Cuba dans les médias états-uniens

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Par Olga Rosa González Martín,chercheuse au Centre d’Etudes sur l’Hémisphère et sur les Etats-Unis (CEHSEU) de l’Université de La Havane (Cubadebate)

traduction Françoise Lopez

La manière dont on raconte l’histoire est importante ...

On a beaucoup parlé et écrit sur le rôle des médias dans le monde. Beaucoup aussi sur le rôle qu’ont tenu ceux-ci aux Etats-Unis en fonction des intérêts des élites états-uniennes dans la poursuite de leurs objectifs de politique étrangère.

Cependant, ce que personne ne nie, c’est que s’ils ont été intelligents en quelque chose et ont démontré avoir une pensée stratégique et un succès, c’est en racontant à leurs citoyens et au monde ce qui les intéresse et de la façon qui les intéresse. En cela, le paradigme a été Samuel Adams (propagandiste de la cause de l’indépendance) qui, avec James Rivington (leader des conservateurs) et John Dickinson (leader des libéraux), fut l’artisan d’une intense campagne de propagande inter-coloniale qui est passée dans l’histoire comme le plus gros effort de diffusion d’idées fait dans ces années-là (1763-1783).

Selon Adams, pour gagner le conflit, il fallait remplir 5 conditions de base : justifier les raisons de la lutte, faire connaître les avantages de la victoire, amener les masses à alimenter la haine envers l’ennemi, neutraliser tout argument logique et raisonnable proposé par l’opposition et présenter tous les sujets en noir et blanc de telle façon que même le plus simple ouvrier puisse les comprendre.

Et bien que 232 ans soient passés depuis 1783, ce qui est sûr, c’est que les recommandations d’Adams peuvent s’appliquer à la façon dont les élites états-uniennes ont raconté à leur peuple - et aussi à une bonne partie du monde - l’histoire du conflit entre les Etats-Unis et Cuba, en particulier depuis le triomphe de la Révolution Cubaine.

Comme le dirait Robert McNamara lui-même à la première session de la Conférence Tripartite sur la Crise d’Octobre qui s’est tenue à La Havane en janvier 1992 :

  • On a appris aux Etats-uniens que ce sont les Etats-Unis qui ont libéré Cuba de l’Espagne alors que les Cubains ont appris que cette libération fut le résultat de leur longue lutte pour l’indépendance.
  • Les Etats-uniens se considèrent comme idéalistes et désintéressés pour en pas avoir annexé Cuba à la suite de la Guerre Hispano-Nord-américaine. Les Cubains, par contre, pensent que les Etats-Unis ont essayé de profiter de toutes les opportunités pour dominer leur nation.
  • Les Etats-uniens croient qu’ils ont utilisé l’Amendement Platt pour servir de médiateurs dans les litiges intérieurs de Cuba et les résoudre. Les Cubains ont tendance à penser que l’amendement a été conçu pour permettre aux Etats-Unis d’intervenir dans le pays à des fins égoïstes.
  • Enfin, les Etats-uniens sont enclins à penser que leurs investissements à Cuba contribuent au développement du pays et le gouvernement cubain a su interpréter ces relations économiques comme une exploitation.

Ces paroles démontrent combien est importante la manière dont on raconte l’histoire.

Pour les Etats-uniens, cela a été d’une façon et pour les Cubains d’une autre, totalement différente. Et nous ne pouvons pas oublier que dans les processus de construction de la réalité, il y a des intermédiaires qui dans le cas de l’histoire partagée par Cuba et les Etats-Unis passent non seulement par les racines historiques du conflit mais par des éléments géopolitiques, idéologiques, culturels, en substance par la culture propre des Etats-uniens qui, sans aucun doute, est marquée par la Destinée Manifeste et le rôle de leader que les Etats-Unis considèrent qu’ils doivent tenir au niveau international.

