Les fruits de la paresse

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Les fruits de la paresse : Cimex révèle des détails sur l’appropriation illicite par le magasin La Puntilla et sur l’enquête à son encontre.

Les indisciplines, les délits et illégalités sont des fléaux qui nuisent à l’essence d’une société comme la nôtre, auxquels les organes compétents et la population doivent se confronter... lire la suite

Cimex possède 1600 magasins dans tout le pays et plus de 34000 employés. Photo Internet

Les clients du magasin La Puntilla eurent une expérience amère en observant une scène digne d’un thriller se déroulant dans l’impunité.
"Les indisciplines, les délits et illégalités sont des fléaux qui nuisent à l’essence d’une société comme la nôtre, auxquels les organes compétents et la population doivent se confronter".
Ainsi le raconte un des témoins du fait, le journaliste Iroel Sanchez, sur un blog dont le nom fait notoriété : « la pupille ébahie ». Organisés presque militairement et devant l’indifférence complice des employés, apparu un peloton de jeunes costauds qui en quelques minutes achetèrent 15 000 pommes (150 caisses de cent).

Cela ne devrait pas nous paraître normal devant la rareté des produits.
Les directeurs de magasins des chaînes et corporations à tous les niveaux qui permettent ce genre de situations s’en rendent complices s’ils ne les affrontent pas.

« Avec les chariots du magasin ils les évacuèrent, utilisant le transport de la propre entreprise Cimex, réclamé au téléphone portable par le chef du groupe d’une façon insistante depuis une luxueuse berline de couleur noire. Le calme avec lequel il procédait montrait son impunité ».

La réponse d’une employée du magasin d’un haussement d’épaule fut « nous ne pouvons rien faire ».
Le reste du « film » vous pouvez le raconter sans l’avoir vu : un bureau d’information vide, un panneau avec les téléphones du « service au consommateur « de la chaîne de magasins panaméricains, avec derrière quelqu’un qui dit connaître la situation et qui s’occupe, un gérant qui en une heure ne daigna pas donner de réponse.

La pointe de l’iceberg

Comme le dit le journaliste nous parlons ici de réseaux privés de distribution d’aliments, gérés à l’occasion par ceux chargés de contrôler et dénoncer.
L’article dans plusieurs pages du web cubain généra un chiffre significatif de commentaires.

Beaucoup pointent du doigt le non approvisionnement des magasins et l’absence de marché grossiste comme responsable de ces phénomènes.

Les arguments font appel aux problèmes de l’économie cubaine qui doit résoudre de manière efficace et rapide, pour qu’ils correspondent au nouveau scénario que vit le pays, d’ouverture du secteur étatique ; cependant dans des lieux l’absence de stricts mécanismes de régulation et les failles évidentes de ce qui existe ; certains choisissent d’acheter des médicaments ou des fournitures scolaires dans une traversée de mer coûteuse au lieu de« remplir les magasins de pommes ».

Les sans scrupules se nourrissent des carences du système.
Combien de fois avons nous vu se raréfier des produits de première nécessité , comme récemment le papier hygiénique, la lessive et les couches jetables, pour ne citer que certains, obligeant la population à s’approvisionner au marché noir qui s’alimente de ces irrégularités.

Les profiteurs tirent parti de ce manque de contrôle et créent de dangereux réseaux « qui tirent profit des besoins de millions de cubains qui donnent leur vie dans les centres de travail en aidant à bouger le pays, comme le dit un blogueur.

Que les 7 magasins spécialisés que connait le pays-dont 2 à la Havane qui répondent aux nécessités du secteur non étatique -en attendant le marché de gros, ne puissent pas satisfaire les demandes des clients, est vrai. Mais justifier l’impunité à cause de cela, il serait bien de reconnaître aux travailleurs à bas revenu le droit de tirer bénéfice de leur travail.

L’honnêteté est une valeur, et elle n’a pas de coût sur le marché. Celui qui la possède essayera de subvenir à ses besoins avec le fruit de son travail honnête, et non pas en tirant profit de la sueur des autres.

Un utilisateur des réseaux sociaux écrivit : ne pas oublier une phrase de Fidel sur le thème qu’il exprime très tôt le 13 mars 1961 : « quand on parle de la rareté d’un produit, immédiatement beaucoup de gens achètent ce produit et produisent un manque artificiel, et les profiteurs qui s’accaparent ces produits (...). Si un article va à manquer, qu’il manque, mais qu’il ne manque pas parce qu’une poignée de spéculateurs l’a acheté pour le vendre plus cher. Le peuple doit être le principal acteur pour combattre ces activités, et les agents de l’ordre public doivent collaborer avec le peuple pour combattre ces activités ».

