Centralisation ou décentralisation ? Ayons pour cible la résolution des problèmes

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La consultation populaire sur le projet de nouvelle constitution, qui a débuté le 13 août dernier et qui a mobilisé plus de 7 millions de citoyens vient de se terminer.
Un article de la revue cubaine TEMAS qui traite d’une des nouvelles propositions contenues dans le projet.

Cuba élargit des droits, transforme la structure de son État afin de mieux répondre aux demandes des citoyens et adapte sa législation aux changements qui se sont produits dans l’économie du pays au cours de la dernière décennie afin d’accommoder celle-ci au difficile scénario international dans lequel elle doit s’insérer. Les municipalités acquièrent un rôle croissant à partir de la reconnaissance de leur autonomie, qu’elles exercent conformément aux intérêts de la nation.

Dans le cadre de cette nouvelle organisation de l’État, comment parvenir à une véritable décentralisation des provinces et des municipalités ? Comment promouvoir le développement territorial à partir d’une autonomie locale chaque jour plus importante ?

Traduit par Nicole Bedez

Comment parvenir à une véritable décentralisation des provinces et des municipalités ? Comment promouvoir le développement territorial à partir d’une autonomie locale chaque jour plus importante ? Ce sont quelques-unes des interrogations qui ont animé le débat dans le groupe d’experts « La décentralisation : étude et mise en œuvre », organisé par la revue Temas dans son espace de débat habituel, « Jeudi dernier », au Centre culturel Fresa y chocolate (Fraise et chocolat), aux abords de l’avenue 23 et de la rue 12 de La Havane.

Sous la direction de Rafael Hernández, directeur de cette publication, le groupe était composé pour cette occasion de Ada Guzón, directrice du Centre d’études du développement local, de Irving Martínez, chef de garantie juridique de l’Assemblée provinciale de Mayabeque, et du professeur d’histoire Mario Valdés Navia.

Dans un contexte où les Cubaines et les Cubains débattent de l’avant-projet de Constitution de la République dans lequel on indique clairement que les municipalités acquièrent une importance accrue, Ada Guzón a émis l’opinion selon laquelle ces instances doivent rompre avec la dépendance qui a provoqué leur conversion en exécutantes de politiques définies à d’autres niveaux au lieu d’être actrices de leur propre développement.

Pour sa part, Irving Martínez a souligné l’importance de comprendre les concepts de centralisation et de décentralisation en se fondant sur le droit puisqu’il s’agit de régimes administratifs établis sur cette base. En ce qui concerne le premier concept, il représente le rapport hiérarchique dans le but d’exercer le pouvoir alors que le second est l’exercice même de ce pouvoir administratif, mais sans qu’il y ait subordination directe entre celui-ci et celui qui le met en œuvre.

Un autre intervenant, le professeur Valdés Navia, a déclaré que pour parler de décentralisation des décisions il faut parler de décentralisation des moyens et des actions.

Ce sur quoi les spécialistes se sont accordés, c’est qu’on ne doit pas parler de ces sujets dans l’absolu mais trouver la dialectique entre les deux concepts. Comme l’a affirmé Mario Valdés, la décentralisation ne doit pas nécessairement conduire à bon port, et plusieurs exemples le montrent en Amérique latine. Dans l’histoire de Cuba, par exemple, il y a de nombreux processus « où la centralisation a connu de grands succès ».

Cependant, dans la situation que vit actuellement la plus grande île des Antilles, ainsi que Mario Valdés s’en est félicité, la décentralisation ouvre le chemin à la participation de l’ensemble des acteurs dans une économie qui a été essentiellement verticaliste durant de nombreuses années.

Rafael Hernández a suscité le débat en citant les termes territorial, municipal et local comme étant les plus employés dans les lignes directrices du VIème congrès du Parti. Mais, a-t-il demandé, quelles sont les principales problématiques auxquelles est confrontée aujourd’hui la décentralisation ?

De l’avis de Ada Guzón, le premier problème est le manque de compétences, car nous sommes habitués à travailler par « fonctions et attributions » qui peuvent être les mêmes dans la province et dans la municipalité. Par ailleurs, un cadre légal adéquat est requis qui passe non seulement par la Constitution mais aussi par les lois complémentaires annoncées, en particulier celle en direction des municipalités. Dernier point, celui des moyens qui, aujourd’hui, émanent de sources de financement diverses.

