Mon cher Pogolotti

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Une partie du travail du projet Synergie est réalisé à la Maison des personnes âgées. Ici, au centre et au fond, le Héros de la République de Cuba, Antonio Guerrero, entouré du personnel et des responsables de ce projet communautaire. Photo : Ismael Batista

Le quartier de Pogolotti, dans la municipalité de Marianao, à La Havane, a bien des raisons de faire la fierté de ses habitants : c’est le premier quartier ouvrier construit à La Havane, il porte le nom de l’une des familles d’intellectuels les plus prestigieuses du pays et a déjà plus d’un siècle d’existence.

Si cela n’était pas suffisant, parlons également du caractère énergique et noble de ses habitants. En effet, les premiers à y avoir vécu furent des travailleurs manuels et des patriotes qui prirent les armes contre la métropole espagnole.

La 24 février 2011, la ville a fêté ses 100 ans, un anniversaire qui a été l’occasion de présenter le documentaire Mi Pogolotti querido (Mon cher Pogolotti), de la réalisatrice italienne Enrica Viola.

Plusieurs initiatives intéressantes ont précédé la réalisation de cet audiovisuel, tel le projet Le siècle des Pogolotti à Cuba, d’où est issu le livre Dino Pogolotti, un piémontais à La Havane, qui a inspiré deux pièces de théâtre écrites en Italie et présentées à Cuba.

Peu après, avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, le Groupe de développement intégré de la capitale, le Pouvoir populaire de la commune de Marianao, l’Institut cubain d’amitié avec les peuples et l’Union nationale des écrivains et des artistes de Cuba, est né Synergie à Pogolotti, dont la représentante cubaine est Acela Caner roman.

Qu’est-ce que Synergie à Pogolotti ?

C’est un projet qui peut prendre différentes formes. Il n’est pas orienté vers une seule action. Par exemple, si nous devons travailler avec la Maison des jeunes, nous le faisons pendant un an ou deux. Lorsque le projet est achevé, nous prenons en charge d’autres besoins du quartier.

Nous travaillons également avec des personnes âgées. Il existe une association pour les personnes du 3e âge à Marianao, qui a plus d’une centaine de membres, qui ont rencontré des amis qui viennent d’Italie et présenté des pièces de théâtre. C’est une manière de maintenir leur insertion dans la société.

Nous avons reçu le soutien de la région du Piémont, de la mairie de Giaveno, de l’Association d’amitié Italie-Cuba, mais aussi de l’association Auser, du syndicat des retraités italiens, du musée de l’Émigration de Turin. Nombreuses sont les institutions qui veulent nous connaître et avoir des échanges avec nous.

En vérité, ce qui nous intéresse, c’est l’amitié, la connaissance, la coopération. Voilà ce que signifie Synergie : unir nos forces et que chacun puisse faire quelque chose d’exceptionnel en termes de relations.

L’impact du projet sur la communauté ?

Synergie prévoit de soutenir les projets de l’Atelier de transformation intégrale que sont les foyers de personnes âgées, la Maison communautaire et la maison des jeunes.

Selon les besoins de l’Atelier et de ces projets, nous pouvons collaborer avec eux à Pogolotti. En ce moment, la Maison des jeunes est en rénovation.

Le local a été agrandi pour accueillir les jeunes qui y vont pour se réunir, mais surtout pour les former et leur permettre d’occuper leur temps de manière agréable et utile.

Il y a beaucoup d’artistes dans le quartier Pogolotti. Lors de la dernière Biennale de La Havane, nous y avons participé pour la première fois grâce au projet Arte en proceso (Art en cours). Des personnalités se sont jointes à nous, comme le peintre Nelson Dominguez, qui est venu travailler avec les gens.

Pour nous, l’important c’est que la communauté participe et se sente reflétée dans ce travail communautaire. Il s’agit de faire en sorte de créer des liens entre les gens du quartier.

