Wolinski par adan

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Georges Wolinski

26 janvier 2015

De gauche à droite Charlie Bouhana, président de CubaSí France, Wolinski, un ami traducteur et Adán Iglesias, directeur du Dedeté durant la fête du journal L’Humanité en 2008.

Photo : Dedeté
De gauche à droite Charlie Bouhana, président de CubaSí France, Wolinski, un ami traducteur et Adán Iglesias, directeur du Dedeté durant la fête du journal L’Humanité en 2008.

  • Par Adán Iglesias

Lorsque j’ai mis son nom dans le moteur de recherche Wikipedia, celui-ci m’a prévenu que plusieurs internautes étaient à cet instant-même en train de travailler sur le même sujet.

Cela ne m’a pas étonné, car la répercussion du massacre à Charlie Hebdo a déclenché une mobilisation mondiale étonnante, même si au fil des jours les divergences sont devenues plus fortes sur des notions aussi opposées que liberté d’expression et respect religieux.

Ce qui est certain, c’est qu’à partir du lâche attentat contre la revue satirique, ce nom a été davantage mentionné au niveau mondial.

Charb, Cabu et Tignous, aux côtés du maître Wolinski font désormais partie de la longue liste de journalistes assassinés pour toutes sortes de raisons.

Dans une interview avec son ami et dessinateur argentin Michel Rep, il avait affirmé qu’en France la caricature politique existait pratiquement depuis l’invention de l’imprimerie, et que dans un pays de dessinateurs tels que Daumier, c’était une tradition de dessiner les hommes politiques qui ne se sentaient jamais offensés.
Être le plus âgé de tous les défunts ne veut pas dire qu’il soit le plus reconnu.
Mais la dimension et la diversité de son œuvre le situent parmi les plus grands et c’est pourquoi il est essentiel de ne pas ignorer son riche parcours ou le sous-estimer afin d’éviter de blesser certaines susceptibilités.

Si Ziraldo est le plus représentatif de l’humour graphique au Brésil, Rius au Mexique ou Nuez à Cuba, Wolinski l’est tout autant en France.

À partir des événements de mai 68, son œuvre a pris parti pour la cause révolutionnaire et, avec sa critique de l’ordre établi, il est devenu celui qui remet en cause tous les systèmes sociaux. Certains ont qualifié ses dessins sexistes de pornographiques, mais, étant donnée sa condition d’artiste irrévérencieux, je crois que ces représentations étaient en accord avec sa façon de penser.

Il a reçu de nombreuses gratifications pour son art, parmi lesquelles nous pouvons souligner : le Prix International d’Humour Gat Perich, en 1998 ; la Légion d’Honneur, la plus haute distinction octroyée par le gouvernement français et créée par Napoléon, et le Grand Prix de la Ville d’Angoulême, remis lors du Festival International de bande dessinée dans cette ville.

En lien ou en marge de son œuvre, il a été un ami inconditionnel de Cuba, mais on le sait peu à l’intérieur de l’île.

À sa mort à 80 ans, il était président d’honneur de l’Association d’amitié CubaSí France qui soutient notre île depuis l’Europe et fait régulièrement des dons pour les écoles, les hôpitaux et les victimes des cyclones. Dans la lutte pour le retour de nos cinq héros antiterroristes, cette organisation a également livré une importante bataille.

En tant que collègue, il nous a rendu visite trois fois : en 1991 lors de la septième biennale Internationale de l’Humour, puis en 1997 comme président du jury de la dixième édition et il est revenu en 1999pour la onzième édition. Chaque fois, il a apporté du matériel de travail pour les collègues et a participé avec les Rotativistes Français à l’envoi de papier à Cuba pour le journal Granma au moment le plus critique de la période spéciale.

Malgré ces visites fréquentes, je n’ai jamais pu le connaître à Cuba, et c’est la raison pour laquelle, lors la Fête du journal L’Humanité en 2008, je n’ai pas manqué l’occasion de m’approcher de lui pour lui exprimer mon admiration. Nous avons discuté et à sa demande je l’ai mis au courant de la situation de l’humour graphique dans mon pays. Il s’est aussi intéressé à son ami Nuez. Par des hasards de la vie, le créateur de Loquito est décédé le 6 janvier dernier et juste au moment où ses obsèques avaient lieu à La Havane, nous avons appris le meurtre de Wolinski et des collèges de Charlie Hebdo.

J’ai pu effectuer mon premier voyage en France grâce à la collaboration de l’ingénieur Sebastian Viscuso, dirigeant du syndicat des électriciens CCAS, et de l’ambassade cubaine en France pour le 27ème Salon International d’humour de Saint Just Le Martel. C’est justement à Limoges, où se tient ce salon depuis plus de 30 ans, que j’ai retrouvé Wolinski.

Pour sa dernière action de solidarité avec Cuba, notre ambassadeur en France, Héctor Igarza, a laissé un témoignage dans l’édition du journal Trabajadores (Travailleurs) du 12 janvier 2015. On y montre le dessin de la carte postale que le maître dessina pour le 57ème anniversaire du triomphe de la révolution. Selon Charlie Bouhana, président en exercice de Cubasí France, ce fut le dernier dessin réalisé par Wolinski.

Une exposition à Cuba d’une partie de l’œuvre de ces collèges français, d’ailleurs tous amis de notre pays, contribuerait à leur rendre hommage.

Georges Wolinski fut journaliste et humoriste graphique français. Né le 28 juin 1934 à Tunis, il est mort assassiné avec des collèges le 7 janvier 2015 à Paris.
Note : Nous remercions notre ambassade en France

  • Traduction Marie José Castaing