Cuba : Une autre forme d’ingérence, le paquet hebdomadaire

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Par Laura V. Mor, (correspondante du Resumen Latinoamericano à Cuba), 11 août 2016.-

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

Sur les médias hégémoniques de nos pays, on nous répète sans arrêt que « à Cuba, on interdit l’accès à Youtube parce qu’on ne veut pas que les gens s’informent. »

Qui s’est rendu à Cuba une fois a certainement pu constater, de discussion en discussion, que le peuple cubain est un peuple hautement informé de ce qui se passe dans le monde et que c’est l’Etat lui-même qui est chargé d’encourager cela.

Cuba est un pays sous-développé soumis à un blocus brutal par les Etats-Unis, une puissance qui contrôle précisément, entre autres domaines, une bonne partie du flux de données grâce à internet. En tenant compte de ce « détail », il n’est pas illogique qu’il y ait des problèmes de connexion et qu’il faille donner la priorité à certains ports de flux de données pour éviter la saturation de certains canaux et de certaines applications. C’est une partie de la vérité.

Mais il y a aussi l’autre partie, celle qu’on oublie et qui est la cause principale : le blocus commercial, économique et financier imposé à Cuba en 1962 et qui, après plus de 54 ans, continue à être en vigueur et se renforce au fil du temps.

Pendant cette dernière année – selon des données du Rapport sur la Résolution 69/5 de l’Assemblée Générale des nations Unies « Nécessité de mettre fin au blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les Etats-Unis d’Amérique » présenté en octobre 2015 - Cuba a subi des pertes en matière de communications qui atteignent la somme de 57 millions de dollars à cause de l’impossibilité d’accéder à des équipements et a dû affronter de sérieux problèmes en ce qui concerne la rénovation informatique vitale pour le pays, une conséquence de l’interdiction d’importer les processeurs nécessaires, un marché contrôlé par les Etats-Unis.

Dans ce contexte, en 2008 est apparu ce qu’on appelle le « paquet hebdomadaire » qui a débuté avec une audience minoritaire et aujourd’hui est devenu un phénomène socio-culturel pour la plupart des foyers cubains.

Pour les étrangers, il est difficile de comprendre l’importance d’avoir un disque dur externe d’une capacité d’1 tetrabit, quelque chose d’inhabituel dans nos pays qui ne sont pas soumis à un blocus ou d’avoir toujours une clef USB. Quand tu vis parmi le peuple cubain, tu le comprends : c’est la façon de pouvoir accéder, malgré le blocus, aux programmes de télévision, de presse ou de cinéma qui circulent sur internet et que tout le monde voit.

Qu’est-ce que le « paquet hebdomadaire » connu comme le Youtube cubain ?

Des jeux, des séries, des feuilletons de télévision, des films, des documentaires, des sit-coms, des videoclips, des reality shows, des applications et des programmes, des revues internationales, en particulier consacrées à des commérages sur les artistes, regroupés sous forme d’archives et de dossiers qu’on peut voir sans avoir besoin de se connecter, tout cela pour 1 CUC (peso cubain convertible équivalent à 0,89 $ US) qu’un travailleur à son compte grave sur le disque externe une fois par semaine.

Bien sûr, on se demande comment ils obtiennent de flot d’archives quand la bande de connexion dans un pays soumis à un blocus n’arrive pas à « télécharger » en une semaine toute cette information et encore moins à partir de canaux comme Youtube qui consomment une grande partie de cette bande.

Ce que nous croyons est très simple. Beaucoup de familles cubaines ont des membres qui vivent « en el lugar o la yuma » comme les Cubains ont l’habitude d’appeler les Etats-Unis – une conséquence de la politique d’immigration cubaine illégale alimentée par les administrations nord-américaines successives avec la Loi d’Ajustement Cubain, le programme de Parole pour les médecins et la politique des « pieds secs-pieds mouillés », par la promesse du « rêve américain » qui n’est pas comme on le dit mais ceci est une autre histoire. Au début, c’étaient certains des membres de la famille qui étaient chargés d’enregistrer les informations et de les envoyer chaque semaine à Cuba, à temps pour qu’elles soient regardées ou revendues. Aujourd’hui, on est passé de 300 gigabits à 1 tetrabytede contenu et c’est devenu un commerce rentable économiquement et aussi politiquement peut-être loin (ou non) de l’idée YoePC, son « créateur ».