Même si tous se sont accordés sur le fait que les compétences sont une question primordiale, Irving Martínez a ajouté qu’en plus du cadre légal il faut des mécanismes pour le faire appliquer, ceci impliquant de savoir « où se termine ma responsabilité et où commence celle d’autrui ». Il a également ajouté que l’aspect économique est primordial car, aujourd’hui, pour donner un seul exemple, bien que les budgets soient élaborés du bas vers le haut, l’affectation matérielle des moyens n’est pas cohérente et on constate de ce fait des non-exécutions financières considérables. L’organisation économique de Cuba étant planifiée, il doit exister, selon lui, une position de compromis entre les plans nationaux et territoriaux, et une gestion efficace de l’économie.

Le sentiment d’appartenance à la gestion territoriale et le fait que chacun des fonctionnaires se sente partie prenante de cette administration sont aussi des facteurs indispensables.

Selon les mots de Mario Valdés Navia, pour réussir la décentralisation il importe que « l’instance centrale cède des parts de ce pouvoir. Déléguer des responsabilités et concéder le pouvoir, ce n’est pas pareil ». L’élément déterminant est peut-être d’avoir obtenu le consensus quant à la nécessité de la décentralisation, mais le principal défi réside dans la transformation de « la culture verticaliste, habituée à recevoir des ordres ».

Il est évident que la décentralisation peut mener à une meilleure utilisation des ressources et on constate la volonté de le faire. Dans le Projet de Constitution, par exemple, cela apparaît sous différents angles, mais il ne s’agit pas d’un seul élément sinon de tous à la fois, c’est l’autre face de la centralisation. « Il est essentiel que l’État transfère des pouvoirs à la société civile pour qu’elle aussi se décentralise, pour qu’existe un contrôle ouvrier », dit Mario Valdés.

Rafael Hernández a lancé un avertissement relatif à l’expérience des pays asiatiques, où les territoires les plus défavorisés reçoivent l’aide du pouvoir central et gèrent les abus des plus riches pour qu’ils ne se convertissent pas en bassins où fleurit la corruption.

Ada Guzón a signalé qu’il existe des domaines qu’il n’y a pas lieu de décentraliser. De cela découlent ce qui doit être défini et l’importance des compétences. Dans l’expérience de Artemisa et de Mayabeque, la culture de faire ce qui a été dit a pesé car bien qu’il y ait des gens instruits, il est nécessaire d’apprendre à fonctionner en mode d’autogestion.

D’autre part, elle a présenté l’exemple de la création du Pouvoir populaire comme étant une étape importante de la Révolution, car son rôle initial a été précisément de décentraliser toutes les fonctions depuis l’appareil d’État jusqu’à la municipalité, ainsi que tout ce qui était capable de libérer l’initiative, la créativité, et d’inciter au développement.

Les interventions du public ont porté sur l’importance de transformer les pratiques culturelles des citoyens, de promouvoir la culture du débat et la consultation, ainsi que celle de l’enquête préalable à la prise de décisions.

Par ailleurs, les participants au débat ont admis la nécessité de ne pas décentraliser au-delà de la gestion des connaissances, d’associer l’École aux organismes de production et de services, ainsi qu’à ceux de la planification stratégique municipale. « Nous sommes tous réunis autour d’un dénominateur commun : sans décentralisation, Cuba n’atteindra pas le développement qu’elle a pour but » a affirmé l’une des participantes.

Lors des conclusions du groupe, Ada Guzón a ajouté qu’il manque une dimension stratégique dans les municipalités où il y a des réserves productives suffisantes. Parvenir à la mobilisation de ces espaces peut apporter des bénéfices à la planification. La municipalité doit élaborer ses politiques locales. On a besoin, a-t-elle prétendu, d’un cadre institutionnel fort où il n’y ait pas des fonctionnaires mais des serviteurs de la puissance publique.

Irving Martínez a affirmé que la décentralisation et le caractère planifié de l’économie ne sont pas incompatibles, le défi étant de réussir à les interpénétrer. Il n’existe pas un modèle unique de décentralisation qui en assure le succès.

Mario Valdés, pour sa part, a dit que nous continuons à parler de décentraliser parce que nous allons donner des responsabilités, alors qu’il devrait être question d’une négociation entre les différents échelons, pour voir où chacun est parvenu. On obtient cela avec la participation effective des travailleurs dans l’économie. « S’il y a quelque part de l’intelligence collective pour y parvenir, c’est bien à Cuba. »

http://www.temas.cult.cu/catalejo/centralizar-descentralizar-poner-la-diana-en-la-soluci-n-de-los-problemas