Eusebio Leal « Ma patrie est l’endroit où j’ai combattu, pas seulement celui où je suis né » 

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Le 14 décembre 2017, la journaliste écrivaine Sheyla Delgado Guerra rencontrait Eusebio Leal :
« Mon interlocuteur d’aujourd’hui est peut-être, après Fidel, l’un des intellectuels qui a le plus focalisé, lors des dernières décades, l’attention des médias et est « recherché » à Cuba par la presse.
Il enchante par la parole, il pénètre par son intelligence. C’est un semeur dans le cœur pavé d’une ville. Il est presque toujours vêtu de gris ou de couleurs sombres si on le regarde de l’extérieur. Celui qui le regarde à l’intérieur se brûle au contact de la lumière qui recouvre son âme ».

Une interview publiée dans Cubadebate le 18 décembre.

C’est la sixième fois que je l’ai face à moi et il me semble que c’est la première. À un homme comme lui on aimerait poser mille et une questions, mais en même temps on ne sait pas par où commencer, parce que c’est une chose d’écouter l’histoire d’un temps ou d’une ville racontée par lui, et une autre bien différente, d’entrer dans le monde et dans l’histoire, contée à la première personne, par Eusebio Leal Spengler.

Quand et comment le premier livre est-il arrivé entre les mains d’Eusebio ?

« Les premiers livres furent quasiment une découverte archéologique. Ma maman était femme de ménage dans la maison d’une famille de la classe moyenne. Lorsqu’ils partaient en vacances chaque année, ma mère entretenait la maison et elle m’emmenait avec elle.

Moi j’étais très petit et c’était une très belle maison de la rue Saint Lazare. Nous montions par un escalier de service parce que tout le reste était fermé à clé. Nous entrions dans leur univers, ma mère ouvrait les fenêtres supérieures, commençait à nettoyer et il y avait certains endroits où nous n’entrions pas, mais dans la chambre des enfants, j’avais leur autorisation expresse de jouer avec leurs affaires.

Il y avait un meuble étrange dans un coin ; derrière cette petite armoire j’ai découvert un lion, des flèches et un arc avec lesquels je me suis amusé quelques jours. Mais il y avait une porte mystérieuse qui ne s’ouvrait jamais et, désobéissant à ma maman, j’ai ouvert la porte et j’ai découvert quatre étagères du sol au plafond avec seulement des livres pour enfants. Il y avait Robinson Crusoé, Edgar Allan Poe, Alexandre Dumas, Jules Verne, il y avait une collection qui s’appelait Le trésor de la jeunesse. Et là, les illustrations étaient fascinantes. Il y avait beaucoup de livres de contes avec des images. Ce sont donc les premiers livres.

Comme je vivais dans la rue Hôpital, entre les rues Santé et Jésus Peregrino, l’école était très proche de Charles III, de la rue Castillejo, la « lomita » et la bibliothèque de la société économique. J’allais déjà à l’école et en primaire je suis allé à la bibliothèque où je fus reçu avec la plus grande gentillesse du monde.

Cet immeuble, pour moi, est attachant avec ses énormes médaillons dorés comme les monnaies anciennes de Charles III, le buste de Gertrudis Gomez de Avellaneda à l’entrée, un jardin avec une fontaine et, au bout, le petit escalier qui monte à la bibliothèque enfantine. Là bas aussi les premiers livres et, à partir de ces premiers livres, le monde s’est ouvert. Là sont apparus les grands auteurs, apparu le Comte de Monte Cristo et toutes ces merveilleuses œuvres littéraires .

C’est par là que j’ai pris le chemin ».

Quel espace a occupé et occupe aujourd’hui la lecture dans votre vie ? Habitude, passion, nécessité ?

« Les livres m’ont presque « expulsé » de ma maison. Entre l’année dernière et l’année précédente j’ai donné la moitié de ma bibliothèque au Collège universitaire San Geronimo et à la bibliothèque d’architecture du bureau de l’historien de la ville. Ensemble, ils forment un total approximatif de 8000 livres.

Cependant, hier je pensais qu’il était nécessaire de retirer de ma chambre quatre ou six livres empilés à côté de moi sur une petite table. Sur la table de la salle à manger en ce moment il y en a environ douze ou quatorze, en montant l’escalier il y en a plusieurs et je dois réfléchir si je les incorpore à ma bibliothèque ou si je les rends, ou si je les donne à la bibliothèque que j’ai fondée. Pourquoi ? Parce que je n’aurai pas le temps de les lire, maintenant ce que je fais ce sont des consultations : je lis, je consulte et je suis toujours en train de lire un livre... je vais terminer celui là et j’en prends un autre, et un autre.... mais il n’y a plus de temps matériel, (en comptant les jours, les mois, les années) pour lire. Ensuite, le reste est une sorte de récréation hédoniste dans les livres. C’est pour cela qu’une partie des étagères est déjà vide ».

