Cuba libre (la suite)

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Suite de la Chronique de Jacques Lanctôt publiée sur le site CANOE ;CA.

Cuba pourra danser sur ses deux pieds !

Lorsqu’on arrive à Cuba, surtout la première fois, il faut laisser à la porte ses habits d’Occidentaux riches et repus, sa mentalité de nantis, ses préjugés obséquieux, et se dire qu’on arrive dans un pays sous-développé où tout ou presque est à faire. Encore plus aujourd’hui alors que se dessine un rapprochement entre les États-Unis et Cuba.

Qu’on se rassure, ce n’est pas demain la veille qu’on verra, aux plus beaux endroits touristiques de ce pays, des MacDonald ou des Burger King. Cuba a soif de communication avec le monde, Cuba a soif de consommation également, parce qu’elle en a été privée depuis le début des années soixante. Mais tout se fera dans l’ordre et non dans le désordre d’une économie livrée aux spéculateurs et profiteurs de tout acabit.

En attendant, Cuba continuera d’exiger trois choses fondamentales sans lesquelles il ne peut y avoir de vraies relations diplomatiques entre deux pays : 1) qu’on mette fin au blocus économique et commercial ; 2)qu’on lui rende cette portion de son territoire qu’on lui a usurpée il y a plus de cent ans, la base navale de Guantanamo, où le gouvernement américain, ce « modèle de démocratie et de liberté » pour tous les peuples de la Terre, a emprisonné sans procès des milliers de personnes et pratiqué la torture dans une totale impunité ; 3) qu’on mette fin à cette loi d’exception qui permet aux Cubains de se présenter à n’importe quelle frontière des États-Unis pour y demander l’asile et de l’obtenir automatiquement. Aucun autre pays ne bénéficie de cette procédure qui ne fait qu’encourager l’immigration illégale.

En attendant ce jour, le Canada, pays développé de premier niveau, pourra commencer par faire le ménage dans sa propre cour comme l’exige la Commission des Nations Unies pour les droits de la personne, afin de mettre fin aux violations de toutes sortes. Le Canada, et non pas Cuba, a été récemment pointé du doigt par cet organisme de l’ONU.

En attendant, les États-Unis pourront commencer par faire le ménage chez eux, où le racisme le plus odieux à l’égard des populations afro-américaines continue de prévaloir, où les sans-abris et les affamés se comptent par millions. À Cuba, la police ne tire sur aucun citoyen, qu’il soit noir ou blanc. Je n’ai vu à Cuba aucune scène de racisme comme on en voit tous les jours aux États-Unis.

Le chroniqueur et son double dont il est question dans ma chronique précédente se sont sans doute trompés de pays. Le Mexique, le Salvador, le Guatemala, la Colombie, pour ne nommer que ceux-là, figurent parmi les pays les plus violents de l’Amérique latine, où l’on emprisonne et tue les journalistes et les opposants par centaines, où les cartels de la drogue font la pluie et le beau temps et imposent leurs quatre volontés au gouvernement. Ce sont tous des pays qui vivent sous un régime capitaliste, que je sache.

Les services policiers ne sont plus d’aucune utilité et l’État de droit n’existe plus. La dernière victime est le photographe-reporter Ruben Espinoza, qui a été assassiné et torturé au Mexique, il y a quelques jours à peine. Le chroniqueur et son double vont-ils s’en indigner ?

À Cuba, il n’y a aucun cartel de la drogue, et tout ce qui vient avec : sa cohorte de dealers et de règlements de comptes sanglants, de prostituées, d’accros de toutes sortes et d’épaves humaines.

À Cuba, les journalistes qui sont passés par l’École de journalistes peuvent travailler en toute liberté. Ceux qui ont à craindre sont ceux qui sont payés directement par les organismes paravents de la CIA pour dénigrer leur propre pays. Quand on travaille pour une puissance étrangère, il n’est pas question de liberté d’expression, mais bien de mercenariat, d’actes de trahison envers la patrie. Et un pays agressé comme Cuba depuis cinquante ans a le droit de se défendre. Sinon, il y a belle lurette que Cuba serait redevenue une colonie des États-Unis, comme avant le Révolution de 1959, où même la crème glacée et le pain arrivaient de Miami tous les jours.

Le jour où les États-Unis auront satisfait à ces trois demandes fondamentales, Cuba sera libre, et peut-être que les États-Unis seront également un peu plus libres. Cuba ne sera plus sur un pied de guerre et pourra danser sur ses deux pieds. Et on sera tous invités à la fête.