La réforme constitutionnelle à Cuba...

La mémoire et la fidélité à notre histoire

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L’histoire constitutionnelle cubaine résume les luttes du peuple cubain pour l’indépendance et la souveraineté, la pensée créative de ses femmes et de ses hommes pour la construction d’un pays meilleur, les valeurs authentiques d’une nation qui aspire à se perfectionner chaque jour.

Publié le 5 juillet 2018 sur le site Granma International en français.

LA RÉFORME CONSTITUTIONNELLE À CUBA

Qui dit Patrie dit tout ce que nous revient de faire aujourd’hui quand, après l’adoption, voici plus de 150 ans, de la première Constitution à Cuba, nous sommes mis au défi de l’adapter à l’époque actuelle, ce qui veut tout simplement dire mûrir dans la construction de notre modèle de société socialiste, souveraine, indépendante, démocratique, prospère et durable.

Une responsabilité qui nous incombe à tous est la réforme constitutionnelle à Cuba, qui doit refléter les transformations économiques, politiques et sociales de ces dernières années. Mais cela ne saurait être séparé de l’histoire des textes précédents, ni des leçons que le cheminement de la nation nous a léguées.

« Les destinées des peuples s’expliquent aussi à travers leurs constitutions », a déclaré à juste titre l’avocat et Secrétaire du Conseil d’État Homero Acosta Alvarez, lors de la séance d’ouverture de la 9e Conférence nationale de la Société cubaine de Droit constitutionnel et administratif. De sages paroles qui résument notre engagement à défendre tout ce qui a été fait et à transformer ce qui doit l’être, comme nous l’a appris le leader de la Révolution.

De ce qui s’écrira aujourd’hui dans ces lettres sacrées, de leur respect absolu, dépendra la défense de nos droits et de nos principes fondamentaux. Ceux qui parlent de Cuba en termes d’égalité et de justice, ceux qui ont fait de notre pays une référence pour l’humanité.

La ligne du temps

Constitution de Guaimaro (1869)

La Constitution de Guaimaro, rédigée par l’Assemblée tenue en avril 1869 dans cette ville de Camagüey, fut le premier texte constitutionnel entré en vigueur sur le territoire cubain. Il avait pour but, notamment, de réaliser l’organisation et l’unité du mouvement révolutionnaire amorcé par Carlos Manuel de Céspedes, le 10 octobre 1868, et de former un gouvernement national ayant autorité sur l’ensemble du territoire de la République. Cet événement unique dans l’histoire de la nation donna naissance à la première République de Cuba en armes, avec la rédaction de la première Constitution, composée d’un préambule et de 29 articles. Le texte constitutionnel proclama la liberté et l’égalité de tous les citoyens, avec l’abolition de l’esclavage à Cuba, établit les organes directeurs et reconnut l’importance de la lutte de libération comme une voie nécessaire pour obtenir l’indépendance. Bien que son application, comme le reconnaissent les chercheurs, devint plus complexe dans le scénario de guerre en raison de l’intervention civile dans l’armée, entre autres éléments tels que les régionalismes, le manque d’unité et les indisciplines qui firent avorter la première guerre pour la liberté de Cuba, cette Constitution posa un jalon indispensable pour l’avenir.

Constitution de Baragua (1878)

Après les événements du Zanjon et la Protestation de Baragua, fruit des idées du Titan de Bronze Antonio Maceo et de la volonté affirmée de poursuivre la lutte jusqu’à obtenir la liberté définitive de Cuba, fut adoptée la plus courte des Constitutions de nos guerres d’indépendance, qui ne comprenait que cinq articles. La deuxième Loi fondamentale cubaine institua un gouvernement provisoire pour diriger la Révolution, qui serait composé de quatre personnes. Les fonctions législatives et exécutives furent regroupées au sein de cet organe, sans tenir compte de la notion de trois pouvoirs assumés par la Constitution de Guaimaro.

