Un regard sur le tourisme international à Cuba vers 2017

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« L’année 2016 qui vient de se terminer a accueilli 4 035 000 visiteurs ce qui représente 17 % de plus que l’année antérieure. Attirés par cette destination autrefois interdite, 614 500 résidents, dont
284 550 étasuniens ont voyagé depuis le territoire voisin des États-Unis ; mais aucun ne l’a fait en tant que touriste car les restrictions du gouvernement du Nord interdisent encore de faire du tourisme dans cette petite île des Caraïbes ».

Dans cet article publié le 25 mars dernier dans « La Lettre de Temas », José Luis Perello porte un regard objectif et critique sur la situation du tourisme international dans son pays en direction de 2017.

Un regard sur le tourisme international à Cuba vers 2017

Par José Luis Perello, traduction : Juanita Sanchez.

Cet article fait partie du dossier La Lettre de « Temas » : Comment 2017 s’approche de Cuba ?

Depuis janvier 2015, dans un climat de détente dans les rapports entre Cuba et les États-Unis, le tourisme international dans la plus grande île des Antilles a enregistré des croissances importantes concernant le nombre de visiteurs. Depuis cette date, 7 560 000 personnes ont visité l’île.

Les voies pour entrer à Cuba se sont multipliées avec des nouvelles lignes aériennes qui desservent plus d’une centaine d’aéroports dans toutes les régions du monde. Le tourisme de croisières enregistre une forte croissance avec la présence de grands navires dans les ports de La Havane, Cienfuegos et Santiago de Cuba ; ainsi qu’à d’autres points d’accostage autour du long archipel cubain.

La Havane, de par son image cosmopolite qui l’a toujours identifiée, est redevenue la principale destination touristique de Cuba.

En 2016, 2 134 968 visiteurs sont arrivés à la « capitale de tous les cubains », ce qui représente une croissance de 26,6% par rapport à l’année précédente : de ce nombre 1 718 474 sont arrivés par l’aéroport José Marti et 112 991 par le port de La Havane.

A la fin de l’année, cette ville a enregistré une occupation de 74,9% des chambres d’hôtel disponibles et une estimation de 90% de chambres louées parmi les 8 593 habitations du secteur non étatique, pour un total de 350 600 visiteurs étrangers, dont la majorité sont des étasuniens et des européens.

Pourtant, face à un scénario si nouveau, l’offre cubaine n’a pas montré de nouveaux changements et les restrictions auxquelles le domaine touristique cubain doit faire face sont toujours présentes : manque de ressources matérielles et financières, dualité de monnaie, manque d’entretien des installations, détérioration et absence d’une infrastructure d’accès (aéroports et ports) et pauvre qualité des services, parmi d’autres.

Depuis des années les programmes de développement touristique ont ciblé la demande importante d’un tourisme de soleil et de plage en provenance du Canada et de l’Europe, engagé avec les grands tour-opérateurs et les paquets du tout inclus.

On n’a pas prévu que dans un délai court la vision de la normalisation des politiques pourrait changer : ni celle des États-Unis, ni celle de l’Union Européenne.

Face à cette situation le programme de développement de l’hôtellerie a ciblé les côtes avec des plages qui maintenant concentrent 45,5% des 382 installations d’hébergement et 73,3% des 66 547 chambres du pays. Le logement privé vient s’ajouter en qualité d’offre complémentaire en disposant de 17 790 chambres dans les « casas particulares » (chambres chez l’habitant).

D’autre part, au cours des deux dernières années des nouveaux genres de touristes sont arrivés à La Havane, motivés par des buts différents de celui du soleil et de la mer. Il s’agit de visiteurs qui explorent les villes à la recherche de la singulière culture cubaine et qui souhaitent connaître l’idiosyncrasie et les espaces de vie des cubains.

Dans ce nouveau décor le souci n’est pas celui des « impacts sociaux » du tourisme car l’époque est révolue et depuis deux décennies Cuba a reçu plus de 45 millions de visiteurs internationaux.

Le problème se pose au niveau des « impacts de consommation » de ces voyageurs, qui exigent de la qualité dans les services et demandent une offre variée des produits. Il ne s’agit plus du marché du soleil et de la plage à la manière du « all inclusive » qui caractérise le modèle du tourisme cubain, mais d’un visiteur qui s’intéresse aux activités culturelles, à la nature, les sports nautiques et le contact authentique peuple-peuple.

La nouvelle étape de l’activité touristique à Cuba exige donc de passer d’un modèle de développement littoral-hôtelier et d’une politique géopolitique, vers un modèle intensif qui met l’accent sur une stratégie capable de faire correspondre la diversité de l’offre à la nouvelle demande.

Pour réussir une offre satisfaisante ciblée vers ce nouveau touriste, la participation active de l’offre non étatique doit jouer un rôle principal dans ce domaine. Cette participation active est justifiée par le besoin de garantir des espaces de logement, restauration, repos et récréation capables de satisfaire les demandes croissantes du flux de visiteurs.

