Cuba et les États-Unis fixent un agenda pour les prochains mois

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Nous nous permettons de revenir sur cette très importante réunion, sur les questions qu’elle a traitées, sur les avancées mais aussi sur les difficultés qui subsistent. Compte rendu de la conférence de presse de Josefina Vidal, directrice générale chargée des États-Unis au ministère des Relations extérieures)

La troisième réunion de la Commission bilatérale entre Cuba et les États-Unis, qui s’est tenue le lundi 16 mai à La Havane, s’est fixée un agenda de travail ambitieux pour les mois à venir dans le cadre du processus engagé vers la normalisation des relations, selon des sources du ministère des Relations extérieures.

LA levée du blocus est une priorité, « car il porte préjudice à tous les Cubains et à leurs relations avec des pays tiers, y compris les États-Unis ».

Josefina Vidal, directrice générale chargée des États-Unis au ministère des Relations extérieures, et plus haute représentante cubaine au sein de cette Commission, a déclaré en conférence de presse que les deux parties se sont donné pour objectif de conclure de nouveaux accords de coopération.

Depuis le 17 décembre 2014, La Havane et Washington ont signé neuf protocoles d’accord sur diverses questions, telles que les vols directs, le courrier postal, la protection des aires marines et le rétablissement des relations diplomatiques.

Josefina Vidal a déclaré que parmi les sujets sur lesquels nous pourrions aboutir à un accord figurent la coopération dans les secteurs de la santé, l’agriculture, la météorologie, la sismologie et les aires terrestres protégées, avec un élargissement de l’accord sur la protection des aires marines signé auparavant.

Elle a précisé qu’il existe des perspectives d’accord concernant la réponse conjointe en cas de pollution par hydrocarbures dans le golfe du Mexique et le détroit de la Floride, ainsi que sur la lutte contre le trafic de drogue. « Nous discutons d’une large gamme de sujets qui devraient aboutir à des nouveaux accords », a-t-elle dit.

La Commission a également discuté de prochaines visites de haut niveau dans des domaines d’intérêt commun, comme l’agriculture et la santé.

Par ailleurs, des possibilités se sont ouvertes pour de nouveaux échanges techniques sur des thèmes comme l’environnement, l’hydrographie, ainsi que sur d’autres questions importantes entre les deux pays, comme le trafic de drogues, la traite des personnes et les infractions en matière d’immigration.

Un autre objectif que nous nous sommes fixé, a-t-elle ajouté, c’est d’entamer des discussions sur la propriété intellectuelle, y compris la propriété industrielle. « Cela concerne un secteur qui revêt un grand intérêt, tel que peut l’être la protection des marques et des brevets », a-t-elle indiqué.

« Je dois vous dire que les objectifs que nous nous sommes fixés pour les trois prochains mois, ainsi que l’agenda, sont assez ambitieux quant à de nouvelles actions, accords, visites et de nouveaux dialogues. Cela prendra du temps, mais l’essentiel, c’est d’avoir commencé », a précisé Josefina Vidal.

La Commission bilatérale a démarré ses travaux au mois d’août de l’année dernière afin d’assurer le suivi des questions concernant la normalisation des relations entre les deux pays et d’élaborer des plans à court et moyen termes.

« Nous estimons que c’est un mécanisme utile qui a été créé sur décision mutuelle des deux parties. C’est la première fois que Cuba et les États-Unis décident de se doter d’un mécanisme comme celui-ci », a dit la diplomate.

La délégation des États-Unis était conduite par l’ambassadrice Kristie Kenney, conseillère au Département d’État nord-américain, assistée du sous-secrétaire adjoint, John S. Creamer.

Selon un communiqué de l’ambassade des États-Unis à La Havane, « les deux gouvernements reconnaissent que des pas importants ont été franchis visant une plus grande coopération dans la protection de l’environnement, l’aviation civile, le courrier postal direct, la sécurité portuaire et maritime, la santé, l’agriculture, les échanges universitaires et culturels, ainsi que sur des questions réglementaires ».

Le texte ajoute que « les délégations ont également échangé des vues sur les dialogues en matière de droits humains et les demandes d’indemnisation, et que les États-Unis souhaitent tenir des rencontres sur ces sujets dans un avenir proche ».

