Sans Leonardo Padura, « L’ Odyssée de la peur » de Bernard Benyamin aurait-il vu le jour ?

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Le journaliste Bernard Benyamin doit-il son dernier livre L’Odyssée de la peur à sa découverte de l’écrivain cubain Leonardo Padura et son Hérétiques ? (2014, Métailié). . Dans son prologue B. Benyamin ne laisse aucun doute : « C’est en page 20 (de Hérétiques) que j’ai découvert pour la première fois le nom du bateau qui allait bousculer ma vie durant l’année qui suivrait cette découverte : le M/S Saint-Louis »

Sa première démarche d’enquêteur, après avoir lu Hérétiques, fut de se rendre au Musée de l’Holocauste à Washington.

Ainsi son Odyssée de la peur est le dernier ouvrage en date sur la tragédie du Saint-Louis. Bernard Benyamin a retrouvé une dizaine de survivants aux Etats Unis et a eu accès à de nouvelles archives allemandes et américaines.

Quand L. Padura inspire Bernard Benyamin pour son « Odyssée de la peur »

Posté par Michel Porcheron

(Source : « L‘Odyssée de la peur », Bernard Benyamin, 299 pages, une douzaine de photos, Editions First, 2016)

Si le journaliste Bernard Benyamin décide de se rendre à Washington, pour visiter (à nouveau) le Musée de l’Holocauste, c’est qu’il a été profondément touché et motivé par une récente lecture.

Il raconte : « Ai-je eu raison de traverser l’Atlantique, de venir recueillir les témoignages de survivants de cette histoire douloureuse, de chercher les réponses d’hier aux problèmes d’aujourd’hui ? »

Cette histoire douloureuse, de 1939, est celle du bateau allemand le Saint-Louis

[Voir 1, pour nos deux liens.

On la retrouve dans une bibliographie que domine l’ouvrage « Exil impossible » (2) de Diane Afoumado (2005). Cet « excellent ouvrage ne m’a pas quitté tout au long de l’écriture de mon livre » (B. Benyamin)]

Dans son prologue, Bernard Benyamin écrit sur ce point :

« Tout a commencé par l’une de ces manifestations anecdotiques, une coïncidence à laquelle personne ne prête attention, à moins que l’on ne se range derrière Éluard, qui veut y voir des rendez-vous que l’on ne saurait manquer. Le hasard, en l’occurrence, avait la forme d’un livre, Hérétiques [2014] de Leonardo Padura, l’un des auteurs cubains les plus talentueux de sa génération, qu’un ami venait de m’offrir pour le nouvel an. On y parlait d’un tableau de Rembrandt mystérieusement disparu en 1939 dans le port de La Havane et réapparu quelques décennies plus tard au cours d’une vente aux enchères à Londres. Et c’est en page 20 que j’ai découvert pour la première fois le nom du bateau qui allait bousculer ma vie durant l’année qui suivrait cette découverte : le M/S Saint-Louis.

Pure fiction ou événement historique participant à la dramaturgie d’un livre ? Il a suffi de quelques clics informatiques pour que la vérité s’impose dans toute son étendue : oui, le M/S Saint-Louis avait bien existé ; ses passagers fuyaient le régime nazi ; au gré des ports qui refusaient leur débarquement, ils étaient devenus les réfugiés les plus célèbres de l’époque, traînant leur destin sur un vaisseau fantôme. Et par une de ces tragiques répétitions dont l’Histoire est jalonnée, au moment où je prends connaissance de l’odyssée du Saint-Louis se déroule l’un des plus grands naufrages de migrants en Méditerranée, face à l’île de Lesbos. L’Histoire n’en finit-elle donc pas de bégayer ? Les drames et les tragédies qu’ont vécus les uns n’enseignent-ils rien aux autres ? La mise en abîme est vertigineuse, l’itinéraire d’un canot pneumatique répond en écho à l’odyssée d’un paquebot de luxe il y a soixante-quinze ans. Je m’incline, je m’empare du sujet et j’y travaille. Ma première démarche sera d’effectuer le voyage à Washington »

Présentation de l’éditeur (4 e de couverture) :

« Allemagne, 1939. Les juifs allemands cherchent à quitter le pays pour échapper à la déportation. Lorsque le Consulat de Cuba à Hambourg met en vente des permis de débarquer assorti d’un billet sur un bateau allemand, le Saint-Louis, c’est la ruée. Le 13 mai 1939, le Saint-Louis largue les amarres, destination : La Havane. Ils sont 937 à bord, persuadés d’avoir sauvé leurs vies. Le 27 mai, le bateau jette l’ancre à La Havane mais personne n’est autorisé à y débarquer. Les règles ont changé…

Pendant 6 jours, les négociations vont bon train. En vain. Le 2 juin, le bateau quitte La Havane et fait des ronds dans l’eau au large de la Floride. Pendant ce temps, tout sera fait pour tenter de trouver asile aux Etats-Unis, au Canada, en Amérique Centrale, en Amérique du Sud…

La réponse sera toujours la même : non ! Hitler peut exulter, les nazis ne sont pas les seuls à rejeter les juifs ! Le 6 juin, le bateau est contraint de retourner en Europe. Il arrive à Anvers le 17, où ses passagers sont finalement accueillis par quatre pays européens : l’Angleterre, la Belgique, la France et les Pays-Bas. Trois mois plus tard, la guerre éclate, les Juifs du Saint-Louis seront déportés parmi les premiers, un tiers d’entre eux périra dans les camps de la mort…

Pour raconter cette histoire, Bernard Benyamin a retrouvé une dizaine de survivants aux Etats-Unis. Il a eu accès à de nouvelles archives allemandes et américaines jusqu’alors peu exploitées. C’est un Exodus avant l’heure, le symbole de l’égoïsme des nations occidentales face à la tragédie qui se jouait alors en Europe… Un drame qui nous renvoie directement à celui des réfugiés de Méditerranée aujourd’hui ».

La mention marketing « Enquête choc de Bernard Benyamin » de l’éditeur est de trop.
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L’auteur :

Bernard Benyamin (1949) est journaliste, producteur de télévision. Il fut pendant plusieurs années et à diverses reprises correspondant en Amérique latine pour la radio et la télévision. Il est surtout connu pour avoir créé avec Paul Nahon, le magazine Envoyé spécial (Antenne 2 puis France 2, 1990-2001). Son dernier livre est Code d’Esther (Editions First, 2012)

BONUS

(1)-http://cubacoop.org/spip.php?page=article&id_article=1288 (août 2013)

Et http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=9909&lg=fr (février 2010)

(2)- Cet ouvrage chez l’Harmattan, propose la bibliographie la plus complète sur le drame du Saint-Louis (près d’une dizaine de pages de livres, journaux, vidéos, centres d’archives dans le monde)

MP/mp