Un hymne afro-jazz entre les États-Unis et Cuba

un article de FARA C. Vendredi, 8 Janvier, 2016 dans L’Humanité

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« Le Buena Vista Social Club a joué un rôle important en familiarisant les oreilles, partout sur la planète, à la magnifique tradition de notre île », confie Arturo O’Farrill junior.

Photo : Laura-Marie Dilibert

En disque et en concert, l’Afro Latin Jazz Orchestra, sous la direction du pianiste Arturo O’Farrill, 
appelle à la danse et à la conscience. Pour que cesse l’embargo et que gagne la paix.
Attendu pour un concert exceptionnel en France, l’Afro Latin Jazz Orchestra (ou ALJO), étourdissante locomotive de groove placée sous la direction de son pianiste et chef Arturo O’Farrill, fêtera bientôt au Petit Journal Montparnasse la sortie de l’incandescent double CD Cuba : the Conversation Continues.

En 2003, lors du festival Jazz in Marciac, l’Aljo, encore baptisé du nom de son fondateur (Chico O’Farrill, père d’Arturo), donna un concert mémorable sous le chapiteau archicomble. Lui succéda, sur scène, le Buena Vista Social Club, avec Ibrahim Ferrer sous les feux de la rampe. L’illustre collectif cubain nous gratifie, lui aussi, d’un splendide album. Il s’agit de la réédition en vinyle, disponible pour la première fois en Europe, du disque originel Buena Vista Social Club, sorti en 1996. «  Le Buena Vista Social Club a joué un rôle important en familiarisant les oreilles, partout sur la planète, à la magnifique tradition de notre île  », nous confie O’Farrill Junior.

Le livret de seize pages commence par une citation de Victor Hugo

Ces opus de l’Afro Latin Jazz Orchestra et du Buena Vista Social Club nous permettent d’arpenter deux versants différents, tout aussi essentiels, de la musique cubaine. L’Afro Latin Jazz Orchestra s’inscrit dans le sillon de la féconde hybridation entre jazz et héritage afro-cubain qu’initièrent dès la décennie 1940 le trompettiste américain Dizzy Gillespie (1917-1993), instigateur capital de la révolution be-bop, et le percussionniste havanais Chano Pozo (1915-1948). La composition Manteca (1947), coécrite par Dizzy et Chano, témoigne de ce métissage dont la modernité n’a pas pris une ride. Signalons que Chico O’Farrill composa pour le disque simplement intitulé Afro de Dizzy Gillespie. Il apporta sa pierre à l’édifice de ce que Dizzy et Chano avaient baptisé cu-bop, par contraction des termes cubain et be-bop.

«  Dizzy et Chano ont tôt compris la profonde connexion reliant le jazz avec les musiques d’Afrique et d’Amérique latine, de Cuba en particulier, souligne Arturo O’Farrill. De plus, tous deux nourrissaient des rêves d’égalité et de paix. Nous avons ainsi intitulé notre double album en référence à la conversation entamée par Dizzy et Chano entre les États-Unis et Cuba. Nous voulons dire au monde combien nous souhaitons que ce dialogue continue.  »
Le texte du livret de seize pages commence par une citation de Victor Hugo, «  Rien n’est plus puissant qu’une idée dont le temps est venu.  » Arturo O’Farrill nous explique : «  À travers notre disque, nous voulons aussi exprimer notre conviction que la musique doit véhiculer une dimension sociale et apporter sa contribution au changement. Le président Obama a rouvert les portes du dialogue entre les deux pays. J’espère que l’horrible embargo imposé par les autorités américaines depuis 1962 cessera au plus vite.  »

Quarante musiciens 
et chanteurs portent haut et fort le message

Dans Cuba : the Conversation Continues, une joyeuse légion de quarante musiciens et chanteurs porte haut et fort le message. Les compositions, à l’instar des arrangements, déploient un subtil équilibre entre l’enracinement dans les traditions – jazz et cubaines – et une inventivité brûlante. Dans le disque 1, la somptueuse Afro Latin Jazz Suite, en quatre mouvements, semble faire écho à l’Afro Cuban Jazz Suite que composa O’Farrill Senior dans les années 1950. Quant au disque 2, il démarre avec une expérimentation ingénieuse sur les scratches du fameux DJ Logic, né en 1972 dans le Bronx. Il faut saluer l’excellent label indépendant Motema Music, lancé en 2003 par la musicienne Jana Herze, pour son soutien à un projet aussi ambitieux. Et se précipiter à l’unique concert que le big band donnera dans l’Hexagone. Les aficionados de jazz créatif, de rythmes tropicaux et de descarga se laisseront emporter par l’appel à la transe, en même temps qu’ils célébreront le dialogue et la paix.

Arturo O’Farrill & Afro Latin Jazz Orchestra, 
le 14 janvier au Petit Journal Montparnasse (Paris), petitjournalmontparnasse.com. 
Double CD Cuba : the Conversation 
Continues (Membran/Motema Music), 
www.arturoofarrill.com.

Le Buena Vista Social Club en vinyle. Vingt ans après l’enregistrement 
de Buena Vista Social Club, on accède 
à une réédition en vinyle disponible pour la première fois en Europe. Le disque originel avait dépassé huit millions d’exemplaires. L’admirable double 33 tours est accompagné d’un très beau livret de vingt pages, comprenant toutes les informations sur l’enregistrement, les paroles (espagnol-anglais), des commentaires et de mirifiques photos. Quel bonheur de réentendre les voix d’antan de Compay Segundo, Ibrahim Ferrer, Omara Portuondo et leurs complices.
Double 33 tours, Buena Vista Social Club (World Circuit).