AGRICULTURE : CLE DE LA REFORME ECONOMIQUE

Partager cet article facebook linkedin email

L’agriculture , locomotive de la réforme économique, est à la peine

{{}}

Malgré un bon approvisionnement des marchés en fruits et légumes de saison, le secteur agro-industriel cubain, moteur de la réforme économique lancée par le gouvernement, peine à décoller, selon divers économistes cubains.
"La clé de la réforme économique, c’est l’agriculture, comme cela fut le cas en Chine et au Vietnam. Si la réforme de l’agriculture échoue, alors toute la réforme échoue", a averti cette semaine l’économiste Pavel Vidal dans un entretien au magazine catholique Espacio Laical.

Depuis qu’il a pris la relève de son frère Fidel en 2006, Raul Castro a fait de la production alimentaire un axe "stratégique" de sa politique : 80% de ce que mangent les Cubains est importé, pour un montant de 1,5 à 1,8 milliard de dollars, une charge trop lourde pour la fragile économie cubaine.

Avec la moitié des 6,6 millions d’hectares cultivables en jachère en 2007, Cuba a commencé à distribuer en usufruit des terres à de petits agriculteurs, tout en favorisant la production et l’importation de matériel agricole.

En vain : ouragans, sécheresse et tracasseries bureaucratiques ont freiné le décollage de l’agriculture.

Directeur du Centre national de contrôle de la Terre, dépendant du ministère de l’Agriculture, Pedro Olivera a expliqué au quotidien officiel Granma que depuis septembre 2008, 1,18 million d’hectares de terres avaient été distribués à 128.435 particuliers.

Mais pour diverses raisons, 30% d’entre eux n’ont pas commencé la mise en production de ces surfaces.

"Malgré ces distributions, 40% des terres cultivables restent en jachère", selon Granma, citant le ministère de l’Agriculture.

Selon le ministre de l’Economie Marino Murillo, "le secteur agro-pastoral a régressé de 2,8% en 2010" et "les résultats prévus dans douze secteurs n’ont pas été atteints" (notamment riz, viande de boeuf, oeufs et agrumes).

"Le secteur agricole connaît deux années de repli, ce qui montre bien que les transformations n’ont pas été suffisantes. Si on parvient à faire décoller l’agriculture, alors on résoudra beaucoup d’autres problèmes en même temps", estime Pavel Vidal.

Le gouvernement de Raul Castro a proposé une "actualisation" du modèle économique socialiste cubain, présentée dans un programme en 291 points - dont 30 consacrés à la politique agro-industrielle - qui doivent être proposés en avril à l’examen du Congrès du Parti communiste de Cuba, le premier depuis 1997.

Les agriculteurs demandent quant à eux une libéralisation de la commercialisation de leurs produits, très contrôlée par l’Etat, qui fixe notamment les prix.

"A mon avis, c’est là le goulot d’étranglement", analyse Pavel Vidal.

Sa collègue Anicia Garcia, économiste du Centre d’Etudes de l’Economie cubaine de l’université de La Havane, renchérit en affirmant qu’"il est urgent de modifier le système de gestion agricole" : commercialisation, décentralisation, crédit, accès aux outils de production, etc.

Selon les économistes locaux, la famille cubaine consacre 60 à 80% de ses revenus à l’achat de son alimentation.

Le gouvernement a annoncé cette semaine une hausse de 43% du prix du riz, et la presse prévoit depuis plusieurs semaines de fortes hausses des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux.

En revanche, la viande de porc, que certains surnomment par dérision "l’indice Dow Jones" du marché agro-industriel cubain, affiche depuis des années le même prix de 1,5 dollar le kilo, alors que le salaire mensuel moyen du Cubain est de l’ordre de 15 à 20 dollars.