Histoires d’une nuit en aveugle

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A 20 h 26 le dimanche 27 janvier, une très violente tornade, impossible à prévoir, a touché terre au sud-ouest de l’arrondissement du Dix Octobre, le plus peuplé de la capitale, situé au sud-ouest de la baie, avant de se diriger vers Berroa et la mer, au nord-est, 11,5 km plus loin. En 16 minutes seulement, à la vitesse de 42 km/h, elle a traversé et ravagé sur 700 m de large la partie Est de La Havane, entrant par les fenêtres du troisième étage d’une maternité, là-même où se trouvaient les nouveaux nés. Les témoignages bouleversants de quelques pompiers et policiers, qui ont tout donné dans l’obscurité pour venir en aide aux sinistrés serrent le cœur, mais ils démontrent également la réactivité, la solidarité, l’humanité et l’efficacité dont ont fait preuve les sauveteurs en unissant leurs forces avec celles de tous les services de l’Etat. Pascale Hébert

Article de Lisandra Fariñas Acosta, Granma, 3 février 2019, Traduit par Pascale Hébert.

Ce n’est qu’aux premières lueurs du lendemain qu’ils se sont fait une idée de l’ampleur réelle de la catastrophe. Quiconque leur aurait dit, avant ces cinq dernières heures, ce qui se passerait, aurait été taxé sinon de fou, du moins d’excessif. Mais là sur la Chaussée de Luyanó, et là-bas à dans les arrondissements de Guanabacoa et de Regla, il n’y avait pas une once de fantaisie.

La nuit de la tornade, les pompiers n’ont pas attendu l’appel pour rejoindre leurs postes. Photo : Dunia Álvarez Palacios.

Le capitaine Wilmer Yumar Mendoza jure qu’au cours de ses 20 ans de service, il n’avait jamais vu une chose pareille. « Même lors du tremblement de terre en Equateur », lorsqu’il a apporté son aide à cette nation amie, dit celui qui est chef du Groupe de Secours et de Sauvetage.

Il venait juste de rentrer chez lui auprès de son épouse et de sa fille, et par hasard il était en train de parler au téléphone avec un collègue, « un autre chef de sauvetage », raconte-t-il.

« Moi, j’habite tout près, derrière l’église Jésus del Monte et lui, il habite le carrefour de Toyo. Nous avions convenu que j’allais passer chez lui. J’ai raccroché, je suis entré chez moi et c’est alors que ce phénomène s’est produit ».

Wilmer dit qu’il a pu s’assurer que sa famille était à l’abri, qu’il ne leur était rien arrivé, il leur a demandé de ne pas sortir de la maison, de rester en communication avec lui. « Je me suis habillé et je leur ai dit que je descendais dans la rue pour aider là où ce serait nécessaire … c’est mon travail. L’avis d’alerte aux submersions marines, aux pluies, nous l’avions déjà… ».

Il est alors parti chercher son collègue, pour se mettre d’accord, pour mettre la famille de celui-ci en sécurité également, pour voir en quoi ils pouvaient être utiles dans le secteur.

Ça a été une affaire de minutes et personne ne s’explique comment en si peu de temps un arrondissement s’est retrouvé avec autant de dégâts. Des effondrements complets de maisons, les câbles électriques par terre, des voitures, des bus, des camions renversés. La population demandant de l’aide, dit-il.

Il n’y a pas de pire incertitude que de ne pas avoir une idée bien claire de ce qui arrive, c’est la porte ouverte à l’état de choc, au stress. Et c’est justement ce qu’ont trouvé Wilmer et le sous-lieutenant Aniel León, au milieu de la rue.

« Nous avons rencontré la voiture numéro un, à laquelle on avait assigné la tâche de participer à une intervention en face de l’hôpital Filles de Galice. Il s’agissait d’un effondrement avec des personnes emmurées », raconte Wilmer. « Elles allaient bien, mais leur sortie était obstruée », explique-t-il.

Juste au moment d’aborder la voiture, un monsieur s’approche d’eux pour leur signaler qu’il y avait un couple de personnes âgées coincé sous les décombres d’un deuxième étage, entre les rues Luyanó et Benavides. « J’ai pris la décision de dire au chef de compagnie qui était dans cette voiture que nous allions avancer dans cette première direction, parce que c’était la priorité, qu’ il y avait des personnes coincées », se remémore Wilmer.

