Un témoignage qui ne manque pas d’intérêt …

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Nous publions ci-après le témoignage d’un ancien technicien de l’usine Berliet implantée à Cuba dans les années 60, usine qui a du mettre la clé sous la porte à cause du blocus américain.

Merci à cet ami de Cuba qui a souhaité garder l’anonymat et qui apporte une nouvelle preuve, même si elle est ancienne, de la nocivité de ce blocus, dont l’opinion mondiale, quasi unanime exige la fin.

En logo/photo L’usine d’autobus sur le site de Mariel -Cuba-, plaquette de présentation des activités Berliet à Cuba, 1970

L’aventure de l’usine Berliet à Cuba

Né en 1950, j’ai participé en 1970 et 71 à la construction de l’usine et a l’assemblage des premiers autobus Berliet. C’était dans le cadre du service militaire effectué en coopération technique.

Je lis la presse et suis conscient des réelles difficultés des cubains à se déplacer. Voici la vidéo que j’ai repérée en ligne : http://www.cubatv.cu/video/cc93fcec22fd11e48f0d005056bc6fa4/las-dianas-llegaron-para-quedarse-en-artemisa/

Ma modeste expérience de coopération se situe lors du projet de l’entreprise lyonnaise Berliet de construction d’une usine d’assemblage d’autobus.

En 1969 environ 2500 camions Berliet roulaient à Cuba et déjà certains étaient transformés en transport de personnes qui se tenaient debout dans la benne, l’accès étant favorisé par une échelle construite en fer à béton.

La majorité des camions étaient des GLM 6X4 benne et plateaux et aussi des Dumpers enrochement utilisés dans les mines de Moa, ces véhicules étaient assemblés à l’usine de Bourg En Bresse.

Le site de Guanajay appelé Combinado de Mariel était destiné à la construction d’autobus type PH 100 avec une capacité de 5 véhicules jours. Sur cette base très fiable répandue en France, le cahier des charges prévoyait un aménagement intérieur très sobre et pour l’anecdote un blocage des freins lorsque les portes sont ouvertes pour éviter les grappes humaines que l’on voyait sur les bus Leyland.

Dans un premier temps les chassis arrivaient équipés de leur chaine cinématique complète(moteur, boite de vitesses, pont, essieux, roues) depuis la France et remorqués du port de la Havane.

Les 50 premiers bus ont été carrossés et peints à Guanajay. Le projet prévoyait une seconde étape avec la fabrication des chassis treillis tubulaires soudés et l’assemblage des organes mécaniques produits en France. La production était destinée au transport insulaire et également au marché de l’Amérique Latine.

Berliet ayant un accord de coopération avec Citroen sur des camions de petit tonnage, un second volet portait également sur l’assemblage de véhicules utilitaire de conception Citroen.

Hélas en 1971 les commandes ont stoppé net pour une raison politique. Les aciéristes français achetaient du nickel cubain des mines de Moa et vendaient leurs aciers spéciaux en Amérique du Nord. Les USA ont refusé les aciers français pour cause de présence de nickel cubain, les aciéristes se sont approvisionné en nickel en Afrique pour conserver le marché. La balance commerciale France/Cuba se trouvant déséquilibrée, Cuba a mis fin à ce projet d’envergure.

Ces investissement ont été une pure perte, seuls les bâtiments et machines standard toujours en place sont utilisés, quand aux outillages spécifiques très volumineux , connaissant le sens pratique des cubains, j’imagine qu’ils ont du connaitre de multiples usages...

Quelques photos sont accessibles sur Google image (Fidel au volant d’un bus, d’une Méhari Citroën, vues de l’usine en construction, mannequin de carrosserie, etc ...) Une vidéo de 1969 réalisée à Holguín est disponible dans les archives de l’INA . L’usine est visible sur Google Maps.

Depuis cette époque l’histoire des transports collectifs parait complexe et Cuba s’est tourné vers de multiples constructeurs, il semble que la Chine emporte actuellement le marché, surtout celui des autocars de tourisme.

Ceci est ma vision à travers le prisme de mes vingt ans, pour obtenir des informations plus fiables et plus précises vous pouvez je pense vous adresser à la Fondation Berliet qui regroupe le fond d’archives de la société. Si toutefois comme vous l’envisagez, vous publiez ce témoignage sur votre site, je tiens à rester anonyme. Nous étions en pleine période de la guère froide, Cuba était tourné vers l’Est, les Américains les méchants, les européens très peu nombreux et les touristes quasiment absents.

Ce décalage nous rapprochait du peuple très curieux de l’occident, les situations étonnantes ne manquent pas.

Je conserve le souvenir d’une aventure industrielle de pionnier et surtout humaine très enrichissante. Je suis bien entendu à votre disposition pour toute question. Très cordialement