CUBA : POURQUOI LES FRANÇAIS Y SONT TOUJOURS BIENVENUS ?

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Les Américains affluent dans le pays depuis le réchauffement de leurs relations.

Mais l’île garde des liens privilégiés avec nous. Voici comment en profiter.

Photo logo : © Hugh Sitton/Getty Images

La vision du monde propre aux Cubains attire de plus en plus nos compatriotes.

Plongée dans le formol pendant plus de cinquante ans à cause de l’embargo imposé par les Américains en 1961, Cuba suscite une curiosité inédite. « C’est simple, l’île est passée en quelques mois du top 20 au top 5 des destinations plébiscitées pour la culture et la sécurité », confirme Fabrice Mercorelli, Français installé à La Havane depuis 1994, où il organise des voyages sur mesure avec sa société C2C Travel.

L’an passé, 120 000 Français ont séjourné dans le pays. Une ruée sans précédent : selon le Syndicat des entreprises du tour-operating français, les réservations de circuits ont bondi de 81% entre mai et n août 2015 !

« On compte 30% de touristes français de plus entre janvier 2015 et janvier 2016, se réjouit Stéphane Witkowski, président du Conseil de gestion de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine.

La vision du monde propre aux Cubains attire de plus en plus nos compatriotes. Surtout depuis que Barack Obama a annoncé la reprise des relations diplomatiques, le 17 décembre 2014. »

« Les Français n’ont jamais été des touristes comme les autres, précise Jean Mendelson, ambassadeur de France à Cuba de 2010 à 2015. Premiers à s’être intéressés au tourisme écologique, très présent dans les régions de Pinar del Rio et de l’Oriente, ils viennent maintenant s’imprégner de la culture, d’une histoire politique passée et présente. » Dans les années 1960, sur les traces de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir, certains Français venaient aussi pour des raisons politiques. Avec les années 1980, le tourisme devint commercial, puis solidaire au milieu des années 1990, quand le bloc soviétique s’effondra et priva Cuba d’un soutien vital.

Touristes en cachette

Aussi, si l’ouverture des Etats-Unis fait du bien à l’économie locale, elle n’est pas non plus sans inconvénients. Fabrice Mercorelli reconnaît avoir de plus en plus de mal à héberger les grands groupes de touristes. Les hôtels sont saturés. De 60 000, les voyageurs américains sont passés à 150 000 en 2015. « Ils ne rechignent pas à payer 400 euros une chambre facturée encore récemment 80 euros », constate Una Liutkus, fin connaisseur du tourisme à Cuba. Ce Français d’origine lituanienne a fondé en 1982 Havanatour, première société à proposer des circuits sur mesure. « En principe, les Américains n’ont pas le droit de voyager à Cuba pour des motifs touristiques. Mais il y a douze exceptions faciles à détourner, comme les voyages d’études, la participation à un événement sportif. On ne compte plus les bus réservés par la soi-disant société ornithologique de telle ou telle université… » Le New York Council for the Humanities organise ainsi un départ chaque semaine, tarifé 5 000 dollars. « Même Mick Jagger a eu du mal à trouver 30 chambres pour loger le staff des Rolling Stones, annoncés le 19 mars au stade latino-américain », s’esclaffe Una Liutkus.

Pas de McDo chez Castro

Pour régler la situation, l’Etat cubain a mis en route plusieurs chantiers.

A La Havane, pas moins de dix hôtels cinq étoiles sont en construction, dont un So (gamme Sofitel) du groupe Accor : 300 chambres réparties dans un bâtiment en forme de bateau donnant sur le Malecon, le célèbre front de mer. Le même groupe vient d’inaugurer un Pullman cinq étoiles sur l’île de Cayo Coco, à une heure de vol de La Havane : 518 chambres, 40 suites, le Wi-Fi, 5 piscines, 6 restaurants… Pas en reste, l’espagnol Iberostar érige un hôtel de quatorze étages avec piscine à débordement à proximité du mythique Hotel Nacional. Au total, on prévoit 40 000 chambres d’hôtel supplémentaires à Cuba d’ici 2020, qui s’ajouteront aux 70 000 existantes.

Pour les bourses plus modestes, le salut passe par le logement chez l’habitant, dans l’une des 20 000 « casas particulares », ces fameuses chambres louées de 20 à 40 euros la nuit. Leur nombre ne cesse de croître. Baracoa, petite bourgade du sud de l’île, non loin de Guantanamo, ne comptait même pas un hôtel il y a vingt ans.

@Aujourd’hui, près de 200 loueurs proposent 500 lits ! Et demain ? « Les choses ne vont bouger que très lentement, car le pays n’est pas prêt à autoriser McDonald’s ou Starbucks à venir s’implanter », prédit François-Michel Lambert, président du groupe d’amitié France-Cuba de l’Assemblée nationale. Les autorités cubaines tiennent en effet à garder toute initiative économique sous contrôle. Pour Una Liutkus, « nous avons vingt ans devant nous avant que Cuba ne change radicalement ». En attendant, conséquence inattendue de ce boom, on ne trouve plus un seul Cohiba à La Havane depuis plusieurs mois : les Américains s’arrachent les cigares de la marque mythique au double de leur prix…

3 choses à savoir avant de partir

Le vol
Anticipez : les vols Air France sont rapidement complets.

Internet
Hors des hôtels, attention à la note : elle peut être vite salée.

Le change
Les touristes paient en pesos convertibles (et non pas en pesos cubains).

Guillaume Tesson

Qu’il nous soit permis de relever deux erreurs dans cet article :

  • Baracoa comptait il y a 20 ans, TROIS hôtels
  • François Michel Lambert est Vice Président du Groupe d’amitié avec Cuba de l’assemblée nationale, le Président en est André Chassaigne