Un gros plan sur l’Eusebio intellectuel avec une empreinte indélébile dans les sciences sociales ( Prix national dans cette section) et à l’écrivain Eusebio.

Eusebio Leal reçoit le Prix national des Sciences Sociales

« Il y a une école à Cuba qui parfois ne paraît pas être à la mode : l’expression orale publique. Lorsque quelqu’un fait irruption dans ce domaine, il s’avère qu’il provoque une sorte de surprise, dans certains cas jusqu’à de l’inquiétude parce que je n’ai jamais rien lu.

Cependant j’étudie et je me prépare avec la grande inquiétude, qu’au dernier moment, l’émotion de la parole me prive de dire quelque chose qui était fondamental.

J’étudie toujours, jusqu’à un moment. Je ne suis pas de ceux qui sont derrière la porte en attendant de lire le dernier paragraphe pour l’examen. La nuit précédente je mets fin à l’étude du sujet et je me dis que ce qui n’est pas dans ma tête n’y sera pas. Le reste je le réserve à ce que l’esprit sait.

Lorsque je dicte des lettres par exemple, j’essaie qu’elles ne soient jamais identiques, même si c’est pour donner des réponses administratives. Quelques-unes ont été si originales que certaines réponses ont provoqué des scandales. Je vous dirais que j’essaie de le faire.

Comme lorsque je dédicace des livres. Je m’abstiens de faire des dédicaces semblables, elles doivent toujours être créatives ; sauf lorsque quelqu’un m’apporte un livre que je n’ai pas écrit et qui me met dans un compromis. Il me dit : « non, c’est seulement parce que je veux avoir un souvenir de vous » ; dans ce cas je ne signerai qu’une page. Mais en aucun cas une œuvre qui ne soit pas la mienne.

Mes œuvres ? Celles qui ont réuni la mémoire. Par exemple, ma biographe, Magda Resik, a mis plusieurs semaines à retranscrire quelques-unes des paroles que j’ai prononcées dans une circonstance très importante. Et logiquement, très peu de personnes ont comme elle, la capacité de pouvoir retranscrire un orateur et non un écrivain. Parce que parfois l’idée est répétée et reprise. Parce qu’une chose est de regarder les yeux du public, en essayant d’exercer un travail persuasif sur les consciences, c’en est une autre d’être assis tranquille. Entre autres choses, parce que je n’utilise pas d’ordinateur. Il y a deux ans et demi j’ai abandonné le téléphone portable et je ne veux pas en entendre parler. Par conséquent je suis déconnecté de cette réalité technologique. Je l’admire.

Bien sûr, j’ai eu la chance que d’autres me recherchent les nouvelles. Mais en général tout est ce que conserve ma mémoire, les fiches. Je peux toujours mettre de côté un travail que je dois dicter sur un thème historique et dire : « cherchez-moi dans le livre telle ou telle chose, cherchez-moi ceci dans l’œuvre, ou nous allons mettre l’exergue de ce côté, en accord avec la conceptualisation de l’idée ».

Quand on a annoncé que la 27ème édition de la foire internationale du livre serait consacrée à la personnalité du Dr Eusebio Leal Spengler... quels sentiments l’ont habité ? Quelle a été la réaction à l’annonce de cette nouvelle tant méritée ?

La Foire Internationale du Livre à la "Cabaña"

« Les honneurs ni se réclament, ni ne peuvent être refusés. Ce serait un acte de vanité, en outre il ne me viendrait pas à l’idée de dire : « je ne le mérite pas » ce serait mépriser le jury.

J’ai été très surpris et cela m’a beaucoup touché. Je l’ai dit très sincèrement à Juanito (président de l’institut cubain du livre) ainsi qu’à Edel. J’ai été très ému pour une simple raison : parce que depuis plusieurs années je sais que ma candidature a été présentée et ma vie a été consacrée à la préservation des sources : archives, bibliothèques... Par exemple, la photothèque du bureau de l’historien de la ville en contient aujourd’hui 1.500.000. Les bibliothèques sont nombreuses.

Dans celle d’histoire Francisco Gonzalez del Valle qui appartenait à Emilio Roig, on m’a remis une centaine de livres, aujourd’hui il y en a mille et de plus des livres de grande valeur. Les archives historiques possédaient seulement les Actes des Chapitres.

