Díaz-Canel : « Il est nécessaire d’inclure les ressources de la province et de la municipalité dans le Plan économique »

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Après la très large approbation de la nouvelle Constitution du pays par la population cubaine, laquelle avait été consultée durant plusieurs mois, deux grands débats se sont déroulés en présence de Miguel Díaz-Canel, président de la République cubaine. Ils ont porté sur deux questions particulièrement d’actualité : la décentralisation qui a pour objectif de renforcer le pouvoir populaire, celui des municipalités, et la bataille contre la « colonisation néolibérale » grâce à la culture. Nicole Bedez.

Díaz-Canel lors de la réunion de bilan annuel du Ministère de l’Économie et de la Planification - Photo : Prensa latina.

Dans son intervention lors de la réunion de bilan annuel du Ministère de l’Économie et de la Planification (MEP), Miguel Díaz-Canel, président du Conseil d’État et du Conseil des ministres, a appelé à défendre l’autonomie des municipalités à partir de la planification.

Le président a souligné ce point qui représente précisément l’un des défis de la nouvelle Constitution approuvée par l’Assemblée nationale et ratifiée par 86,85 % des votes des électeurs.

Díaz-Canel a indiqué que l’objectif de cette initiative est de rendre les territoires capables de se développer par leurs forces propres et les interactions qu’ils créeront, tout en assurant que les visites gouvernementales dans les provinces ont permis de comprendre la nécessité d’inclure les ressources de la province et de la municipalité dans le Plan économique.

Plus nous développerons les collectivités locales, plus nous pourrons porter notre attention sur le plan stratégique a dit le président du Conseil d’État et du Conseil des ministres. Il a également affirmé qu’à partir de la ratification de la nouvelle Loi suprême (Constitution), se déploiera un exercice législatif intensif dans lequel le MEP devra jouer un rôle important.

Par ailleurs, le président a examiné l’importance d’augmenter les exportations pour stimuler le développement du pays et il a indiqué que lorsque les collectivités solliciteront un financement pour un investissement, elles devront obligatoirement être en mesure de rembourser ces fonds à partir de leurs ressources propres.

Il a insisté sur l’importance de préserver les chaînes de production en lien avec l’investissement étranger, le tourisme – moteur de l’économie – et le secteur non étatique.

Il a également fait observer qu’il est vital de renforcer l’entreprise d’État, d’assurer une gestion transparente et participative des affaires publiques, et d’utiliser davantage l’innovation scientifique en faveur du développement.

Combattre la colonisation néolibérale grâce à la Culture

Bilan annuel du Mincult – Photo : @PresidenciaCuba/Twitter.

Lors d’une intervention au cœur du bilan de l’année 2018 du Ministère de la Culture (Mincult) qui s’est tenu la veille dans la capitale, la Dra Graziella Pogolotti a décrit l‘histoire comme un processus permanent d’évolution et de mouvement, même si la politique culturelle de la Révolution cubaine continue à puiser ses idées fondamentales dans le Discours aux intellectuels du Commandant en chef, Fidel Castro Ruz.

L’intellectuelle cubaine a mis l’accent sur la démocratisation de la culture et la nécessité de rassembler, d’associer tout le monde, comme étant deux des principes défendus par le leader historique de la Révolution ce 30 juin 1961 dans la Bibliothèque nationale José-Martí, principes qui sont encore aujourd’hui des orientations valides alors que nous connaissons actuellement des circonstances où la confrontation culturelle a atteint des niveaux qu’elle n’avait pas en ces temps-là.

La synthèse des travaux du Mincult s’est déroulée dans le théâtre du Musée national, en présence de Miguel Díaz-Canel, président du Conseil d’État et du Conseil des ministres, de Víctor Gaute López, membre du Secrétariat du Comité central du Parti, de Miguel Barnet Laza, président de l’Union des écrivains et des artistes de Cuba (UNEAC), et de Alpidio Alonso Grau, directeur des lieux, parmi d’autres dirigeants du Parti et du Gouvernement.

