Hemingway : Petit périple pamplonais.

Partager cet article facebook linkedin email

La légende espagnole d’Ernest Hemingway – il a alors 24 ans- commence à Pamplona (Pampelune), capitale de la Navarre, le 6 juillet 1923, veille de la San Fermín. Venant de Paris, à défaut d’une chambre à l’Hôtel La Perla, il avait trouvé un logement au 5 rue de Eslava. Ce sont les cinq corridas de ces Sanfermines qui « ont rendu Hemingway véritablement aficionado » (Pierre Dupuy). Entre 1923 et 1959, il ne se rendit aux Sanfermines de Pamplona qu’à neuf reprises. Mais pas une autre ville espagnole ne célébra le Yankee de l’Illinois avec autant de ferveur populaire. Depuis 58 ans, Don Ernesto y est toujours vivant, tout au long de l’année, avec bien sûr un pic lors des Sanfermines annuelles du début juillet.

Aucun Navarrais n’a oublié que l’écrivain américain honora Pamplona dans « Le Soleil se lève aussi » (The Sun also rises, 1926, Fiesta en espagnol) , son premier grand livre. Les Espagnols, Navarrais en tête lui ont consacré de nombreux ouvrages.

Pour la Feria de juillet 1961, ses amis navarrais lui avaient réservé une chambre à La Perla et des places pour les corridas. La vie, en fait la mort, en décida autrement. Il fut enterré le 7 juillet, le jour de la San Fermín. Antonio Ordoñez torea trois courses, les 7, 10 et 11 juillet. Dans la chapelle de l’église San Lorenzo, le torero fit dire une messe de Requiem, y assistèrent Antonio, Juan Quintana, le vieil ami de Hem, Orson Welles, l’actrice française Alexandra Stewart, Pierre Dupuy, et beaucoup de Pamplonais et d’étrangers. Le culte du Yankee était lancé.

Le journaliste Jean-Baptiste Roch s’est posé sur la Pampelune d’Hemingway, pour une virée automnale rapide mais profitable destinée à tous, aficionado ou non (pour Télérama, 11 novembre)

Quelques pas sur la Pampelune d’Hemingway

Texte de Jean-Baptiste Roch (Télérama)/ Posté par Michel Porcheron

Des abords des arènes aux ruelles de la vieille ville, en passant par la campagne alentour, la présence d’Ernest Hemingway (1899-1961) saute aux yeux. En posant ses valises à Pampelune, le 6 juillet 1923, Ernest Hemingway, 23 ans, est pourtant loin de se douter qu’il y laissera son empreinte. Plus encore qu’à La Havane ou à Paris, ses autres villes de cœur. Comme chaque année depuis le Moyen Age, la ville de Navarre, nichée au pied des Pyrénées, s’apprête alors à célébrer San Fermín, son saint patron.

Fasciné par la fiesta populaire qui s’ensuit et les corridas, le jeune reporter du Toronto Star s’éprend de la cité basque, qui lui révèle sa vocation d’écrivain, l’éduque à la bonne chère, au vin et au goût de la fête. Il lui déclare sa flamme dans un premier roman intitulé Le soleil se lève aussi, publié en 1926, dont le succès (ainsi que le prix Nobel, en 1954) con­fère à la ville espagnole une renommée mondiale. Et une bonne partie de son attrait touristique actuel : chaque année, des millions de touristes affluent du monde entier pour participer aux ferias. Sous l’œil d’Hemingway.

Plus de quatre-vingt-dix ans après son arrivée, on part à sa recherche sous un soleil automnal encore piquant, par le chemin emprunté dans Le soleil se lève aussi.