Pour Aniel, si une chose rendait difficile chaque instant, c’est la nécessité absolue qui les a conduits à établir des priorités, à secourir d’abord les plus blessés parmi les blessés, à dire à celui qui avait besoin qu’il y en avait qui avaient plus besoin encore. L’urgence la plus grande et l’effort pour employer le personnel et les moyens de la manière la plus efficiente possible les y obligeaient.

« En arrivant, nous avons vu qu’il y avait une ambulance qui ne pouvait pas accéder sur les lieux, tout comme nos moyens techniques qui n’avaient pas pu, eux non plus. Nous sommes arrivés jusqu’à l’immeuble à pied, nous sommes montés par l’escalier et nous nous sommes introduits au deuxième niveau par une petite brèche, aujourd’hui je ne sais pas comment il se fait que nous ayons pu entrer. Le mur s’est écroulé entièrement, il est resté maintenu par une grille de fenêtre et un grillage. L’important est que nous soyons passés. L’infirmière y est parvenue également. » dit Wilmer.

« Ce couple, nous l’avons sorti nous à la force des bras, nous avons essayé de retirer peu à peu les choses qui gênaient la respiration de la dame, dans l’incapacité de marcher, et nous avons réussi à la sortir sur un brancard. L’infirmière a réussi à la perfuser. Le plancher s’était effondré aussi et il a fallu la passer pratiquement dans le vide », ajoute Aniel.

Ils ont parcouru toute la rue, sur deux pâtés de maisons, avec la dame sur les bras, jusqu’à l’ambulance qui l’emmènerait à l’hôpital Calixto García.

« Nous étions bien peu pour tout ce qui arrivait », avoue le lieutenant colonel Noel Silva García, chef du Groupement Spécial de Secours et de Sauvetage.

« Il y avait une situation hors du commun : beaucoup de stress, la population était paniquée, elle était très effrayée par ce qui survenait et par ce qu’elle avait sous les yeux ».

Noel mentionne que lorsque la tornade s’est produite, beaucoup de ses collègues, comme lui, se trouvaient chez eux à profiter de leur temps de repos. « C’est un protocole bien établi que face à des situations de catastrophe nous devons immédiatement nous présenter dans notre caserne et occuper les postes de travail assignés à chacun ».

« Ça a été une situation très atypique par rapport à ce que nous faisons normalement. Parce que lorsqu’il y a un cyclone, on nous prévient, nous nous préparons, nous sommes dans notre caserne et de là nous partons accomplir notre mission. Ceci s’est produit d’un instant sur l’autre, on ne s’attendait pas à un phénomène de cette nature, par ailleurs imprévisible ».

Quelques minutes après que La Havane ait été secouée, ces hommes se sont présentés dans les zones qui étaient les plus proches de chez eux, sans réfléchir.

Ils ne disposaient même pas de l’équipement adapté, parce qu’on supposait que la nuit du 27 janvier serait orageuse mais pas cataclysmique.

« Fortuitement beaucoup d’entre nous étions proches de l’arrondissement du Dix Octobre, des quartiers de Luyanó, de La Víbora et de Santos Suárez, qui ont été les zones les plus touchées ».

« Nous avons fait, je dirais, un déploiement par nous-mêmes pour essayer que chaque homme couvre la plus grande zone possible et apporte la réponse la plus rapide possible. Nous sommes tombés sur des effondrements de maisons, d’installations publiques, des personnes qui nous appelaient pour que nous les aidions à résoudre les problèmes qu’elles avaient chez elles », se rappelle-t-il.

Le major Even Gato Morón est le chef du Groupement n° 11 de l’arrondissement du Cotorro. « J’étais chez mon épouse, nous avions réparé un peu le toit parce que le vent avait été assez fort pendant la journée… et du Sud, alors la nuit allait être orageuse. C’était annoncé, mais nous n’imaginions pas qu’une tornade se produirait, et moins encore de cette ampleur ».

« Nous dormons presque toujours avec le talkie-walkie allumé au cas où il y aurait une urgence. Nous sommes chefs de Groupement. Nous avons entendu de l’étage les collègues qui étaient dans la rue en train de demander des renforts. Je suis parti tout droit au Groupement n° 25 qui est assez proche de ma maison à San Miguel del Padrón, et quand je suis arrivé, les gars étaient déjà prêts à partir vers le lieu d’où on sollicitait de l’aide. Le chef de Compagnie du Groupement Numéro Un était déjà au travail sur place », précise-t-il.

Even explique qu’ils ont dû chercher des itinéraires bis pour y arriver parce que la Chaussée de Luyanó était complètement dévastée. « Nous avons progressé par la Via Blanca. Il y avait plusieurs accidents de la circulation. Une remorque avait percuté plusieurs véhicules renversés. Nous avons pu arriver jusqu’à la rue Fabrica et là nous avons laissé notre voiture, à environ 500 mètres de l’endroit ».