D’un autre côté, on ne doit pas non plus oublier le fait que, en général, quand il s’agit de politique étrangère, c’est l’exécutif qui impose l’ordre du jour. C’est le cas pour Cuba, en particulier, comme le note Saul Landau. Bien que ce soit discutable, les mesures prennent leur départ, sans aucun sens critique, à la Maison Blanche. De là l’importance de faire attention à la manière dont les médias expliquent au monde l’importance du 17 décembre 2014. Quand nous revoyons ce qui a été publié sur le processus de rétablissement des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et Cuba et le processus complexe à venir de normalisation des relations qui doit le suivre, nous nous rendons compte que ce qui a été dit par McNamara peut se répéter.

Si nous devions faire une "division historique" concernant la façon dont la presse états-unienne a présenté Cuba jusqu’au 17 décembre 2014, nous pourrions parler de 3 étapes ou 3 phases :

  • 1. Cuba comme appendice naturel des Etats-Unis, un voisin qu’il faut aider, une femme à protéger, un fruit mûr à cueillir, un enfant ou un bébé à qui il faut apprendre, qu’il faut guider.
  • 2. Un paradis dont il faut profiter après qu’avec l’aide des Etats-Unis, les Cubains aient cessé d’être ignorants, barbares, brutaux, superstitieux, opprimés, vicieux, et finalement, aient embrassé la civilisation.
  • 3. Une dictature dans laquelle tous les droits sont violés et qui doit être éliminée pour implanter une démocratie dans le style de celle des Etats-Unis.

Dana la première étape, nous parlons du XIX° siècle pendant lequel non seulement les intérêts expansionnistes des Etats-Unis étaient justifiés par la Loi de Gravitation Politique, la Doctrine Monroe et la Destinée Manifeste mais aussi par leur intervention dans la Guerre Hispano-Cubano-Américaine qui a fait échoué l’indépendance de Cuba qui a cessé d’être une colonie pour devenir un protectorat états-unien. Cependant, ce n’est pas jusqu’à la fin du siècle que Cuba apparaît comme une information et un sujet d’intérêt pour le public états-unien. Avec l’aide des principaux journaux du pays dans un moment où se développe le sensationnalisme dans le journalisme dans le cadre de la rivalité entre Hearst et Pulitzer, une excellente campagne de propagande a été orchestrée qui, en substance, montrait Cuba comme une petite île des Caraïbes colonisée par une puissance européenne qui avait commis des atrocités et de laquelle elle ne pouvait pas se libérer à cause de sa faiblesse et même de son incapacité.

On a fait toute une histoire dans laquelle on mettait l’accent sur la nécessité que les Etats-Unis interviennent pour libérer et sauver les Cubains du joug espagnol. De cette façon s’est vendue l’image des Etats-uniens en tant que héros et des Cubains qui ne faisaient rien ou bien peu pour obtenir leur liberté. Ainsi, la Guerre Hispano-Cubano-Américaine est passée dans l’histoire états-unienne comme la Guerre Hispano-Américaine (Hispanic-American War) en oubliant la participation des Cubains au conflit et l’histoire de leurs luttes pour l’indépendance de la nation.

Si quelque chose illustre l’idée des Etats-Unis en tant que sauveurs et garants du fait que Cuba, enfin, atteigne la civilisation, ce fut la Proclamation du Général John Brook à la prise de possession du gouvernement de Cuba en janvier 1899 :

"Au Peuple de Cuba : Etant venu en tant que représentant du président pour poursuivre le but humanitaire pour lequel mon pays est intervenu pour mettre un terme à la condition déplorable de cette île (...) le gouvernement actuel se propose d’accorder sa protection au peuple pour qu’il revienne à ses occupations de paix, en stimulant la culture des champs abandonnés et le trafic commercial (...) Pour cela, on utilisera l’administration civile bien que ce soit sous un pouvoir militaire dans l’intérêt et pour le bien du peuple de Cuba et de tous ceux qui sur son sol ont des droits et des propriétés".

Une fois occupé le territoire cubain, le gouvernement des Etats-Unis a renforcé le contrôle de l’île avec l’imposition de l’Amendement Platt dans la Constitution de 1901, du Traité Permanent, du Traité de Réciprocité Commerciale et du Traité Naval. Pendant tout ce temps et jusqu’au triomphe de la Révolution en 1959, Cuba fut une véritable néo-colonie.

