La clé contre le blocus des États-Unis imposé à Cuba

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Le président des États-Unis peut user de ses pouvoirs discrétionnaires pour vider le blocus de son contenu.

Il y a 54 ans, le 3 février 1962, la signature du président John F. Kennedy, dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, suffit à décréter un blocus total contre Cuba, entré en vigueur quatre jours plus tard.

Aujourd’hui, le président des États-Unis dispose de larges facultés exécutives pour limiter son application pratique,

L’Ordre exécutif présidentiel 3 447 se basait sur la Loi sur le Commerce avec l’ennemi, de 1917, et avait pour but de couper tous les liens avec Cuba, pays plongé dans un processus révolutionnaire qui venait de vaincre les troupes mercenaires dépêchées par Washington sur les sables de la Baie des Cochon, à Playa Giron.

Kennedy autorisa le Secrétaire au Trésor à adopter toutes les mesures et dispositions nécessaires pour rendre efficace l’interdiction d’importer aux États-Unis tout produit d’origine cubaine, et ordonna au Secrétaire au Commerce de continuer d’appliquer et d’élargir les mesures pour restreindre toutes les exportations des États-Unis vers Cuba, y compris les aliments et les médicaments.

Les agressions de Washington contre la Révolution avaient commencé bien avant, pratiquement au lendemain du 1er janvier 1959. Depuis la suppression du quota sucrier cubain jusqu’à la rupture des relations diplomatiques en janvier 1961, les manœuvres juridiques cédèrent le pas à des opérations militaires directes comme l’invasion de Playa Giron et de nombreuses actions secrètes menées dans le cadre de la dénommée Opération Mangouste.

La signature de l’Ordre exécutif fut précédée de la 8e Réunion de consultation des ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’OEA (Organisation des États américains), dans la station balnéaire de Punta del Este, en Uruguay, où les pressions exercées par Washington firent passer une résolution écartant Cuba du système interaméricain.

Cette réunion confirma les intentions bien arrêtées des États-Unis d’isoler Cuba dans l’arène internationale d’un côté, et de l’autre, que la population de l’Île se rende par la faim et le désespoir.

Un demi-siècle plus tard, le président de ce même pays reconnaissait l’échec de la politique étasunienne de blocus contre l’Île caraïbe.

Cependant, le contexte sous-régional a beaucoup changé depuis. Aujourd’hui, la levée du blocus est une revendication de la région, ratifiée au dernier Sommet des États d’Amérique latine et de la Caraïbe qui s’est tenu à Quito, la capitale de l’Équateur.

Le monde entier, et en particulier les peuples et les gouvernements latino-américains et caribéens, ont ressenti comme leur propre victoire les annonces du 17 décembre 2014, lorsque les présidents Barack Obama et Raul Castro ont exprimé leur volonté de rétablir les relations diplomatiques et d’avancer vers une normalisation des liens.

Après la réouverture des ambassades à La Havane et Washington, les projecteurs de l’actualités sont braqués sur la levée du blocus économique, financier et commercial qui, l’année dernière a été condamné par 190 pays, avec deux votes contre : les États-Unis et Israël.

Même si l’enchevêtrement juridique et pseudo-juridique du blocus est devenu de plus en plus complexe au cours des dernières décennies, notamment à la suite de l’entrée en vigueur de la Loi Helms-Burton, le président des États-Unis dispose de larges facultés exécutives pour limiter son application pratique, même si le dernier mot revient au Congrès.

Rappelons que le président républicain George W. Bush avait usé de ses prérogatives pour intensifier les agressions économiques contre Cuba durant son mandat, et Barack Obama a agi dans le sens contraire depuis le 17 décembre.

Après les trains de mesures annoncés en janvier et en septembre de l’année dernière, les autorités nord-américaines ont annoncé une nouvelle série de mesures censées modifier certains aspects de l’application du blocus, notamment en ce qui concerne l’octroi de crédits pour les achats de certains produis et préalablement autorisés qui ne soient pas agricoles (ils sont expressément interdits par une Loi datant de l’an 2000), ainsi que la possibilité d’établir des relations commerciales déterminées avec des entreprises d’État cubaines.

Les dernières annonces des Département du Trésor et du Commerce, qui font partie de la branche exécutive, témoignent des vastes prérogatives dont dispose le président pour aller encore plus loin et démanteler le blocus.

Cependant, certaines dispositions sont restées intactes, comme les dispositions empêchant Cuba d’effectuer des transactions internationales en dollars et les entreprises d’État cubaines d’exporter vers les États-Unis, ainsi que les investissements nord-américains dans des secteurs autres que les télécommunications, entre beaucoup d’autres aspects qui forment le noyau dur du blocus et sont maintenus dans leur pleine vigueur.

Les seules limites aux attributions du président prévues par la loi ont trait à quatre points très spécifiques : interdiction des voyages touristiques, interdiction aux filiales étasuniennes basées dans des pays tiers de faire du commerce de biens avec Cuba ; d’effectuer des transactions avec des propriétés nord-américaines nationalisées, et obligation de payer en liquide et à l’avance les produits agricoles que Cuba achète aux États-Unis.

Au-delà de ces aspects, le président Obama jouit d’une pleine liberté d’action.

Si Kennedy usa en 1962 de ses pouvoirs discrétionnaires pour fermer une porte qui allait le rester pendant plus d’un demi-siècle, l’actuel président peut user de ces mêmes prérogatives, surtout en une année d’élections, pour qu’il soit pratiquement impossible de revenir en arrière, et renforcer ainsi un nouveau chapitre des relations avec Cuba, qui sera considéré comme l’héritage de son administration.