En ce qui concerne les commentaires émis par Graziella Pogolotti, le président Díaz-Canel a précisé que la conceptualisation de ces idées de Fidel n’est pas encore totalement concrétisée ; c’est un objectif du Programme de développement culturel jusqu’en 2030, l’un des projets dont la pleine mise en œuvre est systématiquement contrôlée par le Gouvernement.

L’art et l’action

La rencontre a eu comme feuille de route un rapport de bilan dans lequel était répertorié, plusieurs mois auparavant, à la demande du Gouvernement, l’ensemble des problèmes rencontrés au Ministère ainsi que leur solution, toujours selon le principe de buts à court, moyen et long termes. Les objectifs et priorités de travail de l’institution pour 2019 ont également été présentés, résumés en trente mesures destinées à accroître et perfectionner l’action culturelle dans le pays.

Ce document insiste sur le fait que 2018, année d’intense travail, s’est conclue par « l’élaboration du Programme de développement culturel, lequel s’articule avec les bases du Plan de développement économique et social jusqu’en 2030 et avec le Registre des difficultés du Ministère ».

Le système culturel a poursuivi les politiques adoptées comme faisant partie de la mise en œuvre des lignes directrices, tout comme il a conservé parmi ses priorités la préservation et la promotion du patrimoine culturel matériel et immatériel ainsi que le Programme de mémoire historique, entre autres.

Dans la même période, on a continué la restructuration graduelle du réseau des centres d’enseignement artistique et on a rouvert la carrière de professeur-formateur d’art durant l’année scolaire 2017-2018. On a travaillé sur le perfectionnement des cursus et des programmes des établissements spécialisés dans les arts dont les étudiants s’étaient inscrits, par ailleurs, dans des projets socioculturels de collectivités locales.

La programmation culturelle en 2018 a été caractérisée par son ampleur et sa diversité, la musique étant toujours l’expression la plus répandue et au plus fort impact.

L’un des thèmes les plus débattus l’an passé, le Décret 349, destiné à la protection de la culture dans les espaces publics, a aussi été analysé. Il a été admis que la réglementation a produit « des insatisfactions et des courants d’opinion qui ont été (et continuent d’être) manipulés par des organes de presse ennemis et par des éléments de la contre-révolution, lesquels ont semé la confusion au sein du secteur artistique, particulièrement dans le domaine des arts plastique de la capitale. »

En réponse à la situation créée, « ont été instaurés différents espaces pour l’information détaillée et le dialogue avec des écrivains, des artistes et des animateurs culturels de tout le pays, et un groupe de travail pour la rédaction de la norme complémentaire qui a tenu compte des avis reçus s’y est raccordé, en accord avec la AHS [Asociación Hermanos Saíz, organisation culturelle cubaine] et la UNEAC. »

L’ensemble de ce processus « a mis en évidence la nécessité de repenser et rationaliser les espaces d’information et de dialogue des institutions avec le mouvement intellectuel et artistique, espaces dans lesquels sera élaborée une véritable participation de celui-ci dans les analyses et les décisions concernant des thèmes de politique culturelle. »

La culture est un éternel débat

La qualité de la programmation des institutions culturelles, la nécessité d’établir les hiérarchies artistiques et que cette nécessité soit respectée par tous, l’urgence d’une critique artistico-littéraire de qualité, la bataille sur les réseaux sociaux, la formation des cadres du Mincult ont été des questions examinées lors du bilan de l’organisation.

Díaz-Canel, quant à lui, a fait remarquer que « ce que nous devons faire aujourd’hui est d’abord identifier les problématiques fondamentales que nous sommes en train de vivre, surtout d’un point de vue idéologique, et rechercher une interprétation et une projection à partir de la culture »

Dans le monde dans lequel nous vivons, où la guerre est encouragée, où l’hégémonisme et l’ingérence sont de plus en plus confortés, où prévaut une plateforme de colonisation néolibérale avec un terrible combat médiatique qui transforme le mensonge en vérité virtuelle, où il y a une guerre économique dont l’expression se traduit dans l’idéologie, « le combat est culturel et la question est celle des idées et des identités qu’il faut défendre par la culture. Il faut affronter, avec la culture, cette plateforme qu’on veut nous imposer » a insisté Díaz-Canel.