« On aurait dit qu’il y avait eu un tremblement de terre. Dans cette rue on ne pouvait même pas marcher. Nous n’avions pas encore connaissance de la situation qu’il y avait à la maternité de l’arrondissement du Dix Octobre, l’hôpital Filles de Galice », dit-il

Rancel Cordovaz était aussi chez lui quand il a reçu l’appel à la mobilisation. Il est premier technicien de Secours et de Sauvetage et il est parti à pied sous la pluie depuis San Miguel del Padrón. Il a rejoint les moyens techniques du Groupement 25, celui d’Even, lorsqu’il allait en direction de la zone touchée.

« Il y a eu un moment, quand nous sommes passés par la Via Blanca, où nous avons regardé à droite. Le chef du Groupement me dit : « regarde comme le vent a couché ce mur, et moi, je lui réponds : « non, penses-tu, ça doit être parce qu’ils sont en train de le démolir », raconte-t-il, encore abasourdi.

Eliecer Fonseca Reitor lui, était à son Groupement lorsqu’est arrivé l’ordre de partir vers Guanabacoa pour porter secours au bus qui s’était renversé avec des personnes dedans, et il est encore à son poste de travail, une semaine après. Il dit que la seule chose qui lui est venue à l’esprit quand il a commencé à voir des arbres tombés par terre, des autos défoncées, des gens qui demandaient du secours, c’est que c’était une tornade. Mais est-ce que c’en était une ?

Après avoir fouillé sous les décombres jusqu’à sortir vivante une dame et son époux de dessous le tas de gravats qui avait été leur maison, Wilmer Yumar Mendoza a reçu l’ordre du major Alejandro Santillano, chef du Groupement Spécial Numéro Un, de se rendre avec un groupe d’hommes à l’hôpital Filles de Galice, car on avait reçu des appels téléphoniques du Centre de Direction, informant qu’il y avait des difficultés là-bas.

« En arrivant à l’entrée de l’hôpital je suis abordé par un médecin résident, avec plusieurs lésions, des blessures visibles. Je lui ai dit : « écoute, toi, il faut te faire soigner », et il m’a répondu que non. « Viens par ici, à l’intérieur j’ai trois personnes dans un état grave », me dit-il. A l’accueil des urgences, il y avait une jeune fille avec quatre côtes fracturées, une femme très âgée assise sur une chaise avec des brûlures au troisième degré à cause du frottement sur la rue, parce que tout ça l’avait surprise en dehors de chez elle et l’avait traînée sur le bitume, un autre jeune homme sur un fauteuil roulant avec des marques de coups sur tout le corps, toutes des blessures qu’il fallait recoudre. Là, je sollicite au Groupement Un l’envoi de trois ambulances et c’est alors que nous nous rendons réellement compte que la situation est très grave », signale Wilmer.

Le chaos. C’est le mot avec lequel Alexander décrit la scène. En 25 ans de service, il ne trouve pas de point de comparaison avec cette nuit. Il a dû faire très vite pour chacune de ses décisions : il s’est réuni avec tous les techniciens du Secours, les collègues du Groupement 25, ceux de son propre Groupement, et ils ont décidé de créer trois groupes d’exploration. Tout ça en quelques minutes.

« L’ordre était de maintenir la communication par le biais de l’équipement radio, et depuis le premier contact, les gars ont commencé à demander des ambulances, se remémore-t-il.

A ce moment-là, dit-il, ce n’était plus seulement l’hôpital, mais aussi les maisons qui étaient à côté, il y avait des gens avec des lésions, quelques unes à la tête, des fractures… nous étions presque à 50 mètres d’une polyclinique qu’il y a sur la Chaussée de Luyanó et là aussi il y avait des blessés.

En tenant compte de la situation, la première décision qui a été prise a été d’orienter la majeure partie des interventions vers l’hôpital, étant donné ses caractéristiques.

Il y avait là au total 82 femmes enceintes et 14 nouveaux nés, et parmi ces enfants il y en avait deux qui étaient dans un état grave. Les collègues du Gouvernement, du Service Intégré d’Urgences Médicales, de la Croix Rouge, de la Police ont commencé à arriver. Tous ont joué un rôle fondamental pour que la stratégie d’évacuation se mette en place avec succès ».