Durant les moments plus difficiles nous avons acquis des centaines de milliers de documents par donation mais également en les acquérant économiquement.

Mais cette bibliothèque n’a pas été fondée seule. J’ai fondé les bibliothèques Alfonso Ryes de la maison du Mexique et Vincentina Antuña dans ce qui est aujourd’hui Dante Alighieri, la bibliothèque d’architecture dédiée aux illustres architectes Mario Coyula et Fernando Salinas, la bibliothèque bolivarienne pour n’en citer que quelques-unes.

Par conséquent la préservation du patrimoine national impliquait un acte de mémoire historique, un acte de culture, partagé modestement par moi et mes collaborateurs présents et ceux qui ne le sont pas et surtout avec mes prédécesseurs.

Ma candidature y a été présentée quelques fois et quelqu’un me disait toujours : « le vote n’a pas permis que tu aies le prix de littérature ». Le prix des sciences sociales m’a beaucoup plu et m’a beaucoup réjoui. Je désire le prix et j’en suis heureux parce que c’est le prix pour une œuvre, non pour une personne. Surtout qu’ils me l’ont donné avec beaucoup d’affection lorsque presque tout le monde pensait que j’allais mourir. Comme je ne pouvais pas m’en aller sans ce parchemin, le jury, ému me l’a octroyé.

Mais je suis heureux parce que j’ai vécu pour le voir. Et je vais vivre pour pouvoir me présenter modestement et avec mes modestes livres à la foire du livre et j’essaierai d’être dans tous les lieux que je pourrai.

Ma gratitude est éternelle pour l’Institut, pour Juanito, pour Edel, pour le ministre Abel, pour le jury composé de personnes respectables et merveilleuses, toutes celles qui m’ont diverti le jour de la nouvelle avec le plus grand enthousiasme et la plus grande affection ».

L’histoire en général et La Havane en particulier ont absorbé la quasi totalité de votre vie.Pourrait-on dire que c’est une relation d’amour nécessité et d’amour oxygène ?

Face au 500ème anniversaire de la fondation de cette ville,dans ce que vous avez appelé « un mouvement perpétuel d’actions » pour cette ville merveille, en quoi consiste pour le Docteur Eusebio Leal la merveille de la Havane ?


« Elle a toujours été merveilleuse pour moi. La Havane que j’ai connue, la Havane qui a changé, la Havane actuelle. La Havane dans sa splendeur, dans ses petites choses. La Havane dans ses zones obscures rénovées, La Havane dans ses zones obscures non rénovées. La Havane dans ses zones détériorées et qui se reconstruit comme un acte d’amour mais bien sûr avec des moyens matériels. N’oublions pas que la restauration nécessite de l’argent, de l’argent, plus d’argent. Et jusqu’à quel point le pays peut-il disposer de ce qui est nécessaire ? C’est le pire moment pour désirer ce qui ne se peut pas. Le pire moment. Mais si nous y mettons tous un peu du nôtre on y parviendra.

Quand je vois que des personnes acquièrent une maison et la restaurent bien, je suis heureux. Pas quand je vois que les banlieues émergent dans la ville et qu’apparemment personne ne se rend compte qu’est en train de surgir une architecture de la nécessité, mal guidée ; parce que bien guidée elle pourrait être modeste mais belle. La Havane a toujours eu des quartiers simples, mais quand je vois ces bidonvilles qui surgissent, je vois la ville en danger et je vois que parfois il est plus facile de démolir que reconstruire. Je suis très inquiet.

Je suis né dans un immeuble dans le centre de La Havane, je connais donc les charmes de la vie d’une communauté …... ordonnée. L’endroit dans lequel je suis né (660, rue de l’hôpital) était un lieu très humble où nous n’avions qu’une seule pièce, nous n’avions ni salle de bains ni cuisine, néanmoins régnait l’ordre, régnait une discipline.

Ce sont les choses du passé que nous devons retrouver. Ce sens de l’honnêteté et de la décence qui vient du plus humble qui n’admet pas ce mépris avec lequel parfois dans un bus monte une femme avec un enfant et que personne ne se lève. Dans ce passé, pour tant de raisons, abominable, pour tant de raisons, digne, il s’avère que lorsque tu montais dans un bus tous les hommes se levaient, comme une espèce de danse.

C’est aussi La Havane.... La Havane du cinéma, La Havane des théâtres, La Havane des parcs et des jardins, La Havane des monuments et des statues. Quelle douleur de voir qu’à peine restauré un monument est recouvert de graffitis (et qui de plus sont faits avec un nouveau matériel qui pénètre le marbre et qu’il faut le creuser sur un millimètre, et qu’après avoir fini ils reviennent de nouveau).

