La « cuenta propia » : Réorganisation du travail pour son propre compte à Cuba

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Conformément à la volonté gouvernementale d’amplifier les possibilités de travailler pour son propre compte, 21 nouvelles dispositions incluses dans 5 décrets lois, 1 décret du conseil des ministres et pas moins de 14 circulaires d’application sont publiées au Journal Officiel de la République de Cuba pour le perfectionnement, le contrôle et l’extension des activités pouvant être exercées pour son propre compte (cuenta propia). Elles entreront en vigueur dans 5 mois.
Chantal Costerousse.
(article publié dans Juventud Rebelde le 9 juillet 2018)

Entre 2010 et la fin mai 2018 le nombre de travailleurs pour leur propre compte est passé de 157350 à 591456. Photo : Abel Rojas Barallobre.

Les nouvelles règles qui régissent la politique d’amélioration du travail pour son propre compte et son système de contrôle sont publiées à partir de ce jour au journal officiel de la République. Elles entreront en vigueur dans un délai de 150 jours, date à laquelle sera également reprise la remise des autorisations pour les licences suspendues depuis l’année dernière.

Aucune licence n’est supprimée, mais les 201 activités actuelles sont concentrées en 123, ce qui permet une réduction des procédures et un meilleur service avec la même charge fiscale. De nouvelles activités sont également créées.

Les nouvelles dispositions regroupent les infractions dans un seul corps juridique. Il y aura plus de contrôle, mais les mesures seront en accord avec la gravité de la contravention.

De 2010 à aujourd’hui, on constate une augmentation soutenue du travail pour son propre compte : de 157 351 ce chiffre est passé à 591 456 à la fin du mois de mai de cette année et en juin il a encore augmenté. Les jeunes et les femmes représentent respectivement 28% et 33% d’entre eux.

Ces 6 nouvelles règles qui sont publiées également sur le site
internet(www.gacetaoficial.gob.cu) sont constituées de 5 décrets lois du Conseil d’État et 1 décret du conseil des ministres auxquels s’ajoutent 14 circulaires d’application édictées par les organismes chargés de leur mise en œuvre.

Les travailleurs pour leur propre compte en recevront gratuitement une copie, précédant le processus de formation qui leur sera proposé, afin qu’ils étudient la législation, et puissent au cours des séminaires en avoir une plus grande connaissance et de ce fait éliminer tous les doutes.

Ce sera inévitablement un document très demandé, aussi est il est prévu de faire plusieurs tirages, pour qu’il soit à la vente dans les kiosques pour la population à la fin de ce mois ou début août. Mais il est déjà en format numérique sur le site Web sus-visé.

Pour certains, en particulier pour ceux qui prévoient de recevoir l’autorisation de mener des activités temporairement suspendues l’an dernier, cela peut paraître long. Mais, nous les rédacteurs, nous croyons que c’est quelque chose de nécessaire.
C’est la première fois - pour autant que nous nous le rappelions- qu’une mesure de ce type dispose de suffisamment de temps pour être apprise et « bien digérée ».

Lors d’une conférence de presse tenue la veille au ministère du travail et de la sécurité sociale,(MTSS) les responsables des ministères concernés ont expliqué que cette fois-ci ce temps sera utilisé pour le processus de préparation des structures administratives qui mettront les règles en œuvre et pour la formation des "travailleurs pour leur propre compte" (TCP)

Combien de problèmes et d’erreurs seront évités si les personnes chargées de l’autorisation et du contrôle de ces activités le font correctement, avec une connaissance approfondie de la règle sans mauvaise interprétation, sans paroles ou actes indus ?

Combien d’incompréhensions, d’erreurs et de violations seront évitées par le TCP et ceux qui aspirent à une licence, s’ils sont pleinement conscients des processus auxquels ils doivent se conformer et des droits et des devoirs qui leur correspondent ?
C’est aussi un moment de réflexion pour les uns et les autres pour méditer sur ce qu’ils vont faire, parce que les règles qui sont maintenant publiées et qui entreront en vigueur obligeront certains à prendre telle ou telle décision.