En ce moment, nous avons un nouveau projet : écrire un livre de recettes de cuisines italienne et cubaine, préparé par les membres de l’Association des personnes âgées de Marianao, de l’Auser et du syndicat des retraités italiens. Cela aide les peuples à se connaître.

Les retraités veulent venir à Cuba. Ce sont des personnes révolutionnaires, de gauche. Je pense que les gens sont contents. C’est vraiment du bon travail.

Que vous a apporté ce travail ?

Dans le travail communautaire, j’ai beaucoup gagné sur le plan de la relation avec les habitants de Pogolotti, car ils ce sont de braves gens, très enthousiastes, qui montrent un très fort sentiment d’appartenance, car pendant des années, ils ont été très discriminés.

Personne n’a besoin de frapper à votre porte pour demander de l’aide. Quand on sait que vous en avez besoin, les gens sont là. On ne voit pas cela si souvent. Ce sont les choses que j’ai été découvertes, voir la solidarité entre les gens, l’aide qu’ils s’apportent…

Concernant la famille Pogolotti ...

Pour nous, c’est un très grand plaisir d’avoir Graziella. Si vous me demandiez pourquoi je suis reconnaissante à Dino Pogolotti, je répondrais : « de nous avoir donné Marcelo et Graziella ».

À Giaveno, il existe le Cercle Dino Pogolotti, qui a présenté récemment une exposition qui raconte l’histoire de cet immigrant, sa famille et le quartier.

Nous espérons pouvoir inaugurer cette exposition l’année prochaine dans le quartier Pogolotti et la présenter dans d’autres lieux également.

Je souhaite que notre travail serve à faire connaître la famille Pogolotti, car elle est porteuse de valeurs extraordinaires qui sont bien connues à Cuba. Je voudrais continuer à valoriser la figure de Dino, de Marcelo, qui est exceptionnelle, et celle de Graziella Pogolotti.

Et donner toute sa valeur également au quartier et à ses gens, parce qu’au-delà de l’architecture et de la position, l’essentiel à Pogolotti, ce sont les gens qui vivent ici. C’est ce que prétend Synergie.

Du côté italien ...

Le travail avec nos amis Italiens est sérieux et nous nous félicitons que la région, le gouvernement et les autorités de Giaveno en soient fiers. Ce fut presque une découverte pour eux de savoir des personnalités aussi importantes et reconnues à Cuba étaient originaires de Giaveno.

Il a été très important et gratifiant pour nous de les connaître. Il faut être reconnaissant à la vie. Je la remercie pour toutes ces personnes de bonne volonté dans le monde, en particulier à Cuba et en Italie. Je la remercie pour cette rencontre, qui a permis qu’avec nos modestes moyens et nos petites actions, nous ayons pu améliorer au niveau social la vie dans le quartier.

L’Italie, à la racine de la culture cubaine

Dino Pogolotti (1873-1923) est né à Giaveno (Italie). Il émigra à Cuba et fonda une famille dont ses descendants, Marcelo (son fils) et Graziella (sa petite-fille), sont devenus d’importants intellectuels. Entre les années 1910 et 1911, sur les terrains de sa ferme Jesus Maria furent construites les premières maisons du quartier qui aujourd’hui porte son nom.

Graziella (1932) est l’une des plus prestigieuses intellectuelles cubaines. En 2005, elle a obtenu le Prix national de Littérature et possède une longue carrière d’essayiste, de critique d’art et de professeure d’université, et elle s’est vue attribuer des prix importants et des reconnaissances pour son travail intellectuel.

Le père de Graziella, Marcelo Pogolotti (1902-1988), fut un peintre renommé. Membre fondateur du Premier groupe de peintres sociaux d’Europe, vers la fin des années 20 du siècle, il rejoignit le mouvement Futuriste en Italie. Il se consacra également à la production d’essais et à la critique d’art. Il est considéré comme l’une des icônes de l’avant-garde artistique cubaine. (Informations Ecured)