Même si la licence légale du travailleur à son compte s’obtient dans le cadre de al vente de CD et de DVD, a vente du « paquet » est un secret de polichinelle.

Quelle est la polémique concernant le « paquet » ?

La polémique vient de la sorte de contenu et du discours qui sont transmis, conçus par les monopoles de l’information. C’est là que l’impérialisme s’infiltre et pas par hasard.

Les Etats-Unis ont cherché un changement de régime à Cuba depuis la début de l’aventure révolutionnaire par diverses voies : plus de 600 tentatives avortées pour assassiner le leader historique de la Révolution, le financement de petits groupes pour la subversion interne, l’ingérence dans la jeunesse grâce à l’envoi de messages sur les téléphones portables comme les programmes ZunZuneo et Piramideo révélés par le gouvernement cubain fin 2013.

Cette stratégie n’a pas changé, seule la tactique appliquée a été modifiée. Aujourd’hui, c’est devenu la pénétration culturelle par des moyens comme le populaire « paquet ». Dans celui-ci, on peut trouver des programmes de TeleMundo qui se font l’écho des politiques de la Maison Blanche contre Cuba ou des films Made in Miami qui font la publicité sournoisement de « Viva Cuba Libre » alors que le contenu est une « Cuba Libre sans les Castro. » Par des parodies et de soi-disant programmes comiques, on fait des plaisanteries sur l’âge ou sur l’inévitable passage à l’immortalité des héroïques combattants de a Sierra Maestra et sur les dirigeants historiques de la Révolution, en exprimant le désir que Cuba cesse d’être un pays socialiste.

Le gouvernement cubain, grâce à celui qui était alors Ministre de la Culture, Abel Prieto, a élaboré une proposition de divertissement avec sa propre identité culturelle : « le sac-à-dos ». Elle contenait 300 gigas enregistrés tous les 15 jours qui pouvaient être copiés gratuitement, à partir d’une conception constructive et critique, très différente de la sorte de médias que nous avons l’habitude d’avoir dans nos pays dépendants, où la télé n’éduque pas mais endort la conscience et cache la vérité, au-delà du divertissement conjoncturel qu’il provoque.

Cela a été une bonne idée mais ça n’a pas encore pris de l’ampleur. Le « paquet » a été habilement installé depuis l’Empire grâce à des centaines de milliers de dollars investis et est arrivé à résister jusqu’à présent. Beaucoup ont pensé qu’on devait l’interdire. D’autres, sans doute, ont cru en un calcul simple : plus on interdit, plus on a envie de faire ce qui est interdit.

La solution a été de concevoir « Le sac-à-dos ». Bien que celui-ci n’ait pas eu le succès espéré, il a servi à ré-envisager la programmation des contenus de la télévision ouverte cubaine et du câble ( ce qu’on appelle la « petite boîte », une espèce de convertisseur HD qu’on achète dans les magasins) pour les rendre plus attractifs pour la population.

Au fil de ces années, avant même que le « paquet » n’ait été démocratisé, on a essayé d’améliorer les contenus de la TV ouverte. Par exemple, on a étendu sur 24 heures la programmation de la chaîne Cubavisión, d’autres chaînes comme La Chaîne Educative, La Chaîne Educative 2 et Multivisión sont apparues. A ces chaînes se sont ajoutés les Télécentres de province qui ont élargi eur grille de programmes dans le but, également, de défendre l’espace radio-électrique contre les émissions de Radio et de TV Martí financées par l’USAID avec la même stratégie d’ingérence.

Ironiquement, à l’étranger, on dit que Cuba est « le pays des mémoires » en faisant allusion au va-et-vient de disques externes et de clefs USB. On ne dit rien de la mémoire historique que continue d’avoir le peuple qui célèbre ces jours-ci de façons très diverses les 90 ans de Fidel et grâce à son exemple de résistance esquive jour après jour la politique génocide du blocus. Cela, le « paquet » ne le dira pas.

Source en espagnol :

http://www.resumenlatinoamericano.org/2016/08/11/cuba-cronicas-del-bloqueo-otra-forma-de-injerencia-el-paquete-semanal/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2016/08/cuba-une-autre-forme-d-ingerence-le-paquet-hebdomadaire.html