La Havane se dirige vers son demi-millénaire

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La ville de La Havane est devenue l’agglomération urbaine prestigieuse qu’elle est depuis bien plus longtemps qu’elle ne soit sélectionnée comme Ville Merveille, conjointement à six autres à travers le monde, par l’organisation suisse New7wonders [7 Nouvelles Merveilles], elle vient d’entrer dans l’année où elle célèbrera le demi millénaire de sa fondation. Ce que l’institution mentionnée a relevé dans son troisième concours a été la prise en compte de « son attractivité mythique, son ambiance chaleureuse et accueillante ainsi que le charisme et la jovialité de ses habitants ».

Publié le 27 novembre 2018 dans « La pupila insomne »(NdT : « La pupille en éveil »)

La Havane possède également d’autres vertus, comme celles qui sont associées – et ce ne sont pas les seules qui vaudraient d’être ajoutées – à sa localisation qu’elle occupe officiellement depuis le 16 novembre 1519.
Parmi ces qualités, il est notoire que l’une d’elles n’aura pas le même poids pour les facilités dont profitent les communications et le transport international actuellement mais qui a eu durant des siècles une valeur remarquable : sa situation géographique lui a fait mériter des qualificatifs tels que clé de ce qui est appelé le Nouveau Monde et qui devait l’être pour ceux qui l’ont vue en ce temps-là et qui la citeraient depuis la distance physique ou conceptuelle ou bien se crurent ses découvreurs, mais pas pour ceux qui l’habitaient depuis bien avant 1492, comme d’autres populations avaient habité leurs territoires respectifs sous différents latitudes de la planète.

En plus de cela, La Havane eut d’autres indices d’un destin singulier depuis qu’elle porte – ainsi que la baie où elle est née et a prospéré – le nom qui l’a distinguée par-dessus celui de San Cristobal, son nom de baptême colonial et chrétien. Selon ce qui est connu ou accepté, le toponyme de La Havane rend tribut non aux gloires et symboles de l’Europe qui a été et montre qu’elle apprécierait de continuer à être dominante, mais à un cacique aborigène, Habaguanex.

Ce chef indigène deviendrait représentatif de la résistance face aux conquistadors européens et, à la fois, de la solidarité hospitalière des Antilles. On lui attribue le sauvetage de deux espagnols survivants d’un naufrage, un geste beaucoup plus proche des valeurs du christianisme que des pratiques d’oppression et de génocide employées par les oppresseurs colonialistes, lesquels ont rendu infâme la foi chrétienne en l’invoquant pour mener à bien des actes voraces et génocides et légitimés en son nom.

Un autre élément abonderait les meilleures particularités de La Havane. Ainsi, le fait d’avoir été située lors de sa fondation en plusieurs endroits avant de se fixer dans le lieu qu’elle occupe aujourd’hui près de la baie du même nom, lui donnerait une espèce d’image de mouvement massif que l’on pourrait dire capable de veiller ou d’atténuer, dans une certaine mesure, l’empreinte personnelle des autorités coloniales qui, in situ ou de loin, sont intervenues lors de sa fondation ou bien l’ont décidée ou marqué ses origines.
Parmi elles il y eut, en plus des rois d’Espagne - au nom desquels la fondation de la ville a été menée à terme - des personnages à l’individualité hérissée et au souvenir effrayant comme Diego Velasquez, Panfilo de Narvaez et Hernan Cortes, lequel y passa au début de l’année 1519 même lors de son voyage vers le Mexique.

En tout cas, l’image du mouvement massif, comme s’il s’agissait d’une prédiction précoce de ce que serait l’initiative créole, dépasserait les individualités et a permis que la naissance de La Havane ne semble pas abonder, au moins directement, la réputation de personnages que les festivités organisées pour les anniversaires d’autres villes cubaines ont permis de glorifier.

L’auteur de cet article a lu ou entendu dans des organes de presse du pays des « merveilles » comme dédier de façon enthousiaste des lauriers à Diego Velasquez. En des termes révélateurs de complaisance, un confrère l’a dénommé « notre premier conquistador ».
A une autre occasion, sur les écrans de télévision, on a joyeusement valorisé le fait que la matière avec laquelle est faite la statuette de la Vierge de la Charité du Cuivre conservée et vénérée à la basilique à laquelle elle donne son nom, puisse être considérée comme une œuvre d’aborigènes évangélisés.