« Nous devions sortir tout le monde vivant de cet hôpital. Nous avons passé plus de cinq heures à travailler, dans des conditions très défavorables, pratiquement dans une obscurité totale et avec les rues obstruées, les voitures ne pouvaient pas accéder sur les lieux », explique le major Santillana.

Il dit, en outre, que sans l’entrainement quotidien et le sentiment d’appartenance qu’on inculque au Corps des Pompiers, ils n’auraient pas pu faire face. « Discipline, honneur et courage », c’est ça le secret, affirme-t-il.

Lorsque Wilmer est monté au troisième étage, là où sont les nouveaux nés, il a constaté que, bien que ce fût la seule zone de l’institution où le courant électrique fonctionnait toujours, le panorama était affligeant.

« Conseillés par les médecins du lieu et suivant l’état des mères et des nouveaux nés, nous avons commencé à classer les patients et à solliciter au major Alexander les moyens nécessaires pour une évacuation en sécurité. Nous n’étions pas les seuls dans la ville, le système d’assistance était saturé », se rappelle-t-il.

« Il fallait se répartir les tâches. Un groupe a pris en charge l’évacuation de la salle de Néonatologie, l’autre la salle de travail et un troisième la salle des femmes enceintes dans un état normal. Enfin, nous avons descendu, peu de temps après leur intervention, les trois femmes qui avaient eu une césarienne ; leurs bébés avaient été transférés en premier ».

Une jeune femme a commencé à ressentir les douleurs de l’accouchement lorsque le sous-lieutenant Aniel et ses collègues la descendaient par les escaliers. « Avec beaucoup de précaution nous l’avons portée jusqu’à l’ambulance et ensuite nous avons su qu’elle était en train d’accoucher sur place ». rapporte-t-il.

« Pendant que nous travaillions à l’hôpital, nous avons dû nous subdiviser plusieurs fois. Il arrivait des appels signalant des effondrements de maisons dans les alentours, nous prenions rapidement la décision sur place et nous mandations un groupe d’exploration. Tout ça se faisait à pied, il n’y avait aucun accès pour les véhicules », se rappelle Aniel.

Le chef de Compagnie du Groupement Spécial Numéro Un, Andy Michel Ramos Sotolongo, le confirme : « A plusieurs occasions, comme les techniciens de secours étaient en train de travailler à l’hôpital, nous nous sommes déplacés jusqu’à 12 ou 14 pâtés de maisons aux alentours parce qu’on était en train de nous indiquer qu’il y avait des citoyens qui ne pouvaient pas sortir de leur maison ».

Noel Silva croit que la tornade est entrée par le troisième étage de l’hôpital, et « de haut en bas, elle a ravagé tout ce qui se trouvait sur son passage. La situation était atypique, différente des autres endroits, parce que c’était un hôpital de femmes enceintes, d’enfants qui pratiquement étaient nés quelques heures avant ou encore moins. Et des femmes qui étaient en train d’accoucher ou d’être opérées à ce moment-là. »

Le major Even Gato dit que lorsqu’il s’est arrêté sur le seuil de la maternité, la première chose à laquelle il a pensé c’est à sa fille qui avait eu deux ans il y avait seulement deux jours. « Elle était née avec la jaunisse et elle avait dû passer cinq jours dans la salle de Néonatologie, celle du troisième étage », précise-t-il.

Les lueurs du jour lui ramènent à l’esprit, dit-il, une question. « L’église en face de l’hôpital avait perdu sa coupole. Un climatiseur, comme ceux que l’on installe sur le toit de l’hôpital et qui pèsent très lourd, gisait au milieu de la rue. Des autos en travers, des palmiers par terre. Je ne sais pas très bien comment nous avons pu travailler dans ces conditions. C’est au lever du jour que nous avons vu clairement la catastrophe ».

« Il y a eu des moments critiques, ajoute-t-il. Des femmes enceintes qui voulaient rentrer chez elles et il a fallu leur parler, les calmer. Ça a été un moment de tension mais la population a collaboré ».

Par rafales, ils ajoutent des détails : le gaz qu’il a fallu couper à cause de la fuite au quatrième et au cinquième étage, le courage des personnels qui, même blessés, n’ont pas abandonné leurs patients, des médecins du voisinage qui sont venus aider.

La nuit de la tornade, le major Maurilio Reyes Reina n’était pas en patrouille dans la rue. Son premier contact avec la catastrophe a été au lever du jour, lorsque, en tant que membre du service de l’Unité Provinciale de Patrouille, il s’est dirigé vers le rond-point de Guanabacoa.

