C’est ici que l’après-midi s’achève à Cuba…

Partager cet article facebook linkedin email

À peine trois cents kilomètres séparent la péninsule de Guanahacabibes de La Havane
« Il y a un morceau de Cuba recouvert de monticules d’iguanes et aux airs de paradis qui s’appelle Guanahacabibes ». N’oubliez pas son nom. C’est un lieu particulier.

Par : Mairyn Arteaga pour le site CUBANIA

Photos : Alexis Pérez Soria

Pour la troisième fois consécutive, un homme se penche sur le seuil de la porte du Centre des Visiteurs et regarde vers l’est. L’autobus qui le mènera vers le point le plus à l’ouest (occident) de Cuba doit arriver d’un moment à l’autre. C’est une journée ensoleillée d’avril 2015 digne d’un mois d’août. Mais il pourrait tout aussi bien s’agir d’une journée de février 2000 ou bien d’octobre 1998. N’importe quel jour des trente années de guide qu’il a à son actif . Spéléologue de profession, José Alberto ne s’imagine pas ailleurs que dans cet environnement-ci.

Dans quelques minutes, installé dans le véhicule, il expliquera que dans ce lieu, le sud est plus haut que le nord ; et que la péninsule est un des endroits où pondent trois des quatre espèces de tortues qui couvent à Cuba de mars à septembre. Et qu’ici, la végétation change constamment, y compris pendant la sécheresse qui assomme à cette époque de l’année.

On peut dire qu’il s’agit d’un coin de géographie presque vierge et, qui plus est, le dernier recoin de l’archipel à être embrassé chaque soir par le soleil

Ça s’appelle Guanahacabibes

À peine trois cents kilomètres séparent la péninsule de Guanahacabibes de La Havane. Située à l’extrémité occidentale de la province de Pinar del Río (la plus à l’ouest du pays), la zone enchante par son coté paradisiaque et par son éloignement du brouhaha de la ville. On peut dire qu’il s’agit d’un coin de géographie presque vierge et, qui plus est, le dernier recoin de l’archipel à être embrassé chaque soir par le soleil.

José Alberto est à la tête d’une expédition qui avance le long d’un rocher escarpé à 20 mètres au dessus du niveau de la mer. En dessous, les vagues se fracassent furieusement contre le récif. Et c’est comme si elles contaient les histoires de corsaires et de pirates qui, durant plus de deux siècles, ont visité ces terres. Il y en a certains qui racontent encore que leurs trésors sont enfouis dans des grottes et des cavernes, ou peut-être sont enterrés sous un tronc d’arbre quelconque. Mais la plus grande richesse se voit d’un simple regard. Face à cette explosion de nature hors du commun, tout l’or du monde ne vaut rien.

José Alberto nous indique où se trouvent les plages Antonio, Perjuicio, El Holandés… Sa mémoire énumère des noms à la suite alors que les yeux arrivent à peine à tout distinguer et réclament à cor et à cri de l’aide pour y arriver.

En réalité, il y a 22 plages vierges qui s’étalent sur environ 16 kilomètres de long. Et sur l’une d’elles, celle de La Barca, une grotte homonyme conserve de singulières cavernes comprenant des « caves de chaleur », l’un des phénomène bio-spéléologiques les plus intéressants du tropique américain.

L’UNESCO déclara Guanahacabibes « Réserve Mondiale de la Biosphère » du fait de son importance environnementale et sa grande quantité d’espèces endémiques

Piochant ses racines dans la langue arahuaca, Guanahacabibes signifie « lieu des iguanes », sans doute parce qu’ils pullulent sur ces grandes étendues de roches grises que l’on appelle « paysages lunaires » de par leur ressemblance avec l’astre. C’est en tout cas ce que raconte José Alberto tout en signalant du doigt un iguane qui, apeuré par le bruit de l’autobus, traverse la route à la recherche de son refuge sur la « Lune ».

En 1987, l’UNESCO déclara Guanahacabibes « Réserve Mondiale de la Biosphère » du fait de son importance environnementale et sa grande quantité d’espèces endémiques. C’est une aire de 1060 kilomètres carrés qui inclut un Parc National et deux zones de conservation stricte : Cabo Corrientes et El Veral.