L’économie cubaine était aux mains des Etats-uniens et soit-disant, tout marchait bien.

La politique du Bon Voisin de Roosevelt était destinée à "aider Cuba et tous les Latino-américains" pendant qu’ils faisaient la sieste. De là à ce que cette seconde étape de représentation de Cuba dans les médias états-uniens serve à ce que les journalistes de la taille de Matthews qui ont couvert les actions du mouvement révolutionnaire cubain dans la Sierra Maestra ne comprennent pas l’essence de la Révolution Cubaine dans la cadre d’un processus historique qui non seulement était centré sur la lutte pour l’indépendance nationale mais qui avait un caractère anti-colonialiste et anti-impérialiste marqué.

C’est pourquoi quand triompha la Révolution et que le gouvernement cubain révolutionnaire commença à appliquer des mesures de caractère nationalistes qui ne correspondaient pas nécessairement à ce que les Etats-Unis attendaient d’une révolution tiers-mondiste (adoption des standards démocratiques états-uniens), cette même presse qui avait minimisé ou ignoré complètement la répression de Batista et qui avait prêté une étroite attention au contrôle exercé par la mafia sur les clubs et les hôtels de La Havane, devint un ardent défenseur de la "démocratie cubaine" et un critique de Fidel parce qu’il n’organisait pas des élections dans le style états-unien.

Ainsi se produisit la rupture totale des relations entre les 2 pays mais à l’opinion publique des Etats-Unie et aussi à celle du monde, on a dit que c’est le nouveau gouvernement de La Havane qui a mis un point final à presque 2 siècles de "bonnes relations" avec Washington.

Apparurent alors les 4 grands prétextes sur lesquels commença à se peaufiner la politique des Etats-Unis contre Cuba et qui, à leur tour, devinrent des macro-sujets sur lesquels s’est construite la "réalité" cubaine dans le pays du nord. Ce sont : l’expropriation des propriétés des compagnies états-uniennes, Cuba en tant que pays communiste, Cuba en tant que pays qui soutient le terrorisme international (de 1982 à 2015) et enfin, le violation des droits et la nécessité de ce qu’on appelle "transition vers la démocratie".

De là est venu le fait que pendant plus de 50 ans, les leaders révolutionnaires ont été diabolisés par les médias états-uniens et que l’image qui a été donnée des Cubains est celle d’un peuple qui a vécu sous la "répression" d’un "dictateur" qui ne respectait pas les moindres droits de l’homme, qui ne permettait pas d’élections libres et démocratiques et qui ne prétendait abandonner le pouvoir sous aucun prétexte. Les "exilés" à Miami sont les victimes qui ont réussi à échapper à la "tyrannie" et les contre-révolutionnaires qui vivent sur l’île sont les "dissidents" qui plaident pacifiquement pour une Cuba libre et démocratique.

C’est pourquoi les informations de type humain et les histoires de vie devaient ressortir pour qu’on voit qu’à Cuba, on n’avait pas seulement abandonné les riches mais aussi les gens du peuple qui s’opposaient aux mesures prises. L’invasion de Playa Girón devait être connue - et il en a été ainsi - comme un conflit entre Cubains sans que l’intervention des Etats-Unis se trouve au milieu. L’idée d’une Révolution qui a commencé par des "exécutions massives" de criminels de guerre après des procès sommaires et qui ensuite est devenue une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis (Crise d’Octobre) fut présente aussi bien dans le discours politique que dans le discours de l’information jusqu’à la fin de la Guerre Froide. La présence militaire de Cuba dans certains pays d’Afrique fut aussi très bien utilisée dans les plans de propagande qui ont commencé à montrer Cuba comme un "satellite" de l’URSS, sapant ainsi toute possibilité que le processus révolutionnaire soit vu comme une réussite mais le faisant voir comme un système parasitaire incapable de mettre en place des stratégies de développement politique, économique et social indépendantes de celles de l’ancienne Union Soviétique.