Les forces de l’ordre, l’ensemble de la population, ont travaillé de façon respectueuse, dynamique et éthique. Photo : Dunia Álvarez Palacios

Maintenir sous un strict contrôle la régulation des opérations les jours de catastrophe, n’est pas une tâche des plus faciles. Il dit que cela a été possible grâce au travail coordonné de toute l’organisation du Ministère de l’Intérieur (Minint). « La priorité était de pouvoir ouvrir la voie de façon ordonnée à tout le soutien logistique et à la mise en sécurité qui était en train de se dérouler à ce moment-là, les voitures qui avaient déjà commencé à déblayer les décombres, les ambulances, la distribution des fluides…. C’en est toujours une », affirme-t-il.

Apporter son soutien était le principal ordre reçu ces jours-là, signale Maurilio. « Il y a beaucoup d’anecdotes, mais je ne peux pas effacer de mon esprit cette dame âgée, d’environ 70-75 ans, dont la maison s’était écroulée et qui était dans la rue sans avoir pris ni petit déjeuner ni déjeuner. Elle a cherché de l’aide auprès de nous et nous l’avons transportée au poste de commandement qui avait été créé dans la circonscription, où on lui a apporté l’assistance requise ».

Ce n’est pas un cas isolé. « Nous nous sommes consacrés à orienter les personnes, surtout en les dirigeant vers les endroits où elles pourraient être secourues. Nous les aidions à traverser les rues, à ramasser les affaires qui leur restaient et qui pouvaient être récupérées. Ça a été dur ».

Les forces de l’ordre, conjointement avec la population, ont travaillé de façon respectueuse, dynamique et éthique. « J’ai remarqué une cohésion dans le travail. Tous, y compris d’autres acteurs comme les Forces Armées, nous n’avons formé qu’un seul corps… », ajoute-t-il.

Il insiste sur la coordination avec des organismes comme la compagnie de téléphone Etecsa, les Services Communaux, Les Eaux de La Havane et l’Union Electrique, entre autres. « Là où ils ont demandé une mise en sécurité opérative, nous la leur avons fournie. On a donné la priorité aux avenues et aux rues principales pour pouvoir les nettoyer et décongestionner d’autres voies qui étaient plus que saturées à cause de la circulation ».

Les voitures de patrouille ont continué de parcourir les rues ces jours-ci, par services de huit heures.

Maurilio dit qu’il a pu tourner dans tous les arrondissements touchés et il insiste sur la façon dont on a renforcé les unités qui assurent les patrouilles, surtout en horaire nocturne. « Non seulement en ce qui concerne les groupes de terrain, mais aussi le personnel administratif de tous les organes du Minint ».

« Nos propres services d’urgence - le 106 - n’ont pas cessé de fonctionner, et ils se tiennent au courant de tout type d’évènement. Une chose est lorsque la tornade passe mais hier encore les pompiers ont reçu un appel pour une personne coincée, parce qu’un arbre lui était tombé dessus. La mobilisation de toute la force nécessaire se poursuit actuellement. Le temps d’arrivée sur les lieux d’une urgence oscille entre trois et sept minutes. Nous sommes toujours concentrés sur la protection des arrondissements frappés » explique-t-il.

Les lieutenants Idilio Calzado Ramírez et Raidel Spengler Otaño, ne se trouvaient pas en patrouille dans les zones touchées. Ils étaient à l’autre bout de La Havane dans l’arrondissement de Playa.

Ils ont eu pour mission, non seulement d’être là mais d’enregistrer en images la zone dévastée. « C’est voir doublement la souffrance des personnes, les dégâts, la perte de ce pour quoi ils ont tant lutté. Les gens demandent de l’aide parce qu’ils se sont retrouvés sans rien, sans nourriture, sans maison », commente Raidel.

Nous, en tant qu’officiers nous recueillons aussi au fur et à mesure leurs inquiétudes et nous les transmettons au poste de commandement, nous essayons d’apporter une solution à notre mesure, ajoute Idilio.

Le plus dur pour ces deux garçons c’est d’écouter les histoires. Pour cette tâche, presque aussi importante que celle d’offrir quelque chose de concret, ils ont également été formés. « Chaque matin, on insiste sur la nécessité que nous soyons objectifs, que nous transmettions de la tranquillité, qu’il faut comprendre la douleur des gens et les traiter sans perdre ça de vue », précise Raidel.

Et la nuit ? « Nous restons là » Il fait très froid ? « Ça n’a pas d’importance par rapport à la catastrophe, par rapport à notre engagement d’assurer la tranquillité des citoyens ».

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