Indépendamment des croyances de chacun, il faudrait penser à ce que signifiait pour les peuplades originaires de Cuba une évangélisation qui, bien que des religieux honnêtes y aient participé, servait d’instrument de domination pour la Couronne espagnole ainsi que pour ses représentants et ses bénéficiaires.
A de telles merveilles, on peut en ajouter d’autres comme le statut de monument national attribué à ce que l’on accepte être la croix avec laquelle Christophe Colomb a béni le chemin de la colonisation à Baracoa et non à quelque autre élément, bien qu’il fut intangible, comme le martyre sur ce même territoire de Hatuey, symbole de la résistance caribéenne et qui a anticipé l’internationalisme des peuples de cette zone.

En son temps, le rédacteur du présent article a largement abordé de tels faits dans « Cultura, pendulos y cruces, (NdT : Culture, pendants et croix), publié sur le portail de Cubarte et repris dans son livre « Detalles en el organo ».

L’histoire de La Havane sera grandie et rendue digne par la Révolution qui a libéré le pays de la domination impérialiste des Etats-Unis, qui a mis fin au déferlement d’emblèmes de cette puissance dans le pays, particulièrement dans la capitale, associés à l’oppression impérialiste et à des manifestations de corruption dans tous les sens : depuis la corruption économique, la corruption politique jusqu’à la mafia et la prostitution sexuelle au vu et au su de chacun qui, de différentes manières profitaient aux gouvernants et les servaient.

Ces lignes sont écrites par l’auteur plusieurs heures après avoir revu à la télévision nationale des images de la démolition révolutionnaire de l’aigle sur le monument érigé sur le Malecon de La Havane en souvenir des victimes lorsque coula le Maine. Cette démolition n’a pas été le résultat d’un ouragan comme ce fut le cas quelques années après son inauguration, ni d’une irresponsabilité iconoclaste, mais le fruit d’une réflexion méditée par le gouvernement révolutionnaire.
Et cela ne doit pas être attribué au méritoire labeur avec lequel La Havane se remet des affres du temps et d’erreurs humaines comme surtout les pénuries provoquées par le blocus dont la nation a souffert pendant plus d’un demi-siècle.

Ce blocus lui a été imposé par la même puissance impériale qui a récupéré la tragédie de l’équipage du Maine pour mener ses plans d’appropriation de Cuba. En son temps, José Marti a tenté d’empêcher un tel succès impérialiste avec la guerre de 95 qu’il prépara comme un antidote contre ce qui finirait par être l’intervention impérialiste qui en 1898 a arraché à Cuba son indépendance.
De telles réalités doivent continuer à illuminer les perspectives avec lesquelles on mène à bien la restauration de La Havane comme faisant partie du pays, comme capitale de tous les cubains et toutes les cubaines, un complément qui mérite de se libérer de tous les manques répétés à une pleine compréhension dont elle a besoin.

Les travaux de restauration ne doivent pas être pensés ni réalisés, de façon critique, avec une vision nostalgique ou idéaliste de l’histoire. Le Capitole, par exemple, qui aujourd’hui se rénove avec des efforts et du savoir, n’a pas été érigé pour représenter la République que voulait Marti car ce ne fut pas celle qui fut instituée en 1902 sous l’ingérence des Etats-Unis.

Si l’on parle de digne représentation républicaine, la Révolution Cubaine est appelée à donner à cet immeuble – émule dans ses conceptions originales et pas seulement dans son dessin architectural du Capitole de Washington – un usage qui fasse honneur aux rêves de Marti : ses idéaux révolutionnaires, émancipateurs et de justice pour lesquels il est mort en combattant.

Le passé de cette nation a connu de véritables gloires – grandeurs s’opposant à l’oppression et aux injustices – et pas seulement des périodes sombres mais aussi des horreurs qui sont le propre de la domination coloniale et néocoloniale (impérialiste), appuyées par des laquais locaux qui se sont soumis à elles dans le but de rechercher des privilèges contre le peuple. Une restauration sans critique ou nostalgique du passé national justifierait le « sauvetage » d’antres de corruption comme ceux qui ont existé durant la période coloniale et pendant la République médiatisée.
Cela se verrait non seulement dans des images matérielles – édifices, monuments et autres – mais aussi dans des habitudes et des enseignes étrangers à la justice révolutionnaire populaire pour laquelle de nombreux fils et filles de la patrie ont fait tant d’effort et offert leurs vies.