« Nous passâmes devant les arènes, hautes et blanches, faites de ciment, puis nous gagnâmes la grande place », raconte Jake Barnes, le narrateur. Sur cette « grande place » del Castillo, ce jour-là, le café Iruña, havre fa­vori de l’écrivain, est dépeuplé. Mais une fois assis, on imagine aisément Hemingway et ses amis à la table voisine, dégustant comme tous les jours son fameux ajoarriero, plat local à base de morue et d’ail, le tout arrosé d’une bouteille ou deux de rioja. Au fond de l’établissement, ce bon vieux Ernest veille au grain, figé dans le bronze et accoudé au bar, pour l’éternité.

Le café Iruña, institution pamplonesa, fondée en 1888, a immortalisé dans le bronze le plus illustre de ses clients. © Photo Guillaume Rivière pour Télérama

Le village d’Aribe, perdu dans la forêt et traversé par la rivière Irati, est le paradis des pêcheurs de truite. Lors de ses neuf séjours dans la ville, entre 1923 et 1959, Hemingway tisse des liens d’amitié avec les commerçants, les patrons de bar, et même des toreros, tel Antonio Ordoñez, dont le père, Cayetano, lui inspira le personnage du jeune matador dans le roman. Il fréquente assidûment des bars de la place del Castillo. En restant dans ce périmètre, Hemingway peut ainsi rejoindre en quelques pas — de travers ? — son hôtel, situé sur la place. Mais c’est dans un autre établissement que sa présence perdure aujourd’hui : l’hôtel La Perla et sa chambre 217, d’où Hemingway assistait à l’encierro (« lâcher de taureaux ») partant du superbe bâtiment de l’hôtel de ville jusqu’aux arènes, via la calle de la Estafeta.

Lorsque le trop-plein d’agitation lui pèse, Hemingway s’exile quelques jours dans la campagne environnante, au pied des montagnes pyrénéennes. A l’est de Pampelune, on suit sa trace sur les bords du lac aux eaux turquoise de Yesa, où il aimait flâner. De là, il lui était facile d’explorer le Foz de Lumbier, spectaculaire canyon où serpente l’Irati. Plus au nord, c’est dans cette même rivière au cours sauvage qu’Hemingway traquait la truite des heures durant, à Auritz-Burguete. Dans ce village aux bâtisses rouge et blanc typiques, on emprunte la voie qu’il parcourait à pied, seul ou avec des amis, pour aller pêcher.

Des lieux magiques

Dans le petit village d’Aribe, perdu au milieu de la fascinante hêtraie d’Irati, les habitants racontent qu’Hemingway se postait sur les berges touffues de la rivière, armé d’une outre de vin ou de quelques bouteilles de bières. Les lieux, paisibles et magiques sous les couleurs de feu de l’automne, se prêtent à d’infinies rêveries. Tout comme le village de Roncevaux, plus au nord, dont le monastère sert encore de refuge aux pèlerins de Compostelle.

A l’Hostal Burguete, de la fenêtre de la chambre 27, où Hemingway avait ses habitudes (et où son portrait orne les murs), on tente comme lui d’apercevoir les montagnes à travers l’épais brouil­lard. Au rez-de-chaussée, dans la salle du déjeuner aux boiseries sombres, un piano trône discrètement. Une employée des lieux soulève le couvercle à notre attention. L’illustre touriste y a gravé : « E. Hemingway, 25-07-1923. »

JB.Roch/mp

On peut consulter :

http://www.turismo.navarra.es/fre/organice-viaje/recurso/Rutas/4798/Ruta-de-Ernest-Miller-Hemingway.htm

L’itinéraire de l’encierro (que n’a jamais couru Hemingway) dans la vieille ville de Pamplona.

En 1968, en accord avec Mary Welsh, la veuve de l’écrivain, la Ville de Pamplona fit ériger, à l’entrée des arènes, une statue imposante, portant sur le socle les mots suivants en majuscule :

ERNEST HEMINGWAY

PREMIO NOBEL DE LITERATURA

AMIGO DE ESTE PUEBLO Y

ADMIRADOR DE SUS

FIESTAS

QUE SUPO DESCRIBR Y ROPAGAR

LA CIUDAD DE PAMPLONA

SAN FERMIN

1968