Relever le défi du dérèglement climatique

Partager cet article facebook linkedin email

La sécheresse qui frappe le pays depuis 2014 a entraîné des conséquences pour les ressources hydriques, l’agriculture et bien d’autres activités économiques.

Cependant, la saison des pluies est arrivée, mais la situation reste très hypothétique et on est dès lors en droit de se demander si on aura un temps pluvieux pour rattraper le retard dû au manque de précipitations.

Pour essayer d’avoir une idée plus claire de ce qui nous attend cette année, nous avons interviewé Cecilia Fonseca Rivera (CFR), docteure ès sciences météorologiques et chercheuse au Centre national du climat de l’Institut de météorologie, et Marieta Hernandez Sosa (MHS), licenciée en géographie et responsable du Groupe de surveillance de cette entité.

Parlons d’abord de la sécheresse, si vous le voulez bien…

CFR : Volontiers. Le climat à Cuba durant la période 2015-2016 a été soumis à l’influence de deux grands événements météorologiques : d’un côté, l’événement ENSO (El Niño-Southern Oscillation), qui a provoqué d’importantes anomalies sur l’ensemble du territoire et, de l’autre, la sécheresse, qui a commencé durant la période humide de 2014.

La saison dernière a été marquée par un déficit du cumul des précipitations dans l’ouest du pays. Cette situation s’est ensuite étendue au centre et à l’est de l’Île. À l’arrivée de la période sèche (novembre 2014-avril 2015), environ 66% du pays accusait un déficit du cumul des précipitations, et l’ouest du pays a vécu sa période la plus sèche depuis 1961.

La période pluvieuse de 2015, de mai à octobre, s’est également caractérisée par une pénurie de précipitations qui s’est prolongée dans l’ouest du pays, qui reste la région la plus durement touchée. Le bilan hydrométrique a confirmé la situation de sécheresse qui s’était installée pendant quatre saisons de suite.

Nous sommes ensuite entrés dans la période qui a pris fin au mois dernier (novembre 2015-avril 2016). En général, cette période s’est terminée assez favorablement, et après le mois octobre les cumuls de pluie ont été assez importants.

Comment expliquez-vous ce changement ?

CFR : Ces pluies étaient associées notamment à des processus de circulation atmosphériques en rapport avec El Niño. Cet événement a commencé en mars 2014, a atteint sa plus grande force à la fin de l’année, avant de décliner à partir de novembre-décembre 2015. Il s’est encore atténué ces mois-ci. D’après les modèles, on semble se diriger vers des conditions normales.

Ce phénomène, qui se produit dans l’océan Pacifique tropical, est lié à un réchauffement des eaux de surface, avec des effets sur le climat de toute la planète.

Les phénomènes survenus pendant les mois de novembre, décembre et janvier s’inscrivaient dans le cadre des anomalies provoquées par El Niño.

À quoi peut-on s’attendre pour mai-octobre 2016 ?

(MHS) : En général, la saison des pluies à Cuba concentre 80% du total des précipitations annuelles. Les pluies commencent l’est du pays, elles continuent dans le centre et, autour du mois de mai l’axe pluvieux se déplace vers l’ouest du pays. Elles sont généralement associées à des cyclones tropicaux.

Il ne faut pas oublier que l’actuelle saison humide est conditionnée par le déclin du phénomène El Niño. D’habitude, le déclin de cet événement dans le Pacifique équatorial entraîne une raréfaction des précipitations.

Pour la période août-septembre-octobre, les modèles révèlent une probabilité de précipitations supérieure à la normale. La plupart des modèles de l’événement El Niño nous préviennent aussi sur l’évolution future de La Niña, phénomène climatique ayant pour origine une anomalie thermique des eaux de surface de l’océan pacifique. En général ce phénomène a une influence sur la saison des cyclones, qu’il rend plus active.

Eu égard à ces éléments, on peut prédire pour les mois de mai à juillet des valeurs proches de la normale et d’août à octobre proches ou supérieures à la normale.

El Niño a diminué en intensité, et on s’attend à l’arrivée de La Niña.

(CFR) : Dans notre cas, la principale influence d’El Niño a lieu pendant la saison peu pluvieuse, avec une augmentation des précipitations. Les recherches effectuées à ce jour au Centre du climat ont prouvé qu’El Niño n’est pas associé aux sécheresses. La sécheresse est un phénomène multicausal associé à plusieurs processus allant d’un dysfonctionnement des mécanismes producteurs d’eau jusqu’à un faible degré d’humidité dans l’atmosphère. En général, ce qui s’est passé c’est que lorsqu’un événement puissant a décliné, la période pluvieuse qui s’est ensuivie a été très sèche.

Compte tenu du manque de précipitations actuel, si les cumuls de pluie se maintiennent proche de la moyenne, ils seront insuffisants pour combler le déficit existant.

Si les prévisions se confirment pour le trimestre août-septembre-octobre et que le cumul des pluies est supérieur à la moyenne, il est probable que cela permettrait de pallier la situation que nous connaissons actuellement.

El Niño et La Niña sont-ils cycliques ? Ces phénomènes s’alternent-ils ?

(CFR) : Le Niño et La Niña sont deux manifestations du même phénomène. Le premier est associé à un réchauffement des eaux de surface du Pacifique équatorial, alors que La Niña désigne le refroidissement de la surface de l’océan Pacifique tropical. Il s’agit du même événement, mais à deux phases différentes.

Dans le cas de Cuba l’impact de La Niña est surtout sensible sur l’activité cyclonique. En d’autres mots, La Niña provoque une augmentation de la fréquence et de l’intensité des cyclones dans l’Atlantique, alors qu’El Niño entraîne une diminution de l’activité cyclonique dans notre région.

Certaines données intéressantes enregistrées récemment ?

(MHS) : On pourrait parler du comportement de la température en 2015, où nous avons enregistré la température moyenne annuelle la plus élevée depuis 1951.

Cette température record est liée au réchauffement planétaire et au phénomène El Niño. Cette augmentation de la température a entraîné des anomalies climatiques dans une bonne partie du pays durant toute cette année, notamment pendant l’été, dans l’est du pays.

Des records ont été enregistrés dans la plupart des stations de l’Institut de météorologie, dont 28 records de température rien qu’au mois d’avril 2015.