Congrès Ouvrier en Armes : Un pas de plus pour l’unité des travailleurs cubains

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Les luttes syndicales pour défendre les ouvriers ont commencé avant le triomphe révolutionnaire du 1er janvier 1959. La Confédération des Travailleurs de Cuba avait été fondée dès 1939 ; cependant, elle ne défendait pas les syndicats (...)

Congrès Ouvrier en Armes. Photo : Archives de Segundo Frente.

Les luttes syndicales pour défendre les ouvriers ont commencé avant le triomphe révolutionnaire du 1er janvier 1959. La Confédération des Travailleurs de Cuba avait été fondée dès 1939 ; cependant, elle ne défendait pas les syndicats mais répondait à des intérêts « mujalistas » (NdT : Mujalista : partisan d’un syndicaliste corrompu Eusebio Mujal. Pour plus d’information : www.ecured.cu/eusebio_mujal) et du gouvernement pro-impérialiste de Fulgencio Batista. Le Congrès Ouvrier en Armes, tenu à Soledad de Mayari Arriba, municipalité de Alto Songo, Province d’Orient (aujourd’hui municipalité de Segundo Frente – NdT : 2ème Front) les 8 et 9 décembre 1958, a été une des premières tentatives pour consolider l’unit é et tracer des stratégies pour lutter dans l’intérêt des travailleurs face à la bourgeoisie.

Néanmoins cette rencontre fut rendue historiquement plus nécessaire à chaque progrès de l’Armée Rebelle de la Sierra Maestra. A partir de mars 1958, Raul Castro créa le Deuxième Front Oriental « Frank Pais » et en même temps une série de structures qui organisèrent le territoire. Parmi elles, le Bureau Agraire et le Bureau Ouvrier, rattachés au Commandement Central.

Dans cette zone, il y avait à ce moment-là, 36 habitations très distantes les unes des autres avec des conditions sanitaires et d’hygiène précaires. On comptait 5 écoles primaires dispersées sur tout le territoire et un médecin en exercice libéral. Dans cette zone prévalaient les plus hauts taux d’analphabétisme et de pauvreté du pays.
Ces deux structures allaient comme un gant (NdT : l’auteur écrit « Comme une bague au doigt ») pour garantir la représentation des ouvriers et des paysans face aux patrons et propriétaires fonciers. La Direction du nouveau Bureau fut confiée au leader cheminot de Guantanamo Antonio Torres Chedebeau, plus connu par ses collègues sous le nom de Ñico. Le nouveau dirigeant relevait du Commandement de la Sierra Maestra où il occupait le poste de coordinateur national ouvrier du MR-26-7.
Après la clôture du Congrès Paysan en Armes le 21 septembre 1958, il fut confié au Bureau Ouvrier la mission de résoudre les conditions de travail des travailleurs du café et les vols lors du pesage dont ils étaient victimes. Les dirigeants syndicaux ont résolu les problèmes existant dans le transport des grains et qu’ils parviennent au prix de 0,45 pesos la boîte de grain vert de 28 livres comme il était établi.

Pendant tout ce processus il a été montré que les grands colons et propriétaires d’haciendas maintenaient ce que l’on appelait le « temps mort », ne prêtaient pas attention aux plantations de canne et, comme dans les sucreries fermées et clôturées, on n’avait pas initié les réparations pour mener à bien la récolte de canne à sucre.

Les propriétaires fonciers accusaient l’Armée Rebelle de ne pas laisser entrer les matériaux nécessaires pour commencer les réparations dans les centrales. Ils alléguaient qu’ils n’avaient pas d’argent pour payer les travailleurs parce que les banques de La Havane, où était gardé l’argent liquide avaient fermé leurs portes à cause de la guerre.

Il n’y avait pas d’autre choix. Face à cette situation et pour sauver la récolte de canne, le Bureau Ouvrier a proposé au Chef du Deuxième Front de réaliser une récolte de sucre plénière qui, compte tenu des conditions météorologiques et du temps restreint pour la préparer, il fut décidé de la commencer début décembre.
Le Commandement recommanda que le caractère d’unité soit imposé lors de la réunion où furent convoqués tous les ouvriers révolutionnaires à travers les canaux clandestins du MR-26-7 et la diffusion par Radio Rebelde. Elle fut initialement prévue le 7 décembre qui coïncidait avec la date de la mort au combat d’Antonio Maceo.

Les délégués dans tous les territoires libérés furent élus dans des assemblées de tous les travailleurs et dans les territoires non libérés, on les nomma via les cellules clandestines du mouvement et d’autres organisations intégrées dans le Front Ouvrier National Uni.