Ou un monument satanisé parce qu’il appartient au passé. Imaginez ce que Lénine aurait pensé de tout cela lorsqu’il chargea Krupskaya, Lunacharsky et Dzerzhinsky de prendre soin des monuments de Russie et qu’ils les préservent des mouvements telluriques ce qui suppose une vraie révolution.

Il faut prendre soin de la décoration de la ville, de sa propreté, de son décorum. Comment est-il possible de sortir dans la rue en débardeur ? La Havane est une capitale pas un village. Et une capitale d’une grande nation Cuba. C’est La Havane ».

Vous êtes beaucoup plus que l’historien de cette ville. De la même manière que Radio la Havane est la voix du patrimoine, Eusebio Leal est la voix et l’héritage d’une grande part de notre histoire.Sa gestion indique que La Havane détient beaucoup de vous. Par conséquent combien de La Havane possède Leal Spengler ?

« Tout. Même si avec le temps je suis devenu plus universel, plus œcuménique.... si on me nomme demain historien à Baracoa, après que la peur me soit passée, je me sentirais comme un baracoanien, comme si on m’appelait à Santiago, Camaguey, Gibara ou Pinar del Rio. Ma patrie est le lieu où j’ai combattu, pas seulement celui où je suis né.

Je pense que c’est ainsi, de plus j’ai appris que chez les femmes, dans la culture, dans l’amitié on ne peut jamais faire aucune comparaison. Que chaque chose a son charme, que chaque chose est différente, que chaque chose est singulière.

Santiago est différente de Ciego de Avila. Heureusement, Ciego de Avila est différente de Camaguey, en étant le même grand territoire agramontais qui va d’une rivière à l’autre. Ce sont des identités. Une chose est la division politico-administrative, autre chose est l’histoire, autre chose est la culture.

Comment imaginer Cuba autrement ? C’est une union d’identités. Et La Havane c’est pareil. Quand je suis né il y avait 48 quartiers. Je me réjouis lorsque j’entre par les rues détruites de Cerro (ndt : nom d’un quartier de La Havane) à la recherche de l’ancienne la société du Pilar, cherchant dans tout ce quartier que j’ai connu parce que là-bas il y avait l’école où ma maman était concierge ».

En tant que fervent défenseur de la culture, de l’identité, de la nation j’aimerais connaître votre perception de la triade histoire-littérature-culture. Quelle est la clé de cette synergie pour la défense d’une nation en général et spécialement pour la défense de la mémoire, du patrimoine, et de l’identité de Cuba aujourd’hui ?


« Ce sont les écailles du poisson, les écailles métalliques blindées du chevalier. Pour te défendre tu dois avoir une cuirasse et la culture c’est la cuirasse. Mais ce n’est pas une cuirasse qui te prive de dialogue ; lorsque tu es avec des amis, des frères, des nations, des personnes, des institutions tu enlèves la cuirasse mais tu gardes l’âme.

Tu as par conséquent la musique, la poésie, la littérature, les expressions de l’art (ancien, moderne, contemporain), l’architecture, les « dictons populaires », l’identité de chacun.

Lorsque tu parcours Cuba, depuis Pinar del Rio jusqu’aux provinces orientales, tu vas voir comment la langue oscille et va se convertir en un discours commun, où les mots acquièrent une signification parfois différente, subtile, poétique. En orient on dit « pluma » (stylo) ici on l’appelle « llave »(clé) par exemple. Et toi, en parcourant le chemin, tu vas voir ces traits.... Et tout cela, un cosmos, c’est l’identité.

Au sein de l’Amérique, les Antilles forment une identité. Et entre elles, les Caraïbes, qui ont d’autres racines, mais qui s’unissent harmonieusement à partir d’une histoire commune de souffrance, de création, d’expectative, de rêves de liberté, d’harmonie. Et depuis lors, nous avons toujours voulu être l’Amérique, indépendamment du fait que nous sommes insulaires et en tant que tels nous vivons toujours à côté du littoral.

Nous devons absolument voir la mer. Quand tu entres dans une ville cubaine les gens rêvent de la mer. Voir la mer c’est très important pour nous. Quand tu te promènes la nuit sur le Malecon tu as la mer. Parce que tout est venu de la mer.« L’homo cubensis » n’existe pas. L’homme cubain, l’être humain cubain s’est formé avec les migrations, chacun a apporté son identité. Les peuples aborigènes vinrent un jour par les îles avec tous leurs rêves, leur mysticisme, leur vision de la création du monde, de l’océan.