CUBA TOUJOURS INTERDITE DE DOLLAR

En dépit des dernières mesures du président Barack Obama qui modifient certains éléments de l’application du blocus, entre autres l’utilisation du dollar, aucune transaction financière n’a été possible dans cette monnaie.

Josefina Vidal a signalé que jusqu’à ce 16 mai il a été impossible d’effectuer les opérations à travers des banques de pays tiers, qui restent « craintives et préoccupées » face à la possibilité de se voir infliger d’énormes amendes pour avoir traité les transactions cubaines.

Elle a expliqué que le sujet est désormais « autorisé sur le papier », mais cela n’est pas suffisant. « Les États-Unis doivent éclaircir cette situation auprès de la banque internationale », a-t-elle dit.

Elle a cité comme exemple une réunion récente avec le Secrétaire d’État John Kerry et des représentants des institutions financières européennes, qui avait pour objectif d’aborder la situation des transactions avec l’Iran.

« Cependant, même lorsque ces transactions pourront être effectuées, Cuba sera encore soumise à d’autres restrictions », a déclaré Josefina Vidal.

En effet, la mesure adoptée par les États-Unis ne concerne que les transactions financières internationales et non celles entre les États-Unis et Cuba.

Et d’expliquer que pour normaliser les relations bancaires entre les deux pays, Cuba doit être autorisée à ouvrir des comptes de correspondant bancaire dans des institutions financières étasuniennes. Dans le cas contraire, il sera nécessaire de trianguler les paiements entre les deux pays, ce qui élève les coûts pour les parties sont concernés.

LE BLOCUS

La diplomate a signalé par ailleurs que la Commission bilatérale a passé en revue l’application des accords adoptés lors de la deuxième réunion en novembre dernier à Washington.

« Nous avons pu constater une augmentation des visites officielles dans les deux directions, y compris des visites de haut niveau, comme celle du président Barack Obama, en mai 2016 », a-t-elle dit.

« En augmentation également, les rencontres à caractère technique entre spécialistes des deux pays sur des thèmes communs, ainsi que du nombre d’instruments bilatéraux pour élargir la coopération mutuellement avantageuse.

« Cependant, les progrès n’ont pas été aussi rapides et n’ont pas eu la même ampleur que dans la sphère économique, car le blocus est toujours en vigueur », a-t-elle souligné.

« En dépit des mesures du président Obama, qui sont positives mais insuffisantes, des restrictions importantes demeurent », a-t-elle dit avant de citer en exemple les limitations aux exportations de produits cubains vers les États-Unis et les barrières que rencontrent les entreprises de ce pays qui souhaitent investir à Cuba dans des secteurs autres que celui des communications.

La délégation cubaine a de nouveau insisté sur le fait que la levée du blocus est une priorité, « car il porte préjudice à tous les Cubains et à leurs relations avec des pays tiers, y compris les États-Unis ».

La réunion a été également l’occasion pour la délégation cubaine de remettre à la contrepartie étasunienne une liste des dommages causés à Cuba au cours de ces derniers mois par le blocus.

À cet égard, Josefina Vidal a fait état de trois amendes infligées à une société française et à deux sociétés nord-américaines, ainsi que 14 actions négatives à caractère financier à l’encontre de Cuba, comme c’est le cas de la clôture de comptes ou de résiliation de services.

En tout, 14 banques internationales ont été concernées par ce type de dommages financiers, y compris lorsque d’autres monnaies que le dollar étaient utilisées.

« Nous partageons ces informations pour illustrer le caractère extraterritorial du blocus et de la portée de cette politique, au-delà des relations entre Cuba et les États-Unis », a-t-elle dit.

Par ailleurs, Cuba a réaffirmé que la restitution du territoire occupé illégalement par la base navale à Guantanamo est un élément prioritaire pour une la normalisation des relations.

« C’est le seul cas au monde d’une base militaire située sur un territoire loué à perpétuité. Il n’existe aucun exemple semblable dans le monde. C’est aussi le seul cas d’une base occupée contre la volonté du peuple et du gouvernement de ce pays », a-t-elle conclu.