Constitution de Jimaguayu (1895)

La lutte fut reprise en février 1895, sous la direction du Parti révolutionnaire cubain, créé par José Marti. Cependant, la mort du Héros national aggrava les divergences politiques, qui rendirent irréversible la décision d’adopter un nouvel ensemble de règles juridiques. C’est la raison pour laquelle la Constitution de Jimaguayu fut adoptée le 16 septembre 1895, composée de 24 articles et qui surmontait les contradictions entre le commandement civil et militaire, à la suite de l’expérience de la Guerre de dix ans. Ainsi, un conseil d’administration fut créé, investi de prérogatives administratives et législatives, le commandement militaire jouissant d’une autonomie totale. En ce sens, la Constitution de Jimaguayu marqua une étape importante dans l’histoire constitutionnelle de Cuba. L’article 24 précisait que « si la guerre contre la métropole espagnole n’est pas gagnée en deux ans, une autre Assemblée constituante sera convoquée ».

Constitution de La Yaya (1897)

Les dispositions de Jimaguayu furent mises en place le 10 octobre 1897, dans le hameau de La Yaya, dans la province de Camagüey, avec la participation de 24 délégués représentant les six corps de l’Armée de libération. Cette nouvelle Constitution, qui était composée de cinq titres, établissait les conditions requises pour être considéré comme citoyen cubain, ainsi que le devoir civique de servir la Nation, le service militaire étant considéré comme un devoir obligatoire des citoyens. Par ailleurs, les conditions requises pour exercer la présidence de la République furent définies et les droits civils individuels réglementés, notamment l’habeas corpus, la liberté postale, la liberté religieuse, l’égalité devant la fiscalité, la liberté d’enseignement, le droit de pétition, l’inviolabilité du domicile, le suffrage universel, la liberté d’opinion et le droit de réunion et d’association. Cependant, selon l’histoire, la Constitution de La Yaya représenta un recul par rapport à sa devancière, en raison de la résurgence des « contradictions entre le pouvoir militaire et le pouvoir civil ».

Constitution de 1901

La victoire des mambises (combattants pour l’indépendance) sur le colonialisme espagnol ayant été avortée par l’intervention militaire des États-Unis dans la guerre d’indépendance, des débats houleux s’instaurèrent en 1901 parmi les délégués à l’Assemblée constituante, chargés de rédiger et d’adopter une Constitution pour le pays dans le nouveau contexte. Les voix de mambises comme Juan Gualberto Gomez, Manuel Sanguily et Bartolomé Maso, entre autres, s’élevèrent contre l’annexe connue sous le nom d’amendement Platt – imposé dans la nouvelle Constitution -, qui répondait aux intérêts des cercles de pouvoir du voisin du Nord, mettant Cuba à leur entière disposition et octroyant aux États-Unis le droit d’intervention militaire dans l’Île. Quelques années plus tard, le président Gerardo Machado lança une réforme de la Constitution de 1901 dans le but de prolonger son mandat, qui fut approuvé en 1928 ; et en 1934, sous l’ordre du président Mendieta, des réformes rapides furent introduites, mais aucune ne revêtait une importance particulière.

Constitution de 1940

La plus avancée des Constitutions en Amérique à l’époque fut signée à Guaimaro, le 10 octobre 1940. Dans un esprit progressiste, cette Constitution, selon l’avocat, intellectuel et politicien Armando Hart Davalos, exprimait « la pensée politique cubaine des années 1940, obtenue par consensus public et formalisée par l’Assemblée constituante, dans la rédaction de laquelle étaient présents à la fois des figures de droite et une représentation éminente des communistes et des forces révolutionnaires issus de la lutte contre Machado ». Entre autres contributions, elle reconnaissait le droit de grève des travailleurs, déclarait le travail comme un droit inaliénable de l’Homme, interdisait la discrimination fondée sur le sexe ou la couleur de la peau, établissait une protection spéciale pour la famille et pour l’égalité des femmes, se déclarait en faveur de l’éducation gratuite et générale, et pour la santé publique à la portée de tous. Des mobilisations ouvrières furent convoquées par l’organisation des travailleurs, dirigée par Lazaro Peña, aux alentours du Capitole, lors du processus d’approbation. Cependant, ce fut une Constitution avortée, car « ses dispositions les plus progressistes ne furent jamais appliquées, les gouvernements corrompus et fantoches s’y étant farouchement opposés ».