José Alberto arrête l’autobus près de Cabo San Antonio, à un point culminant de l’ouest de Cuba. Et à cet endroit précis, au milieu des buissons et d’une zone déboisée, il s’apprête à nous montrer le zunzuncito, l’oiseau le plus petit du monde, une espèce endémique de l’archipel antillais. A l’intérieur du bois, les crabes rouges prennent possession des robustes troncs surgissant des mares. À une certaine époque de l’année, ils recouvrent toute la route d’un tapis rouge scintillant.

Un peu plus loin, les marécages abritent des crocodiles qui, en période de sécheresse telle qu’en ce moment, traversent la chaussée pour se jeter dans la mer à la recherche de nourriture. Il vaut donc mieux retourner dans le bus et poursuivre sa route.

José Alberto nous raconte qu’à Guanahacabibes, il n’y a pas de rivières. Les eaux se filtrent à travers les rochers et passent directement dans la nappe phréatique qui forme des lagunes d’eau potable. C’est ainsi que s’abreuvent les animaux et dans la mer, on voit surgir des sources d’eau dans l’immensité salée.

A Guanahacabibes, on reste ébahis face à la majestueuse nature. Entre les mois de septembre et d’avril, plus de 100 espèces d’oiseaux migratoires virevoltent dans les airs ; car cette zone est par ailleurs l’un des six couloirs de la Caraïbe. Sans compter les 192 espèces d’oiseaux cubains, les 18 types de mammifères et les 86 différents papillons diurnes que l’on y trouve également. Et la flore est la reine des alentours avec plus de 700 espèces dont 15 d’entre elles sont des endémiques locales. Guanahacabibes possède également l’inventaire le plus étendu et actualisé de la faune marine, comptant ainsi 773 espèces aquatiques.

Le groupe poursuit son voyage au Cabo San Antonio. Là-bas se dresse le Phare Roncali avec ses 31 mètres de hauteur et son histoire comme sauveteur des embarcations qui naviguent à travers les mers limitrophes depuis 1850 ; date à laquelle sa construction prit fin, à l’époque où Cuba était sous les ordres du Capitaine Général Federico de Roncali.

A l’ombre de la sentinelle éternelle et grâce à la brise de l’océan rafraîchissant les visages, quelqu’un pose la question à José Alberto au sujet des habitants de la péninsule. Sur la route, seules quelques maisons de gardes-forestiers ont été aperçues ainsi que quelques rares paysans qui résident encore dans la zone.

L’homme aux yeux coquins et au sourire espiègle explique alors que sous le gouvernement Batista, les habitants vivaient près du phare et d’autres dans des petits hameaux au bord de l’eau. Mais par la suite, ils se sont peu à peu installés dans des zones urbanisées et aujourd’hui, la plupart se trouvent à La Bajada, El Vallecito…

Fier de ses origines, il précise que les personnes à Guanahacabibes sont particulières : des hommes et des femmes humbles et très attachés à la nature. Il y en a encore qui affirment qu’à Guanahacabibes, les femmes ne manquent pas de parfums artisanaux, confectionnés à partir de fleurs blanches et d’eau de Cologne, arme redoutable pour attirer leurs courtisans. Sans doute la même qu’utilisa la matrone María la Gorda (Maria la Grosse), connue de tous les corsaires et pirates, et dont le nom survit aujourd’hui dans un centre international de plongée sous-marine à 14 kilomètres de La Bajada.

José Alberto connaît tous les secrets de ces terres spectaculaires et il sait différencier le lierre de la côte ainsi que les cactus et les acajous. Il nous montre également les chaînes encore visibles d’un bateau de la flotte anglaise qui coula en 1890.

En descendant du bus et en prenant congé, il ressent la satisfaction d’avoir montré aux visiteurs les merveilles de son terroir, uniques en leur genre sur la planète. Et c’est comme si tout en lui disait : « Il y a un morceau de Cuba recouvert de monticules d’iguanes et aux airs de paradis qui s’appelle Guanahacabibes ».

N’oubliez pas son nom.

C’est un lieu particulier.

C’est ici que l’après-midi s’achève à Cuba…