De là découla le fait que dans les années 80, on étudie comme faisant partie de la Guerre Froide la construction des images que donnèrent de Cuba le Christian Science Monitor, le Journal of Commerce, le Los Angeles Times, le Miami Herald, le New York Times, le San Francisco Chronicle Examiner, le Washington Post, le Wall Street Journal, ainsi que le Business Week, Forbes, Fortune, Harpers, Newsweek, la New York Review of Books, le Time et l’U.S. News and World Report.

Les principaux sujets publiés dans un échantillon de 396 articles sont : les droits de l’homme (19,4%), les Cubano-américains (11,6%), la politique extérieure de Cuba (11,1%), la politique des Etats-Unis envers Cuba (10,9%), Fidel Castro et le système du parti unique (9,6%) et l’économie cubaine (8,1%). Ils furent traités de façon sélective, généralement négative et occidentalisée. Les sujets couverts reflètent de façon typique les intérêts de la politique extérieure officielle des Etats-Unis en ignorant les intérêts de Cuba et négligent les sujets qui pourraient intéresser le public états-unien comme l’assistance médicale, la sécurité au travail, l’éducation et la qualité de vie.

De même, en analysant la façon dont ABC, CBS y NBC ont couvert Cuba entre 1988 et 1992, Soderlund et. all notent qu’à la fin de la Guerre Froide, les principaux sujets sur Cuba ont été : (1) le trafic de drogues et la relation de Castro avec Manuel Noriega du Panamá, (2) le retrait de Cuba d’Angola, (3) la visite de Michaël Gorbatchov à Cuba et les relations Cuba-URSS/Russie, (4) le procès et l’exécution du Général Arnaldo Ochoa, (5) les crises de l’économie cubaine, (6) les abus contre les droits de l’homme à Cuba, (7) les Jeux Panaméricians, (8) Fidel Castro en tant que gouvernant et en tant que personnalité et (9) de nouveaux éléments autour de la Crise des Missiles à partir d’une série de rencontres entre les participants cubains, soviétiques et états-uniens. De façon générale, ces auteurs concluent que Castro et les systèmes économiques et politiques cubains ont été présentés de manière très négative, encore comme dans le cadre de la Guerre Froide.

Avec ce qu’on appelle la fin de la Guerre Froide et avec la certitude que l’île ne constitue pas une menace pour les Etats-Unis, la "réalité" de Cuba commence à se profiler à partir de la dynamique intérieure de ce qui se passe dans le pays et on laisse de côté l’activisme international de Cuba. Ainsi naît ce que Prieto González a qualifié de triade marché-pluripartisme-élections libres. Le point de vue selon lequel l’économie cubaine était en crise fut l’un des plats de résistance dans l’ordre du jour. Essentiellement, on a mis l’accent sur les pauvres résultats atteints par l’industrie sucrière et sur la réduction des importations provenant, en grande majorité, des pays socialistes et de l’URSS. De cette façon, la dépendance de Cuba envers l’ancienne Union Soviétique se détachait et on démontrait l’incapacité du système économique cubain à satisfaire les nécessités de base de la population. Le sujet du blocus ne fut pas prioritaire et les réformes économiques adoptées par la direction du pays ne le furent pas non plus bien qu’elles aient été critiquées pour ne pas correspondre aux recettes néo-libérales dictées par le Fonds Monétaire International. D’un autre côté, on commença à couvrir sans lui donner beaucoup d’importance la relation entre Cuba et le Canada, en plus du tourisme.

Et à la fin des années 90 eut lieu l’affaire Elián González Brotóns et dans une étude sur la manière dont The Washington Post, The New York Times et The Wall Street Journal présentent cette affaire, on conclut que l’image donnée de Cuba a été négative même si les 2 premiers journaux ont eu une position beaucoup plus objective que le dernier.