Heureusement, ce n’est pas une restauration du passé de ce type qui anime et doit continuer à animer celle qui tente de rendre à La Havane – non comme la capitale d’un quelconque pays mais comme celle d’un peuple qui s’évertue à construire le socialisme : non pas un stade final mais une étape de transition vers le communisme – la splendeur qu’elle mérite récupérer et même renforcer.
Assumée par la Révolution cubaine, cette restauration du passé doit se faire dans l’intérêt de tout le peuple, sachant qu’il n’y a pas de peuple homogène et sans tendances négatives face auxquelles il faut quelque chose de plus que monter la garde et promouvoir des consignes.

Il y a quelques mois, lors du chaleureux dixième anniversaire du site digital Cubadebate, des représentants de cette publication et ses collaborateurs, parmi eux l’auteur de cet article, ont eu le plaisir de parcourir le Capitole au cours d’une visite dirigée par un guide de luxe s’il y en a, Eusebio Leal Spengler.
En tant que Directeur du Bureau de l’Historien de la Ville, il est venu pour accomplir avec une passion irremplaçable, la mission de guider comme principal artisan la restauration intégrale de La Havane et de plus, agir de nombreuses fois comme un ouvrier dans ce travail.

Si en général toutes les personnes qui avons participé à cette visite du Capitole et avons apprécié tout ce que nous avons vu en particulier les informations apportées par Léal, il y eu un fait qui s’est révélé être appréciable comme indice du comment se déroule et doit continuer à se dérouler la rénovation de La Havane et de toute la nation. En restaurant le Capitole, on a respecté la défiguration du visage du satrape Gerado Machado –qui a tout fait pour édulcorer son image avec des œuvres comme cet édifice – et d’un autre sombre personnage, en l’occurrence le président des Etats-Unis d’alors, dans le bas-relief du porche d’entrée qui regroupe, plus que l’immeuble lui-même, des scènes associées à des moments de la nation.

Ce fut l’unique acte destructeur que le peuple enhardi par la déroute du tyran – que Ruben Martinez Villena a appelé l’âne avec des griffes – s’est permis de faire lors de la prise du Capitole et a été avec, comme mentionné plus haut, la destruction de l’aigle impériale une digne expression de la justice.
Avec cette compréhension la trace de la passion révolutionnaire du peuple s’est maintenue et ce n’est pas moins important pour l’histoire que la construction même du Capitole. On doit signaler la réussite d’avoir respecté cela lors de la rénovation de cet édifice dont la valeur symbolique ne doit pas rester enfermée dans son architecture mais la redéfinir dans une perspective de révolution.

Tout cela et bien plus encore revient en mémoire de qui se réjouit de l’attention croissante portée à La Havane, attention qui serait insuffisante si elle se limitait aux éléments matériels de la ville. Soigner sa propreté et son hygiène sans lesquelles son image sera – ou est – très incomplète, insatisfaisante est la mission que les autorités, les institutions et les habitants en général doivent remplir.
Tous doivent veiller à ce que ce soin soit aussi maintenu par ceux qui sont de passage.
Ce n’est pas un but que l’on atteindra avec de simples consignes et d’effets d’annonce. Si cela ne s’accompagne pas d’un travail éducatif qui ne soit pas limité à des tranches d’âge et qui inclue des mesures de sanctions nécessaires, on n’atteindra pas le but recherché ou alors seulement partiellement.

Conçues comme un moyen de réussite totale, la propreté, l’hygiène et l’ordre ne doivent pas se limiter au tangible. Sont également concernées les habitudes, la civilité, la discipline, le vivre ensemble, les normes du respect, l’environnement sonore.
L’entendre ainsi n’est pas seulement destiné à La Havane mais pour le pays tout entier. Mais à cause des dimensions de la capitale et surtout à cause de son tissu démographique, toutes les merveilles et les pénuries ressortent et se ressentent plus ici que dans le reste du territoire national.
Et si on consommait uniquement dans La Havane toutes les réussites que la nation entière a besoin de récolter, il serait juste que pour marquer sa singularité et célébrer son demi-millénaire on lui attribue un titre que toute la patrie, avec elle, mérite : Ce qu’il y a de plus grand.

La Havane se distingue par plusieurs particularités significatives en commençant par un fait sur lequel on doit clairement insister : c’est la capitale du premier pays qui a tenté de construire le socialisme en Amérique latine et dans la Caraïbe, dans l’hémisphère et dans le monde de langue espagnole. C’est, bien que l’on pourrait le dire en rigolant, quelque chose de très sérieux, en vérité c’est monumental.