Le manque d’entretien, la détérioration cumulée de l’infrastructure de l’industrie de l’hôtellerie exige une reconstruction à court terme en même temps que le renouvellement de la technologie dans les secteurs des communications, de la construction et du transport, qui doivent créer des synergies pour offrir un produit vraiment intégral, contemporain et différent.

Augmenter la compétitivité de la destination à partir de l’augmentation de la qualité des services et de la variété de l’offre.

Il est connu que dans le domaine des services touristiques la production et la consommation ont lieu simultanément, ce qui fait que la demande joue un rôle fondamental dans la conception des innovations propres du secteur, tout spécialement celles qui ciblent les nouvelles offres et l’amélioration des produits existants.

Cette innovation des produits peut être considérée comme des actions prévues dans la conception, l’adaptation des séjours ou des visites par thèmes dans le territoire ou comme résultat de la combinaison d’activités comprises dans une offre.

On ne satisfait pas les demandes du nouveau touriste en ne créant que des nouvelles randonnées, routes et circuits.

D’autre part, faire des innovations dans l’organisation exige que la conception de la structure soit nouvelle et accompagnée par le caractère opérationnel des fonctions propres du service aux touristes.

En résumé, la création d’innovations dépend de décisions prises par les chefs d’entreprises ou les gestionnaires des destinations (publics et privés), dans l’objectif d’améliorer la compétitivité de l’offre, face à d’autres destinations concurrentes.

Le tourisme est construit en fonction des paysages attractifs, des patrimoines historiques et culturels, qui dans ce cas constituent l’offre. Et l’exercice de construction de cette offre est lié à ce que les acteurs locaux valorisent consciemment leur espace de vie.

Il s’agit de reconnaître le territoire quotidien dans lequel des générations ont habité : villages, quartiers, rues, lacs, lagunes, forêts, montagnes et vallées, tous, éléments d’un paysage qui quoique quotidiens doivent être regardés maintenant avec objectivité, à distance, pour les apprécier, leur donner leur valeur, pour que, avant de devenir des attractifs touristiques ils redeviennent des objets d’attraction et d’innovation pour les propres habitants du territoire.

Ne confier qu’à l’attractif naturel comme les plages, la campagne verte ou la culture en tant que manifestation artistique peut conduire à l’immobilité ou à l’excès de confiance en recréant « toujours la même chose ».

Le renouvellement continu des produits et des offres c’est ce qui garantit la base et la croissance des standards dans un marché chaque fois plus hétérogène, exigeant et segmenté.

C’est la raison pour laquelle les investissements planifiés comprennent des hôtels de haut standing dans les villes, et des hôtels style boutique, des balnéaires et des spa, des parcs thématiques, des installations culturelles et sportives, des terrains de golf, des marinas, dans une ambiance où l’on perçoit l’authenticité d’une culture.

Cela ne veut pas dire qu’aujourd’hui on va abandonner l’important tourisme de soleil et de plage « tout inclus » qui fait aussi partie de l’identité et de la culture du tourisme cubain et des Caraïbes ; l’accueil sera donné aussi à ce marché non négligeable qui ne conçoit ses vacances que sous le soleil, sur le sable, au bord de la mer dans un endroit sûr et hospitalier.

CUBA dans l’Année Internationale du Tourisme Durable

Un développement durable du tourisme veut dire passer d’un développement qui n’a été conçu que dans des termes quantitatifs -basé sur la croissance économique- à un type qualitatif où les liens économiques, sociaux et environnementaux ont des relations étroites dans un cadre institutionnel, démocratique et participatif, ce qui suppose d’avancer simultanément dans ces trois directions. C’est à dire que l’on ne peut parler de « tourisme durable » que lorsque les destinations touristiques ciblées se développent et sont gérées sur des bases durables.

Le tourisme international, en tant que partie de la mondialisation n’est pas un système fermé et son développement doit être compris comme un processus.

Un processus est durable quand le système, dans ce cas le tourisme, a développé la capacité de produire à un rythme dans lequel les ressources qu’il utilise et dont il a besoin pour fonctionner ne s’épuisent pas et qu’il ne produit pas plus de polluants que ceux que son environnement peut absorber.

De ce qui vient d’être exposé on comprend qu’il faut tenir compte de la « capacité de soutenabilité » du système, ce que le « Programme de Développement du Tourisme par étapes » a élaboré à partir du « Schéma National d’Organisation du Territoire », dans lequel on estime que la capacité de soutenabilité est définie par l’activité maximale que le système peut maintenir à long terme sans se dégrader.

Pour le secteur du tourisme cubain, 2017 devra enregistrer une croissance inclusive qui garantisse la soutenabilité moyennant l’innovation permanente en tant que réponse aux changements du marché et devra rendre réellement dynamique l’économie en équilibre avec l’environnemental et le social . . . parce que le pays s’apprête à recevoir un peu plus de 4,2 millions de visiteurs internationaux . . .