BUENA VISTA Rumba cubaine à la Casa Blanca

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Par François-Xavier Gomez — 15 octobre 2015
Un autre article à votre disposition : http://culturebox.francetvinfo.fr/sites/default/files/assets/images/2015/10/sipa_ap21807814_000043.jpg et quelques photographies ;

Et un article et une vidéo sur l’évènement : https://cyohueso.wordpress.com/2015/10/18/buenvista-social-club-y-el-concierto-del-unicornio-video/

Un commentaire : Ry Cooder sévèrement condamné par l’administration américaine, n’est hélas pas le seul... et cela continue actuellement ! Le blocus s’applique toujours avec autant de rigueur.

Un changement de perception de Cuba par l’opinion américaine ...

Omara Portuondo, 85 ans dans quelques jours, a assuré l’ambiance dans la salle Est de la maison Blanche, jeudi soir. © Jonathan Ernst / Reuters

En accueillant jeudi soir à Washington le Buena Vista Social Club, Barack Obama a reconnu le rôle joué par les vieux musiciens dans le changement de perception de Cuba par l’opinion américaine.

Quelqu’un a dû avoir un rictus amer jeudi soir en voyant le Buena Vista Social Club reçu par Barack Obama à la Maison Blanche. Le guitariste californien Ry Cooder, producteur et musicien, en 1996, du disque Buena Vista Social Club, a payé cher les ponts culturels qu’il a construits avec Cuba : en 2003, le département du Trésor américain lui a infligé une amende de 100 000 dollars pour avoir enfreint le « trading with the enemy act » (la « loi sur le commerce avec l’ennemi »), autrement dit l’embargo économique instauré en 1962 contre le régime castriste, et toujours en vigueur.

« C’est merveilleux de vous avoir ici » s’est exclamé Obama en accueillant Omara Portuondo, Eliades Ochoa et les autres musiciens survivants de l’aventure. Premiers Cubains de Cuba à se produire au siège de la présidence américaine, ils ont interprété quatre chansons, dont l’immortel Chan Chan de Compay Segundo.

Ces dernières années, les ont précédé à la Maison Blanche des membres de la communauté exilée : la défunte Celia Cruz, Gloria Estefan ou le trompettiste Arturo Sandoval. Dans ce cas-là, il s’agissait souvent de chercher à séduire les électeurs anticastristes de Floride. Le concert de jeudi s’inscrit dans la politique de détente lancée en décembre par Washington et La Havane. Mais c’est aussi une reconnaissance du rôle qu’a joué Buena Vista Social Club dans la perception de Cuba par l’opinion américaine. Et qui donne raison à Ry Cooder quand il lançait à ses compatriotes : « Regardez et écoutez Compay Segundo ou Ibrahim Ferrer : ce sont eux, nos ennemis ? »

Paquebot pour La Havane

Le cocktail musique cubaine et politique n’est pas une nouveauté. En 1979, le président Jimmy Carter avait autorisé un échange avec Cuba, ouvrant une brèche culturelle dans l’embargo. Des musiciens américains s’étaient rendus en paquebot à La Havane et avaient joué au théâtre Karl-Marx. La multinationale du disque CBS avait enregistré les concerts et publié deux albums intitulés Havana Jam, avec un casting relevé : la Fania All Stars, Weather Report, John McLaughlin, Kris Kristofferson, Stephen Stills, Jaco Pastorius, Billy Joel, Dexter Gordon, Stan Getz… Et la crème des musiciens de l’île. Mais mis à part cet épisode, la main tendue par Carter ne sera pas saisie par Fidel Castro, et l’élection de Ronald Reagan en 1980 balaiera tout espoir de détente.

L’administration américaine ne manquera de semer d’embûches le parcours de Buena Vista. Quand Ibrahim Ferrer est récompensé par un Grammy, en 2004, il n’est pas à Los Angeles pour recevoir son prix : le visa lui a été refusé. Les tournées de la formation (et d’autres musiciens cubains) se sont heurtées au même arbitraire : il est arrivé que le département d’Etat accorde des visas… une fois les dates des concerts passées.

La situation s’est apaisée depuis l’élection de Barack Obama, et le groupe s’est depuis rendu plusieurs fois aux Etats-Unis. Une vingtaine de dates sont programmées d’ici à avril dans le cadre de l’Adios Tour, leur tournée d’adieux. Qui est passée par l’Olympia à Paris au printemps, avant quelques apparitions dans les festivals d’été. A Arles notamment, pour un concert filmé par Arte et toujours visible sur le site de la chaîne. Adios, vraiment ? On se gardera de conclure que les hérauts de la musique cubaine traditionnelle ne viendront plus en France : en musique, comme en diplomatie, il ne faut jamais dire jamais.

Buena Vista Social Club paraîtra en format vinyle, pour la première fois en Europe, la semaine prochaine (double 33 tours, World Circuit).

François-Xavier Gomez