Le dégel Etats-Unis-Cuba avance malgré les embûches

Partager cet article facebook linkedin email

Six mois après l’annonce historique d’un début de normalisation entre les Etats-Unis et Cuba, les deux pays sont parvenus à amorcer un véritable rapprochement, même si certains points de divergence paraissent pour l’heure difficiles à dépasser.

Un article de l’AFP publié par le quotidien LA CROIX

D’immenses défis !

Depuis le séisme du 17 décembre dernier, qui annonçait une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays, plusieurs évènements auparavant inconcevables se sont produits.

M. Obama a d’abord demandé au Congrès d’étudier la levée du principal pivot de la politique américaine d’isolement de Cuba : l’embargo imposé à l’île depuis 1962.

En avril, les présidents Barack Obama et Raul Castro se sont rencontrés au Sommet des Amériques de Panama, une première depuis plus d’un demi-siècle. Puis l’administration Obama a acté la sortie de Cuba de la liste américaine des pays soutenant le terrorisme.

Aujourd’hui, les deux pays sont en passe de rétablir des relations diplomatiques suspendues depuis 54 ans.

"Vu d’où l’on vient, le bilan est incontestablement positif. Le plus important est la décision politique de rétablir les relations", constate l’universitaire et ancien diplomate cubain Jesus Arboleya.

Ce dernier cite également un facteur selon lui déterminant : l’apparition aux Etats-Unis "de groupes de pression en faveur de ce processus", qui selon lui "créent un équilibre auparavant inexistant" sur la question cubaine.

- Des ambassades avant l’automne ? -

Après l’annonce de décembre, plusieurs sondages ont aussi révélé qu’une majorité d’Américains se disaient favorables au changement de politique envers Cuba, venant confirmer un rééquilibrage des forces dans l’opinion.

Initialement programmée par Washington pour avril, la reprise des relations diplomatiques n’a toujours pas été annoncée, malgré quatre réunions entre hauts responsables des deux pays depuis janvier.

Selon plusieurs sources à Washington et La Havane, il ne s’agit désormais que d’une question de semaines, mais une série de procédures devra être menée à bien des deux côtés du Détroit de Floride avant de rouvrir les ambassades.

D’abord, les deux pays devront informer la Suisse qu’ils n’ont plus besoin de sa protection diplomatique pour les sections d’intérêt installées depuis 1977 à La Havane et Washington.

Ensuite, la Maison Blanche devra notifier au Congrès le changement de statut de sa chancellerie. Ce dernier aura 15 jours pour l’étudier, mais "ne pourra pas s’y opposer", selon un haut-responsable du Département d’Etat.

Une fois les ambassades rouvertes, Washington et La Havane pourront enfin lancer le vaste chantier de la normalisation, qui s’annonce ardu si l’on en juge à la complexité et au nombre de points de désaccords accumulés entre les vieux ennemis de la guerre froide.

- "Défis immenses" -

Jorge Duany, de l’Université internationale de Floride, rappelle que le gouvernement cubain "a opté pour une stratégie +maximaliste+ en exigeant la levée de toutes les sanctions économiques, la rétrocession de la base navale de Guantanamo, l’abrogation de la Loi d’ajustement cubaine (qui facilite l’installation des Cubains aux Etats-Unis, ndlr), et la fermeture des stations TV et radio Marti" diffusées sur le territoire cubain.

Raul Castro exige aussi des compensations pour les dommages économiques occasionnés par l’embargo américain.

"De son côté, le gouvernement américain a adopté une posture +minimaliste+, cherchant surtout à soutenir la société civile indépendante de Cuba, stimuler la croissance du secteur des travailleurs indépendants et militer pour plus de tolérance" sur l’île, poursuit le chercheur. Mais selon lui ces positionnements seront "difficiles à concilier".

"Ces défis sont immenses. Jamais dans son histoire Cuba n’a eu de relations normales avec les Etats-Unis et je doute que cela se fasse dans un futur proche", abonde M. Arboleya.

Au sujet de l’embargo, thème crucial des relations cubano-américaines, le président démocrate a affiché sa bonne volonté en saisissant le Congrès, mais l’issue des discussions en cours est incertaine et le processus législatif s’annonce long, alors qu’à Cuba la réalité économique demeure inchangée.

M. Duany souligne également qu’il "reste à déterminer à quel point M. Obama pourra prendre de nouvelles mesures cette année et demie à venir", avant la fin de son administration.

Car, rappelle-t-il, le Congrès, dominé par les républicains, et la montée en puissance de la campagne présidentielle, dont les candidats vont bientôt faire feu de tout bois, ne s’annoncent pas comme des facteurs propices à une bienveillance accrue de Washington envers le régime communiste cubain.

AFP