Cuba : L’hommage de Paris à Severiano de Heredia, maire noir de la capitale au XIX° siècle

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Par Philippe Triay

La maire de Paris Anne Hidalgo a baptisé ce lundi une rue du nom de Severiano de Heredia, dans le XVIIe arrondissement. Cet Afro-Cubain naturalisé français en 1870 fut maire de la capitale et ministre des Travaux publics

Notre association était présente à cet hommage hautement mérité.

Severiano de Heredia a été oublié parce que Noir !

Sous une pluie battante et devant une quarantaine de personnes, la rue Severiano de Heredia a été inaugurée ce lundi après-midi par la maire de Paris Anne Hidalgo, à l’angle de la rue de Saussure et du boulevard Pereire dans le XVIIe arrondissement. Egalement présents, entre autres personnalités, la ministre des Outre-mer George Pau-Langevin, l’ambassadeur de Cuba en France Héctor Igarza, et l’historien Paul Estrade, auteur d’une biographie de Severiano de Heredia.

Après avoir été président du Conseil municipal de Paris puis ministre, Severiano de Heredia, décédé en 1901 et enterré au cimetière des Batignolles, fut complètement ignoré de la République. « Severiano de Heredia a été oublié parce que Noir », a déclaré Paul Estrade. « Sa tombe refermée, l’ex-ministre est aussitôt mis sous le boisseau dans la patrie qu’il avait choisie et servie de façon admirable. Lui l’étranger né aux colonies, lui l’étranger descendant d’esclave. La subite dégradation de son image, puis sa disparition totale, ont été la conséquence inéluctable des méfaits du racisme et du colonialisme. La République a été son tremplin, le colonialisme son tombeau. La ville de Paris s’honore de se reconnaître en lui ».

"Renié et relégué parmi les oubliés de l’histoire"

« Le premier maire noir de Paris puis ministre de la République française a pourtant été renié et relégué pendant longtemps parmi les oubliés de l’histoire », a renchérit Anne Hidalgo. « Nous sommes là pour sortir de cet oubli coupable. »

La ministre des Outre-mer George Pau-Langevin a tenu quant à elle à souligner que « cette inauguration est particulièrement adaptée à un moment où notre débat public est occupé par des polémiques qui me semblent indignes de notre modèle de République, à un moment où certains continuent à utiliser le mot race comme une sorte de repoussoir ou comme une manière de trier les gens.

 » En 2011, George Pau-Langevin avait préfacé la biographie écrite par Paul Estrade « Severiano de Heredia. Ce mulâtre cubain que Paris fit maire, et la République, ministre » (éditions Les Indes savantes).

(...)

Severiano de Heredia est né en novembre 1836 à La Havane (Cuba) dans une famille de « mulâtres libres ». En 1845, il arrive à Paris en compagnie de sa mère adoptive, Madeleine Godefroy, épouse française de son « parrain » Ignacio Heredia y Campuzano, dont tout semble indiquer qu’il est en fait son père biologique. Le jeune Severiano termine brillamment ses études de rhétorique dans l’institution qui s’appelle alors le Collège Louis-le-Grand. Nous sommes en 1855.

L’homme est ambitieux

Rentier depuis le décès de son oncle en 1848, qui l’a laissé à l’abri du besoin, Severiano de Heredia entame une carrière de poète et de critique littéraire, avec un certain dilettantisme, et investit ses revenus dans l’immobilier. Il se marie en novembre 1868. Deux ans plus tard, il obtient la nationalité française. L’homme est ambitieux. Il se déclare républicain, partisan de « la décentralisation départementale et communale, de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et de l’instruction universelle. »

En avril 1873, il est élu au Conseil municipal de Paris pour le quartier des Ternes, dans le camp de la majorité républicaine radicale. C’est le seul « homme de couleur » au Conseil. En 1879, après six ans de mandat, c’est la consécration. Severiano de Heredia devient, à 42 ans, président du Conseil municipal de Paris. Soit l’équivalent du maire de Paris aujourd’hui. Il le demeurera pendant six mois, comme c’était l’usage à l’époque dans un système de rotation sophistiqué.

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