Quand Kissinger et le président Ford voulaient « écraser » Cuba

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Posté par M P
Publiés par les Archives nationales de la sécurité, des documents déclassifiés aux Etats Unis dévoilent de franches conversations entre Kissinger et le président américain de l’époque, Gerald Ford. Parmi les échanges entre les deux hommes, l’une de ces conversations évoque le projet américain d’envahir Cuba, après la décision du régime cubain d’envoyer des troupes en Angola. Cet envoi de militaires avait suscité l’inquiétude de Washington quant à une influence communiste grandissante en Afrique.
« Je pense que nous allons devoir écraser [Fidel] Castro », qualifié d’« avorton », selon les documents. « Je suis d’accord », répond Ford. Kissinger souligne aussi qu’une telle réponse militaire devra être sérieuse et sans « demi-mesure », en particulier si les soldats cubains se rendent ensuite dans d’autres pays du sud de l’Afrique (source : lemonde.fr).

Henry Kissinger et le président Ford envisageaient en 1976 d'« écraser » Cuba 

Source : Slate.fr / posté par M P  Abonnez-vous
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En 1975, le secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger s'entretient avec Gerald Ford, alors président des Etats-Unis. | AP

 

Sujet repéré sur The New York Times/ NPR/ The Nation/ BBC

Envahir militairement Cuba et « écraser » l'île communiste : en 1976, Henry Kissinger y a « sérieusement » songé.

Le secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger avait en effet un plan secret pour lancer des frappes aériennes contre La Havane et «écraser Cuba».

En cause, selon le New York Times -- qui se fonde sur des documents récemment déclassifiés par la Bibliothèque présidentielle Gerald-Ford et publiés par les Archives Nationales de la Sécurité-  l’incursion de quelque 36.000 militaires cubains en Angola pour aider ce pays nouvellement indépendant, déstabilisé par son voisin sud-africain et des guérillas dans le pays.  

Au cas où Cuba aurait décidé d'accroître encore davantage sa présence sur le continent, Kissinger avait prévu, quinze ans après la désastreuse invasion de la Baie des cochons, des frappes sur des ports et des installations militaires ainsi que le déploiement de bataillons de Marines à Guantanamo pour «cogner». « S'ils se déplaçaient jusqu'en Namibie ou Rhodésie, je serais pour les frapper fort ».

« Je pense que nous allons devoir écraser [Fidel] Castro », lance Kissinger à Ford. Il ajoute qu'ils devront pour cela attendre les élections à venir à Cuba.

« Je suis d'accord », répond Ford.

«Je pense que tôt ou tard, nous devrons briser les Cubains», a-t-il lancé à Gerald Ford dans le Bureau ovale, selon les mêmes documents. «Si nous décidons d'utiliser notre puissance militaire, cela doit réussir. Il ne pourra y avoir de demi-mesure –si nous usons de la force avec modération, nous ne serons pas récompensés. Si nous nous décidons pour un blocus, il devra être sans pitié, rapide et efficace», a-t-il également affirmé lors d'une réunion. Il qualifie le président Fidel Castro d'« avorton » pour son aide militaire en Angola.

Le plan aurait finalement été remisé sur une étagère après la défaite de Ford lors de la présidentielle de novembre 1976 face au démocrate Jimmy Carter… 

 

Détail d'un des documents déclassifiés

(cliquer ici pour consulter le document complet)

La National Public Radio a interviewé Peter Kornbluh et William LeoGrande, deux auteurs qui ont utilisé les documents en question pour écrire un livre, Back Channel to Cuba. The Hidden History of Negotiations Between Washington and Havana.

Selon le premier nommé, ces plans ont paradoxalement fait suite à une période où «Kissinger a vraiment œuvré pour créer une fenêtre de tir en vue de normaliser les relations avec les Cubains», avec des négociations secrètes. «Il a dit à ses émissaires qu’il avait recours, pour approcher les Cubains, au même modus operandi qu’il avait utilisé avec Zhou Enlai en Chine.»

Ces anciens documents classifiés, 116 pages au total, offrent aujourd'hui un rare aperçu en effet des relations tendues avec La Havane que la Maison Blanche s'était un temps attachée à améliorer. Kissinger avait ainsi dépêché deux envoyés spéciaux à l'aéroport new-yorkais de La Guardia en janvier 1975 pour un entretien avec des émissaires cubains, dans le but de normaliser les relations entre ces ennemis de la guerre froide.

Kissinger s’est donc senti trahi par l'ingérence cubaine en Afrique, d’autant que, rappellent les deux auteurs dans un article publié par The Nation, il ne s’était pas opposé à la levée, l’année précédente, des sanctions de l’Organisation des Etats américains contre Cuba.

Le site de la BBC rappelle que ces révélations viennent s’ajouter à l’héritage historique déjà controversé de Kissinger, 91 ans:

«Ses partisans disent qu’il a joué un grand rôle dans la politique étrangère américaine sous les présidents Nixon et Ford, durant la Guerre froide, pointant que c’est lui qui a déclenché la détente avec l’URSS, pavé la voie pour la visite historique de Nixon en Chine et, selon eux, contrecarré la menace communiste en Amérique latine. Ils affirment aussi qu’il a joué un rôle décisif dans la conclusion d’accords de paix au Moyen-Orient et au Vietnam.

Ses détracteurs disent qu’il a orchestré des bombardements meurtriers du Cambodge neutre durant la guerre du Vietnam et a aidé le Pakistan, la Grèce, l’Indonésie et le Chili à mener des actes de répression.» (mp)