Constitution de 1976

Avec le triomphe de la Révolution cubaine, une nouvelle Loi fondamentale s’avérait nécessaire. Une équipe de juristes, nommés par les organisations politiques et de masse, fut chargé de la rédaction d’un projet de Constitution qui fut débattue par plus de 6 millions de personnes. Par la suite, le document fut soumis au 1er Congrès du Parti et, sur la base des propositions, le préambule et 60 des 141 articles du document furent modifiés. « Le 15 février 1976, les hommes et les femmes du peuple âgés de plus de 16 ans se rendirent aux urnes pour exercer leur droit de vote, libre et secret. Quatre-vingt-seize pour cent de la population en âge de voter approuva la Constitution », rappelait le journaliste Pedro Garcia. Le 24 février 1976, cette Constitution fut proclamée lors d’une cérémonie solennelle et publique. Le 2 décembre 1976, avec la constitution de l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire (ANPP), l’élection du Conseil d’État, de son président et de ses vice-présidents, ainsi que la désignation du Conseil des ministres, les institutions de la Révolution furent renforcées.

Réforme de 1978

Le 28 juin 1978, l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire, dans l’exercice de ses pouvoirs constitutionnels, accepta de modifier l’article 10 a) de la Constitution afin que l’île des Pins soit désormais connue sous le nom d’Île de la Jeunesse.

Réforme de 1992

Le 12 juillet 1992, une session de l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire convoquée à cette fin adopta la Loi de réforme constitutionnelle visant à mettre en œuvre les recommandations du 4e Congrès du Parti communiste de Cuba et à apporter les ajustements nécessaires à notre économie pour faire face à la période spéciale. Afin de rendre nos institutions démocratiques encore plus représentatives et d’améliorer leurs structures, leurs pouvoirs et leurs fonctions de direction, de nouvelles façons d’élire les députés à l’Assemblée nationale et les délégués aux assemblées provinciales furent instaurées. À la suite de l’approbation de la réforme, les titulaires de ces fonctions ont été élus au suffrage direct des électeurs des quartiers. En outre, la définition du pays en tant qu’État laïque a été insérée, ainsi que la liberté des citoyens d’exercer les pratiques religieuses de leur choix ou de ne pas en avoir. La portée de ces droits fondamentaux pour les étrangers résidant sur le sol cubain a été précisée. La Constitution a également été modifiée afin de garantir et étendre l’exercice de nombreux droits et libertés fondamentaux et les droits civils et politiques des citoyens cubains et étrangers.

Réforme de 2002

En 2002, les discours hégémoniques et provocateurs du président étasunien de l’époque, George W. Bush, suscitèrent des marches populaires massives à travers le pays. Cette époque marqua l’avènement d’une nouvelle réforme constitutionnelle. Dans le cadre d’un processus d’un plébiscite populaire sans précédent, plus de huit millions de Cubains apposèrent leur signature pour ratifier le caractère socialiste de cette Constitution et firent part à l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire de la nécessité de la réformer, d’affirmer expressément le caractère irrévocable du socialisme et du système politique et social révolutionnaire conçu à cet effet, ainsi que le fait que les relations économiques, diplomatiques et politiques avec un autre État ne peuvent être négociées sous l’agression, la menace ou la coercition exercées par une puissance étrangère. Le 26 juin de la même année, l’Assemblée nationale adopta à l’unanimité l’accord approuvant la Loi de réforme constitutionnelle.

Début du processus de réforme de la Constitution actuelle

À la clôture de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire, le 2 juin 2009, fut annoncée la création d’une commission de députés chargée de la rédaction et de la présentation au Parlement du projet d’une nouvelle Constitution de la République.

De ce fait, le Conseil d’État a accepté de proposer à l’Assemblée le début du processus de réforme constitutionnelle, et il a approuvé cette commission, qui est présidée par le général d’armée Raul Castro Ruz et regroupe des représentants des secteurs les plus divers de la société. Selon Miguel Diaz-Canel Bermudez, président du Conseil d’État et du Conseil des ministres, cette commission a pour principale mission de « rédiger un avant-projet de Constitution de la République en accord avec les principes de notre démocratie socialiste, de le soumettre à la plus large consultation populaire, notre peuple devenant ainsi un organe constituant et, au terme de l’examen des résultats par cette Assemblée, dans l’exercice de ses facultés, de soumettre la Constitution à un référendum au cours duquel la nation se prononcera à ce sujet ». Et d’ajouter que « les énoncés de la nouvelle Constitution tiendront compte des principes humanistes et de justice sociale qui régissent notre système politique et devront considérer comme un pilier inébranlable le caractère irrévocable du système socialiste que notre peuple a adopté souverainement ».