Le rapt de Fangio à La Havane, les 23 et 24 février 1958, vu par …

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Le rapt de Fangio vu par…
Par Michel Porcheron
L’ « Opération Fangio », i.e. l’enlèvement à La Havane, dans la soirée du dimanche 23 février 1958, du déjà très célèbre pilote argentin et sa libération, sain et sauf, vingt-six heures après, fut une totale réussite pour ses organisateurs, des rebelles du M-26-7 castriste et pour la police et le régime de Fulgencio Batista un total fiasco.

A l’époque des télétypes, des bélinos, des téléphones à cadran, l’affaire fit le tour du monde des rédactions qui, dès le 25 février, placèrent cette affaire hors du commun à la une de leurs journaux (peut- être pas en Espagne…) (Presque) Tous les ouvrages généraux sur la Révolution cubaine publiés dès 1959 ne manque (ro) nt pas de faire l’éloge de cette Operación Fangio.

« Le rapt de Fangio vu par… », édité aujourd’hui, n’est pas une sélection, aussi brève serait-elle, de ce qui a été écrit sur le sujet, il faudrait un livre entier pour en faire le tour, mais une série de courts passages de douze auteurs d’horizons divers, retenus au fil de lectures ces derniers mois.

Le rapt de Fangio à La Havane, les 23 et 24 février 1958, vu par …

Par Michel Porcheron

Voici quelques courts extraits relevés dans des ouvrages d’auteurs de divers horizons, sur l’impact d’abord dans la presse qu’eut le rapt de Fangio à La Havane, une opération menée par un groupe de clandestins se réclamant du Mouvement du 26 Juillet, les 23 et 24 février 1958. Au bout de ces douze extraits, on en lira un treizième, tiré…d’un entrefilet insolite publié dans un quotidien français le 11 mars 1958… Découverte.

[Pour ceux, peu nombreux, qui auraient manqué les chapitres précédents, voir nos :

http://cubacoop.org/spip.php?page=article&id_article=3098

http://cubacoop.org/spip.php?page=article&id_article=3132 ]

« L’efficacité des techniques de relations publiques obéit à des règles. Lorsque, sous la dictature de Batista, les révolutionnaires, dont la propagande officielle disait qu’ils étaient à bout de souffle, s’emparèrent, en plein jour, en plein centre de La Havane, du célèbre coureur automobile Fangio, le retentissement de cette action d’éclat fut considérable. Il en fut encore accru lorsque, au bout de quelques jours seulement [sic] les révolutionnaires cubains libérèrent Fangio, qui ne tarissait pas d’éloges sur la parfaite courtoisie de ses gardiens et sur la générosité de leur programme politique. Ce lointain précédent montre bien que l’efficacité dans l’opinion publique dépend de l’action d’éclat elle-même : enlèvement et libération alors qu’une détention prolongée pourrait lui nuire » (Claude Julien, 1978)

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.« (…) Une opération spectaculaire vint renforcer les résultats obtenus. Ce fut l’enlèvement de Fangio, à la veille d’une importante compétition qui devait avoir lieu à La Havane. Le coup avait été manigancé par Faustino Pérez. Fangio fut relâché le lendemain et fit savoir qu’il avait été bien traité. Le régime s’en trouva profondément humilié. Au sein du Mouvement du 26 juillet, l’optimisme était à son comble » (Tad Szulc, 1986)

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« Le coup qui eut le plus grand retentissement international fut la séquestration en février 1958 de Fangio, venu à La Havane disputer une course et retenu pendant 48 heures [sic] par les résistants castristes. Ce kidnapping « désintéressé » révéla en fait au monde l’existence d’une véritable guerre civile à Cuba » (K.S Karol, 1970)

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« Au départ, les Américains étaient d’une bienveillante neutralité. Les castristes étaient de grands communicateurs, ils avaient l’air de Robin des bois, avec leurs cigares, leur humour et leurs fusils. C’étaient des meneurs d’hommes cultivés… Quand ils ont enlevé Fangio, ce dernier est revenu enchanté ! (…) Sans l’astucieux enlèvement du coureur automobile Fangio, aurait-on parlé, à l’époque, de la Sierra Maestria, des guérilleros castristes ? » (Georges Chaliand)

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« Le rapt de Fangio allait être un coup à effet fondamental quant à l’internationalisation du processus révolutionnaire, car jusque-là (février 1958) la perception des intentions révolutionnaires était diffuse, le fait de mettre en première ligne de l’actualité un attentat contre une personnalité de transcendance internationale fit que le monde entier allait tourner son regard vers Cuba. Le rapt se convertit en un catalyseur pour qu’arrivent des journalistes curieux de savoir qui était derrière cette action qui défiait les normes en vigueur. Mais, même si les véritables auteurs du rapt ont été les rebelles du llano [littéralement « de la plaine », soit la guérilla urbaine, ceux qui n’étaient pas dans les montagnes de la Sierre Maestra ], les seules images disponibles du processus révolutionnaires étaient celles réalisées par Enrique Meneses dans la Sierra, qui jusque-là étaient encore dans les tiroirs de la rédaction de Paris-Match » (Patricia Calvo Gonzalez)

