De la révolution à la conciliation, Cuba confirme sa mue diplomatique

Partager cet article facebook linkedin email

Longtemps mis au ban des Nations, Cuba s’impose aujourd’hui comme un acteur international de premier plan, parvenant successivement à renouer avec son voisin américain, à œuvrer au dialogue colombien et à abriter un rapprochement historique entre les principales Eglises chrétiennes.

Photo du logo fournie par l’Osservatore Romano (service de presse du Vatican), le 13 février 2016, montrant le pape François (D) serrer la main du président cubain Raul Castro à La Havane, le 12 février 2016

Le Pape François : "Si cela continue de la sorte, Cuba sera la capitale de l’unité"

Longtemps mis au ban des Nations, Cuba s’impose aujourd’hui comme un acteur international de premier plan, parvenant successivement à renouer avec son voisin américain, à œuvrer au dialogue colombien et à abriter un rapprochement historique entre les principales Eglises chrétiennes.

Pour les experts, ce changement de donne a tout à voir avec les antécédents de l’île, marquée par une volonté d’exporter la révolution castriste et de nouer des amitiés avec des pays ou organisations honnis par l’Occident.

"D’un Etat isolé dans l’hémisphère occidental (Amériques, ndlr) et déterminé à révolutionner l’équilibre international, Cuba a fini par bénéficier de l’image d’un pays en transformation qui entretient une relation de coopération et de dialogue avec" certains acteurs, note Arturo Lopez-Levy, politologue de l’Université de Texas Rio Grande Valley, aux Etats-Unis.

"Le gouvernement colombien et le Vatican veulent profiter des entrées dont Cuba bénéficie auprès de ses adversaires comme (la rébellion marxiste des) Farc ou le Kremlin", ajoute l’expert cubain.

Inspirateur et allié des mouvements rebelles de gauche dans les années 1970, le régime castriste est l’hôte depuis trois ans des pourparlers de paix entre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) et le gouvernement conservateur.

Ce processus pourrait aboutir dans les prochaines semaines, érigeant le gouvernement de Raul Castro en garant efficace aux côtés de la Norvège, pays reconnu pour la qualité de sa diplomatie.

Et ce vendredi, La Havane est parvenue à réussir un nouveau coup de maître en offrant un terrain neutre aux chefs de l’Eglise catholique et de la plus importante des Eglises orthodoxes, pour la première fois depuis le schisme entre chrétiens d’Orient et d’Occident de 1054.

Ouvertement athée, Raul Castro s’est ainsi encore retrouvé au centre de l’actualité internationale en intercédant entre le pape François et le patriarche orthodoxe russe Kirill, proche de Moscou.

"Cuba est le théâtre de deux événements d’une énorme importance (...) Cela légitimera probablement encore davantage le rôle de Raul Castro comme intermédiaire sur les questions internationales", affirme Brian Fonseca, analyste et directeur de l’Institut Jack Gordon, basé en Floride.

- La ’capitale de l’unité’ ? -

Après avoir mis son pays sur la voie de la réforme économique, Raul Castro a été l’artisan avec Barack Obama du spectaculaire rapprochement avec les Etats-Unis, vieil ennemi honni de la guerre froide.

Mais un des changements les plus notables a été le dialogue renoué entre le régime communiste et l’Eglise, après des années de conflit ouvert et un athéisme inscrit dans la constitution de 1976 à 1992.

C’est "un des secrets les mieux gardés sur les changements à Cuba. Ce pays n’est plus le même, non seulement économiquement, mais aussi politiquement (vis-à-vis de l’Eglise, ndlr). Cette ouverture a permis au pays de recevoir trois papes, le patriarche orthodoxe russe, des chefs protestants et musulmans de premier plan et même le grand rabbin d’Israël", relève M. Lopez-Levy.

"Si cela continue de la sorte, Cuba sera la capitale de l’unité", s’est même exclamé le souverain pontife lors de son escale de vendredi à la Havane.

Avec ses réformes, Raul Castro a suscité plus d’enthousiasme à l’étranger que sur l’île, où l’ouverture politique se fait attendre alors que le niveau de vie de la majorité stagne, sous le poids de l’embargo maintenu depuis 1962 par les Etats-Unis.

Et si les réussites diplomatiques redorent l’image du pays, elles pourraient avoir un effet indésirable pour ceux qui aspirent au changement à l’intérieur, anticipe Sebastian Arcos, de l’Institut de recherche international sur Cuba, situé en Floride.

Car "ce que nous avons vu l’année passée, c’est qu’à mesure que La Havane obtient des succès diplomatiques, les réformes internes sont suspendues", souligne l’expert.