Dénoncer, un devoir citoyen

Le fait de La Puntilla n’est pas isolé et pointe aussi des failles de gestion d’une entreprise.
Les mêmes internautes ont dénoncé des faits similaires dans d’autres magasins.

Dans l’établissement cité, appartenant à la succursale Ouest, raconte Betty Rodriguez, quelques employés ont l’habitude de marcher « en groupe conversant, mangeant jusque dans le magasin, interpellant et avec la musique à fond ».

D’après le site de Cubasi « sont nombreux les employés qui attendent le client assis et dans 90% des cas à qui on doit demander la permission pour qu’ils interrompent leur conversation personnelle ».
A l’absence de bière Cristal et Bucanero et de malte Nacional plusieurs blogueurs font référence entre eux : « on sait que tu ne trouves aucune Cristal dans un Cupet ou bar, alors qu’elles ne manquent pas dans les Palais plus cher ...dans mon quartier il y a deux Palais et a peu près cinq Timbiriche, seulement un Cupet dans cette zone, quand la bière arrive, ils la prennent toute ».

« Cela arrive aussi avec la lessive, les poulets, lumière froide, bière, sodas.. et ensuite tu les retrouves dans les Palais au double du prix », dénonce Gurry, et Manuel 1935 ajoute « qu’il est nécessaire de freiner la corruption » … y rencontrer directement les responsables et ceux qui les couvrent .

Il confirme aussi la nécessité de fortifier les systèmes de services à la population, souvent défaillants.
Participer à l’éducation d’une citoyenneté responsable passant par le renforcement de ces mécanismes, pour la faire partenaire de ce contrôle.

On analyse les évènements

En entrevue avec Turey Abraham Veciano Trujillo, vice président de Cimex, les évènements du magasin La Puntilla sont sous investigation et l’information est préliminaire.

Une enquête administrative auprès de tous les responsables, travailleurs du magasin, complexe et succursale ouest à laquelle elle appartient, et ensuite l’entreprise Cimex, sera dénoncée au parquet.

Veciano Trujillo a admis que c’était un fait grave et un délit de vendre à un seul client au bénéfice de quelques travailleurs ainsi que d’utiliser les transports de Cimex pour acheminer la marchandise.

Le transport qu’ils ont utilisé est celui que l’entreprise emploie pour les magasins virtuels qu’elle a dans tout le pays, une forme de commerce électronique qui fonctionne pour des cubains résidents à l’extérieur, et qui leur permet de faire leurs courses dans l’ile avec l’option de remise à domicile ou dans un établissement, « à la Havane le magasin se trouve en Carlos III, auquel appartient le véhicule » explique Veciano.

Se référant aux limites de vente des produits, il admit que l’entité s’est centrée sur ce qui est le plus demandé : la bière Cristal et Bucanero, la malte Bucanero. Néanmoins « il existe de l’indiscipline de personnes qui vendent en gros, ce qui a provoqué la séparation de Cimex dans tous ces cas là ».

Cela s’est aussi produit avec les couches jetables dont la vente a été régulée à cinq paquets, indiqua Caridad del Carmen Hidalgo, gérante de la succursale ouest, car c’était un produit qui devenait rare.

Cependant l’entreprise ne possède pas de politique qui empêche directement la spéculation. « Les entités commerciales doivent avoir l’intuition de savoir quels produits se raréfient et ne pas les vendre à une seule personne », commenta Veciano.

L’intuition ne suffit pas et il est de la responsabilité de l’entreprise de prendre des mesures qui empêchent l’impunité de ses travailleurs dans ces cas là.

Sur les mesures pour freiner les faits illégaux, Granma a eu accès à des informations sur des actions de contrôles. Sur le premier semestre de l’année, on arrive à 2676 contrôles entraînant l’application de 1719 actions disciplinaires à l’encontre de travailleurs et 101 recadrages, 35 furent démis de leur fonction.
Parmi les différentes failles détectées dans les actions de contrôle, on peut noter les erreurs de stocks, les manques sur le dessus des palettes, des marchandises déclarées non commercialisables, …

L’analyse des causes qui produisent ces problèmes s’est centrée sur le manque de contrôle administratif, de surveillance et de sérieux, sur la non observation des normes et directives internes.

De plus les plaintes des clients - 8635 en 2018 - pointent le mauvais traitement des clients, les problèmes avec les centres de service (horaires d’ouverture, changement d’équipe, manque de combustible aux heures de pointe, manque de produits sur les marchés, Cupet fermés..) difficultés avec les inventaires dans les unités commerciales empêchant de savoir où il reste du produit, vente de produits à date limite sans remise, manque d’approvisionnement, erreurs sur les prix de vente.. et la liste continue.

