mémoire et la dignité étaient des délits. Les nouveaux maîtres de ces terres interdirent de se souvenir de l’histoire, et interdirent de la faire. Depuis lors, nous pouvons seulement l’accepter ».

Les peuples d’Amérique Latine ont la responsabilité de construire leur propre histoire, parce que nous sommes maîtres de notre destin, et des œuvres telles que « América Latina en la geopolítica imperial » constituent un apport majeur.

L’œuvre a obtenu le prix « Libertador al Pensamiento Crítico », créé par la Ministère du Pouvoir Populaire pour la Culture de la République Bolivarienne du Venezuela.

Note postée par l’auteur sur http://www.rebelion.org/noticia.

NdT : théorie du développement fondée sur l’idée que l’Homme est une partie de la nature (Pachama : Terre-Mère dans la cosmogonie andine).

NdT : théorie du développement fondée sur le progrès technologique, qui entraîne la marchandisation de l’environnement.