Que pensent les cubains de la visite de Barack OBAMA

Le billet de Michel Humbert

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Après la visite historique de Barack OBAMA à Cuba, les 21 et 22 mars derniers, il est intéressant de regarder l’écho de la venue du président des Etats-Unis sur la grande île, et l’appréciation qu’en ont les cubains.

Le billet de Michel Humbert

Après la visite historique de Barack OBAMA à Cuba, les 21 et 22 mars derniers, il est intéressant de regarder l’écho de la venue du président des Etats-Unis sur la grande île, et l’appréciation qu’en ont les cubains.

Bien sûr, les cubains saluent largement et avec satisfaction cette visite officielle de Barack OBAMA dans leur pays.
Et ils l’ont accueilli avec leur sens de l’hospitalité habituel, de respect aussi pour le courage qu’il a manifesté en rompant ainsi avec un des aspects les plus spectaculaires de la politique des Etats-Unis, ne pas se rendre dans ce pays voisin pour rencontrer et dialoguer avec leurs élus et la population.

Une victoire pour les cubains

Ils apprécient que, grâce à leur résistance depuis plus de 50 ans, le Président des Etats-Unis marque par ce voyage une nouvelle étape des relations entre Cuba et leur puissant voisin.

Ils considèrent généralement que c’est une victoire pour eux.

C’est une victoire, car sans rien céder aux volontés des différents gouvernements des Etats-Unis de mettre fin aux choix politiques issus de la révolution cubaine, ils peuvent donc recevoir, avec tous les égards du à son rang, le Président du pays qui n’a eu de cesse de les agresser pour les faire plier.

Il faut bien mesurer cet aspect, important pour les cubains, d’avoir le sentiment que ce n’est pas eux qui ont changé mais bien les Etats-Unis qui ont modifié leur relation avec Cuba.
Et ils sont légitimement fiers de cette victoire acquise grâce à la force de leur résistance.

Mais, les cubains ne sont pas ignorants du contexte, des évolutions géopolitiques.
Ils savent que Cuba s’est trouvé de moins en mois isolée sur le plan international, et que c’est justement les Etats-Unis qui se sont retrouvé isolés dans leur politique agressive vis à vis de Cuba.

Et cette évolution, annoncée par la reprise des relations diplomatiques le 17 décembre 2014, ne modifie pas fondamentalement l’orientation des Etats-Unis d’influer sur des changements politiques dans leur pays.

Et par d’autres moyens, l’isolement et le blocus impitoyable ayant échoué sur ce point.
Donc, si l’on peut dire, les cubains restent sur leur garde, pour ne pas se faire voler ce qu’ils ont acquis et défendus si durement, et notamment leur indépendance.
Les cubains ont aussi apprécié positivement le charisme, la sympathie naturelle, les qualités relationnelles, de ce Président, Barack OBAMA, venu avec son épouse et ses deux filles, en famille donc, pour leur rendre visite.

OBAMA se prononce contre le blocus

Ils ont bien sûr, entendu Barack OBAMA, qui, depuis le territoire cubain, a affirmé que le blocus imposé par son pays n’avait plus lieu d’être et que les Etats-Unis devaient y mettre fin.
Déclaration importante pour les cubains.
Mais s’ils en mesurent la volonté clairement affichée, là aussi, ils attendent que réellement cette volonté se concrétise par l’abolition des lois qui imposent ce blocus.
Ce qui n’est pas encore le cas, et ils peuvent même reprocher à Barack OBAMA de ne pas agir et de ne pas prendre un certain nombre de dispositions, dont il a le pouvoir, pour vider le blocus des effets contraignants qui bloquent encore aujourd’hui les échanges entre les deux pays.
Sur ce point donc les cubains attendent que les bonnes paroles de Barack OBAMA se traduisent concrètement pour eux par la fin du blocus.

Les discours et les oublis d’OBAMA
Les cubains ont aussi écouté les différents discours prononcés par Barack OBAMA.

La télévision cubaine les a retransmis, et la presse cubaine en a publié l’intégralité.
A noter d’ailleurs que ce niveau d’information de la population, tranche avec souvent ce que l’on nous raconte sur Cuba. Il semble donc que, à Cuba, on fasse confiance à la population, pour qu’elle puisse juger par elle-même…

Dans le Grand Théâtre Alicia ALONZO plus d’un millier de personnes issues de la plus vaste représentation de la société cubaine actuelle ont écouté attentivement chacune des paroles du discours du président OBAMA.
Ce 22 mars le président Barack Obama a invité les Cubains à « oublier le passé » et à « regarder vers l’avenir »
« Nous avons écouté le discours avec le plus grand respect, mais je dois souligner que nous ne partageons pas certains aspects. Nous ne pouvons pas oublier l’Histoire, nos morts, les répercussions du blocus durant tant d’années », a déclaré au journal Granma Ernesto Freyre Casañas, représentant de la Centrale des travailleurs de Cuba.

« J’aurais aimé entendre un peu plus d’excuses pour l’intervention, les agressions, les attaques contre la souveraineté de Cuba et contre le peuple durant les années 60 », a affirmé quant à lui Peter Kornbluh, coauteur du livre La diplomatie secrète contre Cuba. « Mais, politiquement il est difficile pour un président de demander pardon ».

« Le discours est plein d’espoirs et de bonnes intentions, mais je pense qu’il ne correspond pas à la réalité historique des relations entre Cuba et les États-Unis », estime Jesus Arboleya, spécialiste des relations entre les deux pays.

Ainsi donc les cubains jugent que si OBAMA déclare de bonnes intentions, il veut oublier un peu vite le passé, et surtout, les cubains regrettent qu’il ne se soit pas excusé pour ce que son pays, avec un blocus impitoyable, a fait subir à Cuba et à son peuple.

L’avenir de Cuba est entre les mains du peuple cubain !

C’est ce qu’a déclaré Barack OBAMA, avant de s’exprimer au futur sur une réalité que beaucoup apprécie au présent.
Ainsi le Président des Etats-Unis a souligné plusieurs éléments positifs de la réalité cubaine, mais sans les reconnaitre comme le fruit de la révolution…
Et les cubains précisent que si actuellement il y a des transformations en cours à Cuba, celles-ci n’ont pas pour but de « copier un modèle économique quelconque »

Pour le journal Granma, Peter Kornbluh résume la voie à suivre après cette visite :
« Les États-Unis doivent traiter Cuba avec respect, en tant que pays indépendant et souverain. On ne peut pas décider de l’avenir ou des actions d’un gouvernement ou d’un peuple. »