En 2003, Soderlund a analysé la couverture que la télévision états-unienne a donnée à la visite de l’ex président Carter à Cuba et a conclu que, de façon générale, et contrairement aux résultats obtenus dans des études faites sur la couverture que The New York Times avait réalisée sur Cuba entre 1959 et 1996, les médias états-uniens avaient présenté Fidel Castro en des termes moins négatifs.

Pour sa part, dans une étude réalisée à Cuba sur la façon dont The New York Times a couvert le sujet de Cuba entre février et mars 2003, Garcés a démontré que les sources officielles constituaient 88,4% des 162 informations qui ont été examinées (133 informations et plus de 29 notes d’interprétation) alors que les sources alternatives, définies par l’auteur de l’étude comme organisations non gouvernementales et autres groupes membres de la société civile, étaient seulement de 11,6%.

Ces 10 dernières années, on a aussi fait des recherches autour de la couverture que la grande presse états-unienne a donnée à Cuba et on a obtenu les résultats suivants : aussi bien The Washington Post que The New York Times et The Wall Street Journal continuent à envisager la réalité cubaine à partir de ce qu’on appelle la triade marché-pluripartisme-élections libres où les "dissidents" sont "réprimés" car ils vivent sous la "répression absolue d’un tyran qui ne permet pas aux Cubains de parler librement et encore moins de penser" parce qu’ils sont toujours sous le point de vue en vigueur du "régime répressif". De même CNN, par exemple, a consacré 24 produits de communication au sujet de la mort du contre-révolutionnaire Orlando Zapata et 46,7% d’entre eux traitaient de la contre-révolution, 19,23% de la relation Cuba-Etats-Unis et 15,38% de la situation intérieure.

Quand se produisit la maladie du Commandant en juillet 2006 et jusqu’au moment où eut lieu l’élection au Conseil d’Etat en février 2008, The Washington Post - s’il maintint les sujets mentionnés antérieurement - a présenté des points de rupture avec les positions antérieures qui reflétaient le désaccord entre les élites du pouvoir, à partir de la maladie de Fidel Castro. La principale rupture identifiable fut celle qui a invoqué le pragmatisme pour demander un changement de tactique dans la politique qui produirait des résultats plus efficaces pour résoudre le problème cubain. L’allègement de la ligne dure mise en pratique non seulement par l’Administration de George W. Bush, passait pour lever les interdictions de voyager des Cubano-américains et, au-delà, des citoyens états-uniens. Une seconde idée impliquait la concession de plus grandes facilités dans le commerce bien que cela ne signifiait pas la levée absolu de l’embargo (blocus) mais au moins un pas vers une possible normalisation.

Cette rupture, cependant, correspond au débat entre les élites politiques autour de Cuba. D’un autre côté, aussi bien The New York Times que The Washington Post ont donné au thème du blocus ces 10 dernières années un profil si bas que malgré le cadrage défavorable qu’ils ont donné au blocus entre 2006 et 2010, ils ont manqué de l’ampleur et de la résonance nécessaires pour faire bouger l’opinion publique états-unienne en faveur d’une normalisation des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

On peut considérer que, de façon générale, la couverture négative autour de Cuba aux Etats-Unis a été marquée, entre autres éléments, comme nous le disions au début, par la propre culture politique états-unienne qui n’a pas permis à ses journalistes de comprendre le processus révolutionnaire dans toute son ampleur. On ne peut pas non plus oublier l’inaccessibilité de la majorité des leaders de Cuba et des fonctionnaires publics de l’île pour les médias états-uniens. Et cela est important parce qu’ici réside la nécessité de faire attention à la façon dont les médias expliquent au monde l’importance du 17 décembre 2014.

Jusqu’à présent, et de façon très préliminaire car le processus de rétablissement des relations diplomatiques annoncé par Obama et Raúl Castro en décembre 2014 est encore en cours et qu’une analyse plus précise de la couverture de la grande presse états-unienne et des médias en général à ce sujet demande plus de temps. Je dirais comme prémisse, peut-être que l’ordre du jour autour du processus de rétablissement des relations diplomatiques ainsi que celui autour du futur processus de normalisation des relations a continué à s’imposer aux Etats-Unis et par des sources états-uniennes bien que se détache le talent de Josefina Vidal, directrice générale du Ministère des Relations Extérieures pour les Etats-Unis dans les conférences de presse accordées aux médias après les rondes de négociations qui ont marqué les pas qui ont conduit au processus de rétablissement des relations diplomatiques.