Le travail pour son propre compte va son chemin

Depuis 2010, il y a eu une augmentation constante du travail indépendant dans le pays.

Marta Elena Feitódo Cabrera, première vice-ministre du MTSS, a informé les médias que les travailleurs pour leur propre compte représentaient 13% des personnes employées dans le pays ; et il y a eu 434 000 nouveaux emplois depuis l’expansion de ces activités en 2010.

Le plus grand nombre est constitué par le secteur de l’élaboration et la vente d’aliments, les services de transport, la location de maisons, de chambres et d’espaces ; ainsi que par les travailleurs sous contrat, fondamentalement associés aux deux premières activités mentionnées.

« Le travail indépendant (PTC) est approuvé dans la conceptualisation du modèle économique et social et dans les lignes directrices de la politique économique et sociale du parti et de la Révolution, actualisées lors du 7éme congrès du PCC, en avril 2016. Et c’est la volonté du gouvernement de continuer à le développer », a déclaré Feitóra Cabrera.

Les résultats de ce secteur économique sont publiquement reconnus. Il nous a apporté de nombreux avantages. En tant qu’option d’emploi, il a facilité et aidé le processus de réorganisation du travail dans le secteur public et a progressivement contribué à libérer l’État des activités non fondamentales pour que celui-ci se concentre sur celles qui ont une connotation particulière pour le pays et la population.

De plus, il a augmenté l’offre de biens et de services avec une qualité acceptable pour la population ( y compris le tourisme international dans certaines régions) comme les services de restauration et d’hébergement. Par ailleurs, le paiement des taxes par le TCP constitue une source de revenus pour les budgets municipaux basés sur le développement territorial (leurs contributions sont des revenus affectés aux budgets municipaux).

Cependant, des problèmes ont également été rencontrés. Et ils ne sont ni rares ni légers. Des écarts ont été détectés dans la politique approuvée, comme l’utilisation de matières premières et de matériaux d’origine illicite, ainsi que le non-respect des obligations fiscales et la sous-déclaration des revenus.

ll y a eu un manque de confrontation et de solution opportune devant les problèmes, ainsi que des inexactitudes et des insuffisances dans les actions de contrôle, ce qui a permis la commission d’illégalités et même de délits.

Il y a eu des déficiences dans les contrats économiques que les TCP ont conclu avec les entités étatiques ; on a détecté des travailleurs non titulaires d’une licence qui agissent pour le compte d’un tiers afin de masquer la concentration des entreprises, des biens et des richesses ; il y a aussi des activités non autorisées exécutées sous couvert de celles qui sont approuvées.

De plus, il y a quelques aspects qui n’étaient pas envisagés à l’origine et qui, en raison du temps écoulé, exigeaient une réglementation, selon la première vice-ministre du MTSS.

Avancer de manière règlementée.

Pour corriger les insuffisances détectées dans la mise en œuvre de la politique de l’emploi pour son propre compte et pour que celle-ci se poursuive de manière réglementée, le conseil des ministres a approuvé un ensemble de décisions classiquement regroupé en trois catégories :

  • mesures donnant réponse aux demandes que les travailleurs indépendants ont faites au cours de cette période ;
  • des règlements pour améliorer l’exercice des activités ;
  • les décisions visant à renforcer le contrôle aux niveaux municipal, provincial et national.

Dans la première catégorie, a été inclus le regroupement des 201 activités actuelles en 123, ce qui permet de réduire les procédures et d’offrir un service plus complet avec la même charge fiscale ; c’était une demande des TCP.

Contrairement à ce qui a été dit, aucune activité n’est éliminée.

De nouvelles activités sont créées, comme le service de bar et les loisirs, qui dérivent des « paladares » traditionnels et où, toujours avec un maximum de 50 chaises, des boissons alcoolisées et non alcoolisées et une restauration légère pourront être vendues et où on pourra utiliser de la musique enregistrée, de l’audiovisuel et même louer des services de représentation artistique, conformément aux règlements établis par le ministère de la Culture.

Sont également créées les activités de boulanger-pâtissier et de loueur de moyens de transport.