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« La séquestration de Fangio, par les milices du Mouvement du 26 juillet, le 23 février 1958, eut un impact mondial. Il fut enlevé à son hôtel, traité avec courtoisie et libéré après que le régime (de Batista) se soit couvert de ridicule. Pour la première fois en Europe, et dans le monde, les grands moyens d’information, parlèrent de la lutte du peuple cubain, de la tyrannie de Batista et du Mouvement du 26 Juillet. Fangio déclara ultérieurement qu’il avait été traité correctement. L’audacieux coup de main ne put être passé sous silence par la presse cubaine et fut un scandale national qui discrédita sérieusement le régime » (Carlos Franqui, 1976)

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« En Europe, ce qui se passe à Cuba ne fit l’objet d’aucune nouvelle jusqu’au rapt de Fangio (Jacques Gilard, 1983)

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« L‘impact est considérable –notamment en Europe, où l’on ignorait encore les évènements de Cuba. Les clandestins ont réussi un coup qui a contribué à faire connaître la révolution des barbudos dans le monde entier (et, pour la première fois, à l’auteur de ces lignes) (Jean Pierre Clerc, 2013)

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« Le rapt fut un coup sévère porté contre le régime de Fulgencio Batista. La situation était totalement inédite (…) Cet enlèvement fut une exceptionnelle réussite (…) Les castristes réussirent donc ce coup médiatique au-delà de leurs espérances et Fangio gagna en popularité. À New York, au cours de l’émission télévisée « Ed Sullivan Show », Fangio, invité aux côtés du boxeur Jack Dempsey, commenta avec humour et ironie son rapt : « J’ai gagné cinq championnats du monde, j’ai couru et gagné à Sebring, mais c’est mon enlèvement par les révolutionnaires cubains qui m’a rendu célèbre aux États-Unis »... (…) Quelques heures à peine après l’enlèvement, la nouvelle occupait les unes de toutes les revues, magazines et journaux d’Amérique et d’Europe. L’hebdomadaire cubain Bohemia mentionnait en titre : « À Paris, Londres, New York, Rome, Mexico et Buenos Aires, le rapt de Fangio est en première page. Les agences de presse multiplient leurs télex concernant l’enlèvement spectaculaire du plus célèbre pilote automobile du monde. » La Havane venait d’entrer, avec fracas, dans l’actualité internationale et les commentateurs évoquaient la vive tension entre une dictature moribonde et le Mouvement du 26 juillet dont les motivations étaient largement commentées et analysées à la loupe par toutes les capitales du monde » (Alain Almmar, 2011)

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« Un des plus grands coups psychologiques assénés par les rebelles fut le séquestre de Fangio, qui fut avec courtoisie (cortésmente) sorti du salon principal de l’hôtel Lincoln (…) Le II e Grand Prix avait été organisé par le beau-frère de Batista, le général Roberto Fernandez Miranda (…) Fangio fut remis sain et sauf à l’ambassadeur argentin avec une lettre d’excuses signé de Faustino Pérez, chef du Mouvement clandestin du 26 juillet à La Havane » (Jules Dubois, 1959)

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« Lors du deuxième Grand Prix de Formule 1 de Cuba, Fangio est enlevé à son hôtel par des membres du commando révolutionnaire cubain M26. Le rapt est organisé par Faustino Pérez Hernandez sur les ordres de Fidel Castro. Le M26 veut faire prendre conscience au monde entier que la situation politique et sociale de l’île est catastrophique : Cuba, selon eux, ne peut pas se permettre d’organiser un tel évènement alors que les Cubains sont opprimés et affamés par la dictature de Fulgencio Batista. Fangio sera séquestré pendant 26 heures, puis libéré devant l’ambassade d’Argentine à la Havane. Durant sa détention, il nouera des liens amicaux avec ses ravisseurs qui le traiteront avec le plus grand respect » (sites web).

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« Cela étant, le plus spectaculaire de tout ce qui arriva en ce mois de février 1958, a été, sans le moindre doute, la séquestration du fameux driver Fangio. Les jeunes gens (los muchachos) résolus qui la menèrent à bien, ont totalement discrédité l’évènement sportif, qui a eu lieu malgré tout, le jour même, pathétique contraste, où se commémorait le 65 e anniversaire du début de la Guerre d’Indépendance (…) A Londres, la presse attribua au rapt de Fangio plus d’intérêt informatif qu’à la maladie de Winston Churchill, l’ex premier ministre » (Gerardo Rodriguez Morejón, 1959)

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Ce qui suit – notre cerise, rouge ou noire, sur le gâteau- est un extrait d’un ….entrefilet, d’une brève, publiée dans un quotidien français le 11 mars 1958.

« CE MATIN, à 11 h 30, apparaissait, sous l’œil indifférent des agents de la force publique, une mystérieuse bannière noir et rouge au premier étage de la tour Eiffel. Pendant un bon moment, la bandera du Mouvement révolutionnaire cubain du 26 juillet, qui s’est rendu célèbre dans le monde entier en enlevant Fangio il y a quinze jours, en plein centre de La Havane, a flotté sur le monument qui symbolise à lui seul aux yeux des Latino-Américains la France... et la liberté.

C’est celle-ci que réclamait pour Cuba, en lettres d’argent sur quelque six mètres de long, l’enseigne frappée du chiffre 26, accrochée par de jeunes Cubains. L’inscription était même rédigée en français... »

mp)