Ainsi les entreprises de Cimex sont sujettes à des audits externes de la part de leurs organismes de tutelle, qui réalisent aussi des formations de capacitation et travail politique associant les organismes politiques et de masse.

Cependant les nombreux faits dénoncés montrent les différentes failles du système.

Devant ces faits on ne peut pas se contenter d’accepter, car les failles alimentent la spéculation, ce qui signifierait (selon le bloguer Miguel Cruz) « se résigner au fait qu’aujourd’hui on nous laisse sans pommes et demain sans d’autres produits...l’impunité est le premier symptôme de l’anarchie, celle qui montre sa présence velue, où complaisance, tolérance et crainte sont admises d’un côté pour que de l’autre côté les désordre et profit progressent ».

Sur la protection du consommateur

Conceptualisation du modèle économique : appliquer un système efficace de protection du citoyen comme consommateur, qui s’applique depuis la conception du produit ou service, son design, emballage, information objective sur ses qualités, services d’information du marché, garanties, indemnisation, réparation matériel et moral, en accord avec la loi politique de régulation des prix sur ces biens d’intérêt social entre autre.

Lineamiento 264 : améliorer la protection du consommateur en adoptant des mesures qui arrivent à assurer des droits à ceux qui produisent, commercialisent et prêtent des services en général.

Du projet de constitution : article 89. Toutes les personnes ont droit à consommer des biens et services de qualité non néfastes pour leur santé, et à accéder aux informations adéquates et variées, comme à recevoir un traitement équitable et digne en conformité avec la loi.

Quelques aspects de la résolution NO. 54 de 2018

Droits des consommateurs :

  • Recevoir des produits et services qui remplissent les conditions de qualité, de service et de sécurité établis.
  • Recevoir une protection contre les publicités fausses ou mensongères et les pratiques déloyales des fournisseurs.
  • Satisfaire ses besoins avec un approvisionnement adéquat de biens et services de première nécessité, avec une attention particulière envers les groupes vulnérables.
  • La protection de leurs intérêts économiques qui leur permettent d’acquérir les produits et services d’un bon rapport qualite prix, de recevoir la facture de vente et aussi la remise intégrale de la monnaie.
  • Vérifier le poids du produit acheté dans un lieu approprié.
  • Que l’on puisse voir en un lieu visible le prix des produits et des services offerts.
  • Accéder à une vraie information sur les produits, permettant un choix éclairé.
  • Accéder à une information sur les conditions à remplir dans les établissements dans l’intérêt de mieux profiter des services offerts.
  • Compter avec les garanties, compensations, indemnisations et réparation pour les dégâts et préjudices subis.
  • Participer à l’échange des opinions sur les processus de décision qui les concernent.
  • Accéder à des biens durables, qui réduisent l’usage des ressources naturelles, sans matériaux toxiques et émissions de contaminants, afin d’épargner les futures générations.
  • Disposer de moyens et de mécanismes pour traiter quelconque insatisfaction, réclamation, conflit entre consommateurs et fournisseurs pour des dommages, individuels ou collectifs, subis, que ce soit par voie administrative ou judiciaire.
  • Que l’on dispense un traitement aimable, transparent, équitable non discriminatoire ni abusif en relation avec les conditions de qualité, quantité, prix, poids, volume, mesure des produits et services de quelque nature qui soit .
  • Qu’on montre le fonctionnement, la manipulation ou les propriétés des produits offerts.
  • Que l’on protège les données privées des consommateurs.

Devoirs des consommateurs :

  • Réaliser une évaluation juste et objective de ses biens de consommation.
  • Se renseigner sur les caractéristiques des produits et services avant l’achat.
  • Exercer son droit de défense devant n’importe quel acte de consommation.
  • Manifester son mécontentement de façon respectueuse.
  • Respecter les normes et conditions établies par le fournisseur dans l’échange des biens et services.
  • Respecter les normes de conduite et respect de la propriété sociale, en accord avec les exigences du lieu où sont acquis les biens et services.
  • Contribuer au respect du milieu ambiant et protection des ressources.

Du projet de Constitution : Article 89 : Toutes les personnes ont droit à consommer des biens et des service de qualité et qui ne sont pas néfastes pour la santé. Photo : Alberto Borrego


http://www.granma.cu/cuba/2018-09-11/los-frutos-de-la-indolencia-11-09-2018-22-09-52