D’autres revendications du TCP sont satisfaites comme l’extension des causes pour solliciter la suspension temporaire de l’exercice du travail et par conséquent la cessation du paiement des taxes durant cette période ou que le propriétaire qui a embauché des travailleurs et qui doit s’absenter de manière prolongée en raison d’une maladie ou de celle de personnes à sa charge, ou partant à l’étranger, puisse désigner un des travailleurs embauché par lui pour le représenter et assumer la responsabilité.

Est également supprimée l’interdiction pour les bailleurs de maisons, de chambres et d’espaces, de louer à des personnes morales (actuellement, ils ne peuvent le faire que pour les personnes physiques).

Les nouveaux règlements établissent un ensemble de dispositions visant à améliorer l’exercice et le contrôle du travail pour son propre compte telles qu’une plus grande précision dans le champ des activités, et une demande écrite consistant à présenter le projet de l’activité qui doit être réalisée et comment la réaliser.

La politique établit que les autorisations sont accordées pour exercer une seule des activités approuvées. Cela peut sembler très restrictif, cependant, la vice-ministre a informé que 98,4 % des TCP sont inclus dans les activités qui sont intégrées ou ne subissent aucune modification ; seulement 1,6% n’est pas intégré, soit 9 000 travailleurs à travers le pays (50% à La Havane et 9% à Matanzas) pourraient être affectés par cette mesure.

Ces travailleurs devront prendre une décision ; c’est-à-dire, opérer une seule activité, mais il ne s’agira pas non plus de leur asséner un « coup de poing » ; ils auront jusqu’à 90 jours après l’entrée en vigueur du règlement pour s’adapter à l’activité sélectionnée et apporter les modifications correspondantes.

Avec la loi il y a toujours l’ordre.

Les règles édictées incluent dans un seul corps juridique les infractions pour l’exercice du TCP, et finalisent ainsi la dispersion législative qui existe aujourd’hui.
Il y aura plus de contrôles, mais les mesures prises seront en adéquation avec la gravité de la contravention. Celles-ci vont de la notification préventive, à l’amende, à l’annulation de l’autorisation pour une durée allant jusqu’à deux ans, et enfin à la confiscation et à l’annulation définitive de l’autorisation d’exercer le TCP.

Cette annulation définitive ne s’applique qu’à trois circonstances :

  • lorsque la personne autorisée à exercer l’activité agit pour un tiers (les prête-noms) ce qui est une activité économique illicite
  • lorsqu’il y a trafic de drogue, prostitution, proxénétisme ou autres actes constituant un délit indépendamment de l’action pénale correspondante
  • lorsque sont employés des enfants de moins de 15 ans ou des jeunes de 15 à 16 ans sans l’autorisation correspondante établie par le Code du travail.

Un ensemble de décisions a également été pris pour renforcer le contrôle fonctionnel du TCP, tant au niveau national, que provincial et municipal, de manière multidisciplinaire.

"Sur ce point a déclaré la vice-ministre du MTSS, lorsque l’inspection est effectuée sur une activité, elle devra l’être avec une équipe multidisciplinaire et être exécutée intégralement".
"On ne peut continuer de permettre a-t-elle souligné, que différents organismes d’inspection dans le même espace et dans le même temps effectuent un contrôle, chacun de leur côté, ou que plusieurs inspecteurs du même organisme d’inspection effectuent à plusieurs reprises des visites individuelles chez les TCP » .

Plus de licences sanitaires

Yanarys López Almaguer, directrice de la santé environnementale au Minsap (ministère de la santé publique) a expliqué que de nouvelles activités nécessitent des licences sanitaires, ce sont :

  • les loueurs de maisons, de chambres et d’espaces qui fournissent le service de la nourriture
  • les assistantes maternelles, les vendeurs ambulants de produits alimentaires et de boissons non alcoolisées, les vignerons vendeurs de vin, les boulangers pâtissiers, les éplucheurs de fruits naturels
  • les services de bar et de loisirs ; les services de gastronomie en cafétéria et les services gastronomiques dans les restaurants.