Après sont arrivés ceux qui venaient d’Europe. Après arrivèrent ceux qui venaient de divers pays d’Afrique avec leurs rêves aussi, avec leur liberté arrachée, avec leur désir d’identifier chaque arbre, chaque créature, chaque oiseau, leur mysticisme propre. Après arrivèrent ceux du pays du lotus, comme le disait Dulce Maria. Ils se sont trouvés réunis dans cette Méditerranée et ont formé ce que nous sommes les cubains : un métissage qui naît de l’esprit et pas seulement du sang. Le sang appelle, mais la culture détermine ».

Février 2018 apporte non seulement le plus grand événement culturel du pays, mais également un moment décisif, un exercice de démocratie, avec des élections générales dans lesquelles les grands noms de la génération historique vont manquer.

Expectatives, défis qui apparaissent péremptoires pour notre nation ?

« Elle est entre les mains (la nation) de la nouvelle génération et des générations qui ont coïncidé avec l’histoire ou qui étaient déjà immergées dans la réalité cubaine. La validité de l’héritage réside dans sa capacité à l’administrer. La validité de l’héritage est de comprendre quels ont été les moments clés pour lesquels nous avons combattu, rêvé, souffert, vécu, pour lesquels nous sommes morts et ressuscités. Cela signifie la souveraineté nationale, l’intégrité de Cuba, le droit à l’intégrité de la nation, le droit à l’autodétermination, le droit à la prospérité (ce qui est très important), le droit d’aller de l’avant qui est en définitive le destin de chaque peuple, de chaque génération.

Si l’héritage que nous aidons à accumuler, a été transmis c’est la chose la plus importante. Pas comme celui qui croit à un slogan ou croit qu’il s’agit d’un dogme de peur que cela n’arrive pas, comme ce général d’empire qui, blessé à mort, a dit ces mots : dîtes à l’empereur que je me présente devant la postérité les mains vides ».

Ni la génération historique dirigée par Fidel, ni la mienne ne se présentent à la postérité les mains vides. Nous avons laissé quelque chose. Maintenant, le reste dépend de vous ».

Eusebio et Fidel dans la proximité, dans la culture ; oseriez-vous faire le portrait en mots du Fidel intellectuel ? A quoi ressemblerait ce portrait alors ?

Fidel et Eusebio

« Dans ce congrès mémorable de l’UNEAC (ndt :Union Nationale des Ecrivains et Artistes Cubains) au moment de la grande possibilité d’une confrontation mortelle avec notre adversaire il a dit : « la première chose que nous devons sauver c’est la culture, parce que c’est ce qui va sauver la nation, c’est ce qui amènera le phœnix à renaître d’une montagne de cendres ». C’est cela la culture, un phœnix.

Il croyait fermement à cela, et pour cela il a affirmé catégoriquement la culture, parce qu’il l’avait, et les idées parce qu’il les défendait et a su les défendre à tel point que comme le dit la chanson de Raoul Torres, qui est si belle, « il n’y a pas un seul autel sans une lumière pour toi » mais elle dit aussi que là, devant va « lentement sans cavalier un cheval pour toi ». Ceci est l’héritage : que ni la mort ne croit qu’il est mort. L’héritage est d’avoir su transcender, sans avoir besoin de statues ni monuments, ni d’essayer de forcer ou de lasser avec sa mémoire. Ni de créer une religion de sa mémoire. Fidel était (est) un homme d’idées. Et il est impossible de l’effacer de l’époque historique dans laquelle il a vécu, et il sera impossible de l’effacer de l’histoire de l’Amérique et du monde ».

Si Eusebio Leal était un livre quel titre aurait-il ? quel serait le prologue qu’il écrirait sur la façon dont il voudrait que les nouvelles générations de cubains se souviennent de lui ?

« Ta question est la plus difficile du monde. Imaginer ce que je voudrais être moi, quel acte de vanité si grand m’imaginer que j’écrirais un livre qui serait transcendant. Quel exergue pourrais-je placer dans ce livre, quel exergue ? Eh bien, franchement je ne sais pas ».

Et la meilleure réponse s’est réfugiée dans un silence fécond, un silence suscité par la voix intérieure d’une modestie qui l’empêche de voir la hauteur de son nom. Qui se refuse de voir de ses propres yeux la taille de son œuvre..... déjà dans les livres écrits pour être lus, qui sont les moins nombreux, déjà dans la collection des livres qu’il a récités pour que le temps les écoute . . .

http://www.cubadebate.cu/noticias/2017/12/18/eusebio-leal-mi-patria-es-donde-luche-y-no-solamente-donde-nazca/#.WjjswCNegUQ