Le président a expliqué que la crise du capitalisme est en train d’engendrer, dans ses derniers moments qu’est le néolibéralisme, des programmes conservateurs s’imposant aux masses qui les assimilent. Ils manipulent un ensemble d’éléments qui font intervenir de façon très perverse certains phénomènes, par exemple celui des migrations avec la xénophobie, le racisme et le fondamentalisme qui en résultent. Ils conduisent le phénomène jusqu’au nationalisme et les gens finissent par le rejeter, rejeter les migrations, et non le néolibéralisme qui en est la cause.

De même, a-t-il ajouté, il y a le mythe de l’entreprise privée. Certains ont fait croire que le privé est la solution de tout, en promouvant le concept néolibéral de l’État minimum. Tout ce qui est institutionnel, tout ce qui est l’État, ne sert à rien. Ils disent qu’il faut tout donner à l’entreprise privée, qu’il faut privatiser.

Cette mise en scène comporte une importante dimension médiatique, dans laquelle les media agissent comme des partis politiques. À cela s’ajoutent les problèmes des forces de gauche. C’est ce qui explique les multiples échecs de la gauche, surtout latino-américaine.

« Pour combattre tout cela, je suis d’accord avec le constat de la Dra Pogolotti. Nous devons intervenir davantage en nous servant de la culture, à partir de notre identité, pour la formation complète des nouvelles générations qui doit être essentiellement humaniste » a insisté Díaz-Canel.

« Qu’est-ce que l’impérialisme tente de faire ? Standardiser une seule culture, essayer de détruire les identités de tous les pays, pour que les gens considèrent comme obsolètes leur propre culture, leurs symboles, leur identité, qu’ils les méprisent, et que des millions de personnes dans le monde, de tous âges, acceptent sa culture.

Nous devons donner la priorité à cette bataille culturelle ; elle passe par le dialogue, par la participation et par le débat. Nous devons développer davantage d’espaces de débat pour discuter de tout ce dont il a été débattu ici (dans l’assemblée – bilan du Mincult) avec un plus grand nombre de personnes, avec des intellectuels, des historiens, des artistes. Il faut associer plus largement les gens pour qu’ils puissent exprimer leurs idées et apporter leur contribution à ce que nous voulons faire. »

Faiblesses dans la programmation

En ce qui concerne les dysfonctionnements de la programmation culturelle du pays, laquelle n’a pas toujours la qualité qu’elle devrait avoir, le président cubain a déploré les incohérences dans ce domaine, celles qui non seulement se manifestent dans le secteur non étatique mais aussi dans le secteur étatique, y compris dans celui des institutions culturelles.

« La politique culturelle de la Révolution est unique, elle doit exister dans tous les domaines, et le rôle moteur de sa mise en œuvre, indiquée par le Gouvernement, appartient au Ministère de la culture qui a toute autorité en la matière. » C’est l’un des principaux axes de l’action culturelle dans ce pays.

Pour ce qui est du fonctionnement du système des relations internationales, Díaz-Canel a également envisagé de diffuser le débat culturel de la Révolution en Amérique latine, dans les Caraïbes et dans le reste du monde, en créant des espaces où nous serons acteur de ce débat, l’une des pistes étant de favoriser, au quotidien, l’action du Réseau des intellectuels et des artistes pour la défense de l’humanité.

Le dernier thème abordé par le président a été celui relatif à la nouvelle Constitution de la République, laquelle impose de nouveaux enjeux, tels le renforcement de l’autonomie des municipalités où agissent les institutions culturelles, et la complémentarité de la Constitution avec les lois requises tant dans le domaine artistique que dans l’interaction du Mincult avec d’autres organismes du secteur culturel.

Au moment du bouclage de ce présent article, le président du Conseil d’État et du Conseil des ministres participait au bilan du travail mené durant l’année 2018 par le Ministère de l’Économie et de la Planification.