Glenda Murillo Alemán, directrice juridique du ministère des Industries, a expliqué qu’un avis de sécurité a été établi pour les équipements de loisirs, à la fois pour les personnes physiques et morales ; les équipements seront testés dans leurs principaux systèmes.

Le but est la protection de la vie humaine, en particulier celle des enfants. Dès son entrée en vigueur, la règle offre 180 jours pour tous ceux qui exploitent les appareils et manèges pour donner leurs avis techniques.

Ileana Flores Izquierdo, vice-ministre de la Culture, a informé que la nouvelle réglementation prévoit des contraventions à la réglementation sur la politique culturelle et à la fourniture de services artistiques, puisque les TCP ont désormais le droit de contracter ces services et médias audiovisuels.

« La commercialisation des arts plastiques ne peut se faire dans des lieux non autorisés ou par des personnes qui ne sont pas inscrites au registre des créateurs. Sera également sanctionné, à la fois dans les arts visuels et dans le livre, la commercialisation de produits aux contenus éthiques et culturels non conformes aux réglementations en vigueur au ministère de la Culture », a-t-elle expliqué.

Opération de transport

Marta Oramas Rivero, vice-ministre des transports, a expliqué que la licence d’exploitation de transport est réunie dans une seule règle juridique pour les personnes physiques et morales.

« Il s’agit, dit-elle, d’un document d’autorisation non transférable, que toute personne doit posséder pour pouvoir fournir des services de transport de marchandises, de passagers et des services auxiliaires ou connexes. »

Elle a expliqué que les personnes qui se consacrent aux services auxiliaires recevront une licence d’exploitation de transport qui sera donnée gratuitement une seule fois.

Elle a ajouté que dans le cadre des modifications, l’extension municipale, provinciale et nationale des licences de transport est rétablie, ainsi que la facilité de commande de ces services.

Marta Oramas Rivero a souligné que dans le cas où le permis demandé l’est pour le transport par autobus, camionnettes ou camions, trois ans d’expérience en tant que conducteur d’un véhicule automobile sont exigés.

Une nouvelle classification pour le service du transport des passagers a été établie pour les taxis, voitures, minibus, tricycles et taxis collectifs ainsi que pour les taxis routiers, libres ou grand confort et les classiques, ces derniers étant liés contractuellement avec TaxisCuba.

La vice-ministre a déclaré que la validité du permis de transport de marchandises et de passagers sera désormais d’un an, et qu’une expérience commencera à La Havane pour organiser le service fourni par des transporteurs privés d’une capacité de 4 à 14 passagers, il sera ensuite étendu à d’autres territoires.

Nouvelles taxes

La contribution fiscale des TCP à notre économie a augmenté d’année en année. Vladimir Regueiro Ale, directeur général de la politique fiscale du ministère des Finances et des prix, explique que son impact le plus important se trouve sur les budgets municipaux.
« Les nouvelles règles, a t-il ajouté, ne signifieront pas une augmentation de la charge fiscale, mais qu’elle sera réorganisée ».

Sur les 123 activités qui ont été approuvées après le regroupement, 52 contribueront au régime général et 71 pour le régime simplifié, qui consiste en un paiement mensuel d’une redevance consolidée. Les trois nouvelles activités approuvées, boulangerie-pâtisserie, service de bars et de loisirs, et bailleurs de moyens de transport, seront taxées par le régime général.

Il a également expliqué qu’une différenciation a été pratiquée dans les paiements d’impôts pour la capitale, en tenant compte de sa haute performance et le développement de diverses activités, ce qui entraînera une augmentation des contributions mensuelles dans 41 activités - et 20 dans le reste du pays - . Cela touchera environ 25 000 contribuables, soit à peine 4% de ceux qui travaillent à leur compte.

Avec cette forme de gestion privée l’offre de biens et de services a augmenté Photo : Roberto Morejón

Les résultats du travail pour son propre compte sont publiquement reconnus

Une expérience sera menée à la Havane pour réorganiser le service qu’offrent les chauffeurs de taxi privés.


http://www.juventudrebelde.cu/cuba/2018-07-09/es-voluntad-del-pais-continuar-desarrollando-el-trabajo-por-cuenta-propia