Congrès en Armes

Congrès Ouvrier en Armes. Photo : Archives de Segundo Frente

A partir du 4 décembre, les délégués ont commencé à sortir de leur point d’origine pour pouvoir arriver à temps au rendez-vous. Etaient présentes les municipalités d’alors de Holguin, Puerto Padre, Mayari, Gibara, San Luis, Palma Soriano, Guantanamo, Yateras, Songo, La Maya, Santiago de Cuba et Antilla. La commission des accréditations enregistra 100 délégués.

Aux premières heures du 7, Ñico reçut une lettre de Raul où il lui demandait de reporter la réunion au lendemain car de nombreux délégués n’étaient pas encore arrivés. Le Congrès commença le matin du 8 avec la représentation de 13 zones et les secteurs ferroviaire, sucrier, agricole, industriel, portuaire, minier, pharmaceutique, du commerce, médical, du téléphone, de la construction, des arts graphiques, électrique, de la menuiserie, la boulangerie et de la Base Navale Nord-américaine. Les opérations pour la prise de La Maya ont empêché la présence de Raul au Congrès.

Malgré les constantes interruptions dues au harcèlement et la mitraille de l’aviation ennemie et qu’ils durent plusieurs fois interrompre les débats et se réfugier dans les plantations de café par mesure de sécurité, les délégués donnèrent leur point de vue sur la situation et expliquèrent les conditions de travail de chaque secteur. Ce dialogue a facilité qu‘au cours de la rencontre soient pris des accords qui marqueront le travail du mouvement syndical dans les temps futurs :

• Ne pas autoriser la CTC et la Fédération des Travailleurs du sucre « mujalistes » (voir plus haut §1)à discuter ou négocier avec les propriétaires fonciers et les colons des problèmes liés à la récolte de la canne qui approchait.
• Convoquer des assemblées dans les centres de travail pour soumettre à la discussion la destitution des faux dirigeants des travailleurs.
• Que dans les assemblées on devrait élire sans sectarisme, quatre camarades qui siègeraient en tant que Commission des Travailleurs Libres ou cadres provisoires.
• Toute Commission de Travailleurs Libres qui serait élue devra mettre en œuvre le plan et devra faire un inventaire de tout ce que le syndicat devra traiter.
• La Commission des Travailleurs Libres serait chargée de discuter les accords collectifs dans leurs collectifs de travail respectifs.
• Plus de retrait salarial sur le quota syndical obligatoire.
• Que cesse le décompte sur les rémunérations, salaires, timbre, etc…
• Conserver par les entreprise l’argent décompté ou à décompter au titre du 2,74%, de la maternité, la retraite, la retraite sucrière jusqu’à ce que le Gouvernement Révolutionnaire statue sur la question.
• Entamer la lutte pour prélever, dans le cadre des orientations de la Sierra, 20% que ce que l’on touchera.
• Lutter avec les paysans pour une véritable Réforme Agraire qui en finira avec les grandes propriétés et les expulsions et qui intègrera les travailleurs agricoles.
• Ratifier la constitution ou déclaration constitutive du Front Ouvrier National Uni et lutter pour ses décisions
• Garantir les réparations et la récolte de la canne, avec ou sans argent, en réparant les voies ferrées que le Commandement Central autorisera et qui n’interfèreront pas sur les opérations militaires.
• Soutien sans condition ni restriction de l’Armée Rebelle
• D’autres de caractère particulier et variés dans les centres de travail.

Mesures post-Congrès

Dans les territoires libérés, les accords furent rapidement mis à exécution au moyen d’assemblées unitaires dans tous les centres de travail. De plus, les patrons furent obligés de mettre en œuvre l’intégralité des accords et le quota syndical obligatoire fut supprimé.

Dans les zones non libérées, les mesures prises par le Congrès furent notifiées aux organismes clandestins et leur application fut entreprise dans la mesure de leurs possibilités concrètes, compte tenu du climat de guerre et de la répression exercée par la tyrannie.

Les ouvriers méconnaissaient la réalité : 24 jours après la tenue du Congrès, Batista s’enfuit du pays ce qui rendait possible la réalisation des aspirations des cubains.
Fidel lança son appel à la grève générale révolutionnaire à laquelle participèrent tous les travailleurs du pays.

La Révolution Cubaine triomphait et avec elle les rêves d’une société plus juste et équitable. Le Congrès Ouvrier en Armes posa les bases qui se consolidèrent dans le projet de la nation qui commença à émerger à partir de janvier 1959.