A Cuba, le pape et le chef de l’Eglise russe feront « l’histoire »

Partager cet article facebook linkedin email

L’annonce de la rencontre a surpris. Le choix du lieu – un trivial aéroport – intrigue. Malgré plusieurs tentatives, ses deux prédécesseurs – Jean Paul II et Benoît XVI – avaient échoué à convaincre Moscou. Le pape François, lui, a bel et bien rendez-vous, vendredi 12 février à l’aéroport de La Havane, avec le patriarche orthodoxe russe, Kirill. Brève, à peine deux heures, la rencontre n’en est pas moins historique.

Un article publié par le quotidien LIBERATION
Montage photo réalisé avec le partiarche orthodoxe russe Kirill (d) et le pape François.

Une rencontre qualifiée d’historique !

« C’est un événement immense du point de vue des relations entre les confessions chrétiennes et du point de vue politique, estime le théologien orthodoxe Jean-François Colosimo. C’est le dernier reliquat du communisme qui tombe. » Il scelle, de fait, les retrouvailles entre l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe russe qui, avec 150 millions de fidèles, est la plus puissante au sein de cette branche du christianisme. Le Vatican a rappelé que ce sera « la première rencontre dans l’histoire » entre dirigeants des chrétiens d’Orient et d’Occident, séparés depuis le schisme de 1054.

Ce rendez-vous ne tombe pas du ciel. « ll est en préparation depuis pratiquement l’élection du pape François », précise une source proche du dossier à Rome. Si le pape et le patriarche étaient d’accord depuis plusieurs mois sur le principe, il restait à trouver une date et un lieu. Finalement, c’est le président cubain, Raul Castro, qui a joué les bons offices. Le leader communiste entretient de bonnes relations à la fois avec le Vatican (qui a joué un rôle clé dans le rapprochement entre Cuba et les Etats-Unis) et avec Moscou. Il a donc opportunément invité le patriarche orthodoxe à se rendre dans l’île au moment même où le pape François venait, lui, au Mexique. Le chef de l’Eglise catholique fera donc un petit crochet par La Havane. « Une rencontre en Europe occidentale n’était pas envisageable », explique un spécialiste. Pour l’ultraconservateur patriarcat de Moscou, c’est le lieu de la dépravation des mœurs.

Dossier épineux de l’Ukraine

Ce sommet entre orthodoxes et catholiques n’avait pas pu se faire sous Jean Paul II. Deux obstacles majeurs s’étaient dressés contre la forte volonté du pape polonais. Après la chute du mur de Berlin, le patriarcat de Moscou dénonçait la reprise, selon lui, du prosélytisme des autres églises chrétiennes (protestantes et catholique) sur ses terres. L’autre dossier très épineux concernait l’Ukraine, un pays stratégique pour l’orthodoxie russe qui y compte beaucoup de fidèles. Le pays abrite aussi une importante communauté de catholiques uniates (fidèles à Rome mais de liturgie orthodoxe). Aux yeux du patriarcat de Moscou, ils ont toujours été considérés comme une sorte de cinquième colonne du Vatican.

Mëme si la situation ukrainienne demeure confuse, ces différends ont aujourd’hui moins d’acuité. Un lobby pro-Moscou est très actif au Vatican. L’orthodoxie russe, très réactionnaire sur les questions de moeurs, séduit la frange la plus conservatrice du catholicisme. Il y a aussi des urgences politiques. Au terme de leur rencontre, le pape et le patriarche signeront une déclaration commune, notamment pour la défense des chrétiens d’Orient. L’une des préoccupations majeures du pape François.

Bernadette Sauvaget