Sur scène et dans la vie

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L’Uruguayen Daniel Viglietti fut une grande figure de la chanson populaire latino-américaine

Le compositeur et interprète Daniel Viglietti, dont l’œuvre appartient au patrimoine de la chanson latino-américaine populaire, s’est éteint lundi 30 octobre à Montevideo, à l’âge de 78 ans. En octobre, l’Uruguayen était à La Higuera, en Bolivie, pour commémorer le 50 e anniversaire de l’assassinat du Che Guevara. Il préparait un concert à l’opéra de Montevideo lorsqu’une crise cardiaque l’a emporté. Une foule immense a accompagné son enterrement.(Denis Merklen, Le Monde, 7 novembre 2017)

Daniel Viglietti fut l’un des plus précieux libertaires. Il vient de mourir à 88 ans.

Extraits de l’article de Denis Merklen, professeur à l’Institut des Hautes études de l’Amérique latine, publié dans Le Monde du 7 novembre / Posté par Michel Porcheron

Musicien, grand représentant de la nouvelle chanson latino-américaine des années 1960, Daniel Viglietti est mort lundi 30 octobre, à Montevideo, à l’âge de 78 ans.

La musique latino-américaine perd l’un de ses plus grands compositeurs, la gauche l’un de ses plus précieux libertaires, les Uruguayens leur troisième main, la mano impar.

Il était un virtuose de la guitare, admiré des plus grands de son temps : Violeta Parra au Chili, l’Argentin Atahualpa Yupanqui, le Cubain Silvio Rodriguez ou le Brésilien Chico Buarque. Daniel Viglietti, écrit Denis Merklen, surprenait car il y avait dans sa guitare une « main impaire » qui venait perturber l’ordre de l’harmonie, qui était là pour altérer la séquence mélodique. Une forme esthétique en syntonie avec l’humanisme politique qu’il a cultivé toute sa vie.

Né le 24 juillet 1939 dans la capitale de l’Uruguay, Daniel Alberto Viglietti Indart était le fils du colonel et guitariste Cedar Viglietti et de la pianiste Lyda Indart. D’une solide formation classique, il se consacra à la musique populaire qu’il composait et interprétait avec grande sophistication. Ses chansons ont été reprises par des interprètes comme Mercedes Sosa, Victor Jara ou Marc Ogeret en France.

A partir de 1964, il enregistre cinq disques qui demeurent le cœur de son œuvre :

Hombres de nuestra tierra (1964), Canciones para el hombre nuevo (1968), Canto libre (1970), Canciones chuecas (1971) et Tropicos (1973). Ces titres connaîtront une longue carrière internationale. Ainsi, en 1968, Le Chant du monde édite Canciones para mi America, prix Charles-Cros, réédité en 1997 par Buda Musique.

Emprisonné au début des années 1970

Selon Denis Merklen, les titres de ces disques intègrent vite le patrimoine de la chanson latino-américaine : A desalambrar (« enlevons les clôtures »), écrite comme un réquisitoire contre la propriété rurale, devient un véritable hymne pour la liberté. En outre, Daniel Viglietti met en musique magistralement des poèmes de Rafael Alberti, Nicolas Guillén, César Vallejo ou Federico Garcia Lorca et réinterprète des auteurs comme Violeta Parra ou Atahualpa Yupanqui.

En 1972, il est emprisonné et ses chansons, considérées « perturbatrices », sont interdites en Uruguay. A la suite d’une intense mobilisation populaire et d’une campagne internationale à laquelle prennent part Oscar Niemeyer, Julio Cortázar, Jean-Paul Sartre, François Mitterrand, il est libéré mais doit partir en exil, il s’installe à Paris où il reste jusqu’en 1984.

De retour à Montevideo, il enregistre Trabajo de hormiga lors de concerts géants donnés en 1984 au stade Luna Park de Buenos Aires contenant des titres d’une délicatesse musicale unanimement saluée comme Anaclara ou Milonga de andar lejos. Il commence une série internationale de concerts en duo avec l’écrivain uruguayen Mario Benedetti dont résultera un disque en deux volumes, A dos voces (1985 et 1987).

En 1993 paraît Esdrujulo, l’œuvre, pour Denis Merklen, la plus intimiste du musicien où ses angoisses et ses déchirements prennent une forme esthétique unique. Son album de 2004 porte un titre pour une fois biculturel : Devenir. Fidèle à son public français, il donna son dernier concert parisien le 2 novembre 2016 à la Maison de l’Amérique latine.

Proche des Tupamaros de l’ancien président José Mujica, sa chanson avait une forte racine libertaire qui l’amena à accompagner de nombreux mouvements révolutionnaires, jusqu’aux zapatistes mexicains des années 1990. Il était un compagnon infatigable des Mères de la Place de Mai à qui il consacra la chanson Otra voz carta sur des vers de la poétesse Cirse Maia : « Juste derrière ma voix, écoute, écoute, une autre voix chante. »

DENIS MERKLEN (PROFESSEUR À L’INSTITUT DES HAUTES ETUDES DE L’AMERIQUE LATINE)

VOIR AUSSI :

http://www.cubadebate.cu/noticias/2017/10/30/murio-el-cantautor-urguayo-daniel-viglietti/#.WgR4FnbkV49

https://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Viglietti