Cependant, au-delà des figures Raúl Castro en tant que Président des Conseils d’Etat et des Ministres et de Josefina Vidal, la présence des fonctionnaires publics cubains expliquant au monde les implications qu’aura ce processus pour Cuba, ses ministères respectifs et son sytème social en général est presque nulle. Dans un échantillon de seulement 20 articles sélectionnés entre le 17 décembre 2014 et juin 2015, on constate que les sources prédominantes ont été les sources états-uniennes, essentiellement les suivantes : le président Obama, Roberta Jacobson, sous-secrétaire d’Etat et chef de la délégation états-unienne qui conduit les rondes de négociations avec Cuba, les sénateurs Marco Rubio, Robert Menéndez, Jeff Flake d’Arizona ainsi que les représentants Barbara Lee’s (D-Calif.), Mark Sanford (R-S.C.) ; Rep. Mario Díaz-Balart (R-Fla.), Nancy Pelosi, leader de la Minorité de la Chambre, Jeb Bush, ancien gouverneur de Floride et candidat à la présidence, Rick Scott, gouverneur de Floride, Sarah Stephens, directrice du Center for Democracy in the Americas ; Robert Muse, avocat états-unien spécialisé dans la législation états-unienne concernant Cuba, Michael Shifter de Diálogo Inter-Americano ; James Williams, directeur de Engage Cuba ; Rob Rowe, vice-président et conseiller associé de l’Asociación de Bankeros Estadounidenses (American Bankers Association), Josh Earnest, secrétaire de presse de la Maison Blanche, Ron Christaldi, président de la Grande Chambre de Commerce de Tampa (Greater Tampa Chamber of Commerce), entre autres.

Il y a eu une plus forte participation de l’académie cubaine dans les débats qu’auparavant. Se détachent Rafael Hernández de la Revue Temas ; Omar Everleny du Centre d’Etudes de l’Economie Cubaine de l’Université de La Habana ; Jesús Arboleya, du Centre de Recherches en Politique Internationale, en plus d’autres professeurs de l’Université de La Havane. Dans les articles étudiés on a aussi cité ceux qu’on appelle les dissidents Yoani Sánchez, Guillermo Fariñas, Berta Soler, etc. Cependant, aucune déclaration faite par un ministre, par un ministère ou par un parlementaire cubain n’apparaît. Rien. C’est comme s’ils n’avaient rien à dire concernant l’événement le plus important du conflit entre Cuba et les Etats-Unis après le triomphe de la Révolution pour le réduire seulement à son état bilatéral bien qu’il soit clair qu’il s’agit d’un conflit d’une dimension multilatérale importante.

De là découle que je plaide non seulement pour la nécessité de définir depuis les institutions cubaines la façon dont on va dialoguer avec les Etats-Unis, comment ils vont expliquer aussi bien à leur public intérieur qu’étranger la façon dont on aura des relations avec ce pays. Il est bien certain que la majeure partie des mesures annoncées par le Président Obama sont destinées à renforcer le secteur privé à Cuba, ce qui est sûr, c’est que cela devra se faire dans le cadre légal existant dans le pays. Par conséquent, les institutions cubaines auront à se mêler de ces processus.

Plus, on ne doit pas oublier la bonne volonté car on a démontré que le concept de "forteresse assiégée" prime encore. Pour cela, s’impose la nécessité d’une loi sur la communication à Cuba - pas seulement une loi sur les médias - qui régule l’exercice de la communication à tous les niveaux pour que le système de communication publique cubain puisse, entre autres choses, fonctionner comme il doit.

(Extrait de Pensar en Cuba)

Source en espagnol :

http://www.cubadebate.cu/?p=622541#.VeFwNng4YRE
28 août 2015